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PLFSS-2018 : des ouvertures, mais pas de leviers

Pour ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale présenté par Agnès Buzyn, ministre de la Santé, les échanges entre le ministère et les parties prenantes se sont visiblement faits dans une ambiance d’écoute et de compétence appréciée. Mais la transformation revendiquée par le président de la République n’est pas encore visible dans notre système de santé. Les choix budgétaires du PLFSS-2018 sont voisins des précédents avec les classiques coups de rabot (ex. médicament, transport, biologie, imagerie, complémentaire santé, taxe) et la formulation de vœux indicatifs (ex. chirurgie ambulatoire, maisons de santé). Et si le financement de l’Assurance-maladie obligatoire par l’impôt plutôt que par des cotisations sociales nous rapproche du système anglais et constitue un changement majeur de modèle, il n’a encore aucun impact sur le système de santé lui-même. 

Sur des sujets urgents et fondamentaux comme la télémédecine ou les modes de rémunération des professionnels de santé, des ouvertures sont proposées, mais aucun des leviers capables de mettre notre système de santé en mouvement ne sont encore mis en place.  

Le cas de la chirurgie ambulatoire est exemplaire : la possibilité de développer ce mode de prise en charge était ouverte depuis longtemps, mais restée marginale en France, surtout dans les hôpitaux publics. La démarche  logique est de chercher à comprendre le pourquoi d’une telle inertie :  qu’est-ce qui a manqué pour que les établissements de soins, la médecine de ville et les soins de suite s’en emparent comme dans les autres pays ? Les déclarations gouvernementales, les lois, les décrets et les nominations de responsables compétents et motivés n’ont pas manqué. Mais l’iFRAP estime que ce sont les mécanismes de motivation, les leviers capables d’inciter notre système de santé à évoluer, qui ont complètement fait défaut. Même à l’AP-HP de Paris, ensemble phare de l’hospitalisation publique français avec ses 39 établissements et ses 100.000 employés, Martin Hirsch, son directeur général, confirme que le taux de chirurgie ambulatoire n’y est que de 36% contre 70% dans certains pays.  

Être prêt pour les révoutions en cours

En supposant que le sujet de l’ambulatoire sera finalement traité, comment mieux réussir avec les suivants ? Par exemple avec la fin du gigantisme des hôpitaux existants et en construction, alors que la technologie et la politique de santé visent à éviter d’y faire venir des patients ?  La ministre de la Santé a eu le courage de confirmer que 30% des actes médicaux hospitaliers ne sont pas pertinents, c’est-à-dire sont inutiles ou nuisibles. On imagine les restructurations possibles et nécessaires. En Suède, l’étude menée par Jacqueline Hubert, directeur de l’hôpital de Grenoble, a constaté une division par trois du nombre de lits hospitaliers avec un redéploiement des personnels de santé sur le terrain.

Futur hôpital de Nantes : 22 hectares, 1.354 lits, 58 blocs opératoires

Il regroupera deux hôpitaux existants : Hôtel Dieu (827 lits) et Laennec (526 lits) : total 1.353 lits

Mais le changement de fond dont il faut absolument tirer parti, c’est la vague de progrès technologiques qui révolutionne le secteur de la santé. Une commission de 30 membres sous la responsabilité de la CNAM a été annoncée par la ministre pour choisir les projets bénéficiant des 30 millions d’euros prévus à cet effet. Cette méthode n’est pas adaptée au monde actuel. En 2017, de multiples propositions sont portées par les entreprises existantes et de nombreuses start-up.  Personne ne sachant celles qui vont réussir, c’est en multipliant les lieux de décisions qu’on a le plus de chance de laisser s’épanouir les rares très bons projets. L’exploitation des données de santé constitue un exemple typique. C’est le principal outil capable d’améliorer la qualité et la pertinence globale des soins voulue par Madame Buzyn, de mettre en place une médecine préventive et prédictive, et de réduire les coûts. Mais c’est aussi le cas pour la télémédecine, le partage des tâches ou le paiement à la séquence de soins. Sans changement profond de méthode, notre système sera rapidement dépendant des géants étrangers, la France en étant réduite à chercher comment les taxer.  

Propositions de l’iFRAP

Le PLFSS est un exercice comptable plutôt que stratégique, dont le souci principal est l’équilibre des dépenses et des recettes. Les objectifs de qualité, pertinence, accès aux soins y sont clairement affirmés, et des pistes sont ouvertes pour les atteindre : modes de rémunération des médecins libéraux, télémédecine, parcours de soins, partage des tâches, innovations, attitude pro-science. Reste à définir dans la Stratégie de santé à publier fin 2017, puis dans le PLFSS-2019 la méthode qui engagera les acteurs à se lancer sur ces pistes et dynamisera le système.

  • équité de traitement entre différents fournisseurs de soins ;
  • autonomie des hôpitaux publics et recrutement des personnels sous statut privé ;
  • possibilité, comme en Suède ou en Allemagne, de confier la gestion d’hôpitaux publics à des fondations ou des groupes de cliniques privées ;
  • ouverture de l’Assurance-maladie au premier euro à la concurrence régulée et solidaire[1] comme aux Pays-Bas et en Allemagne ;
  • large accès aux données générales de santé anonymisées, possibilité d’accès, sous condition d’accord explicite des intéressés, aux données de santé individuelles (prévention et prédiction).  

[1] En France, 13 % des dépenses de santé, celles couvertes par les complémentaires – mutuelles comme assureurs - ne répondent pas au critère de solidarité générale entre Français