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Pour un accès aux soins pour tous, plus de flexibilité et de concurrence

Ce texte a été publié sur le site du Monde jeudi 12 avril 2012. Il est co-signé par Agnès Verdier-Molinié et Philippe François, de la Fondation iFRAP.

Parmi tous les pays de l'OCDE, la France est 3e (après les Etats-Unis et les Pays-Bas) pour ses dépenses de santé mesurées en fonction du PIB (environ 11,8 % en 2009 selon l'OCDE). Elle est aussi 2e (derrière les Pays-Bas, en 2009, selon l'OCDE) avec le plus faible montant des frais de santé restant à la charge des ménages après les remboursements de l'assurance-maladie obligatoire et des complémentaires santé ; en France, 94 % des résidents disposent d'une complémentaire santé (en 2008, selon l'Institut de recherche en économie de la santé). Ces deux places sur le podium ne résolvent pas tout, mais indiquent une excellente situation.

Depuis 1999 l'aide médicale d'Etat (AME) couvre les personnes en situation irrégulière sur notre territoire. Depuis 1999 encore, la Couverture maladie universelle (CMU) et depuis 2000 la Couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) assurent les personnes en difficulté. Tout ceci a construit une impressionnante suite de remparts contre l'exclusion du système de soins.

L'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes) indique pourtant que 15,4 % de personnes (en 2008, selon l'Irdes), soit 10 millions environ, auraient renoncé à se faire soigner pour des raisons financières et d'accès. Ce taux est-il exact ? L'Irdes indique que "ce concept n'a pas encore fait l'objet d'un travail méthodologique permettant d'analyser le sens que lui donnent les individus interrogés". Argent, choix personnel, négligence, barrière culturelle, difficulté d'accès aux soins ?

Il est certain que des centaines de milliers de personnes qui en ont vraiment besoin et ont la volonté de se soigner, passent encore à travers nos filets de protection. La principale cause de renoncement aux soins est le manque d'information sur les mécanismes de prise en charge et les parcours de santé. C'est vrai pour les personnes pauvres comme pour la majorité de la population. Les véritables inégalités sont entre les personnes qui connaissent les bonnes filières, qui ont le bon réseau et celles qui ne sont pas "branchées", d'où le succès des palmarès d'hôpitaux et de cliniques publiés régulièrement par la presse.

L'assurance-maladie obligatoire, qui finance 80 % des dépenses de santé, a la connaissance des parcours de santé de ses assurés. Elle pourrait aider les patients dans le parcours de soins et adapter son action à la diversité des besoins. Mais, en situation de monopole, elle n'est pas incitée à le faire. Quant au millier de complémentaires santé qui ne financent que 10 % des dépenses, certaines auraient la volonté d'intervenir, mais elles ne disposent pas des données médicales nécessaires et n'ont pas la taille critique.

C'est donc l'information qui doit d'abord être améliorée à travers les services sociaux existants, les associations caritatives n'intervenant qu'en complément pour les cas les plus désocialisés. En parallèle, le déploiement de maisons de santé regroupant des médecins et d'autres professions médicales dans les zones sous-médicalisées, que ce soit en milieu rural ou dans les zones urbaines sensibles, doit être poursuivi. Elles rapprochent les médecins de la population tout en déchargeant les urgences des hôpitaux. Enfin, la mise en place, comme à l'étranger, d'un premier niveau de diagnostic et de prescription par des personnels médicaux (pharmaciens, infirmiers, etc.) améliorera la prise en charge des patients.

Le système de soins et d'assurance-maladie français est donc suffisamment développé pour prendre tout le monde en charge, mais trop rigide. C'est seulement en introduisant de la flexibilité et de la concurrence que le nombre de personnes souffrant d'un manque d'accès aux soins pourra être fortement réduit.