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Plan d'investissement dans les compétences : du réchauffé ?

Les pistes pour réformer l'insertion par l'activité économique

Le Plan d’Investissement dans les Compétences vise à former un million de jeunes peu qualifiés et un million de demandeurs d’emploi de longue durée faiblement qualifiés, et à transformer en profondeur l’offre de formation. Le plan d’investissement dans les compétences veut ainsi s’attaquer au chômage de masse, dans un contexte de mutation accélérée de notre économie.

Les programmes d’investissement prévoient un ensemble de mesures pour favoriser des parcours « sur mesure » de formation vers l’emploi. Le plan aura aussi à sa charge le déploiement d’une nouvelle plateforme du Compte personnel de formation (CPF). C’est un effort de 15 milliards d’euros qui devrait être conduit entre 2018 et 2022, concrétisation d’une promesse de campagne d’Emmanuel Macron.

Une haute-commissaire à la « transformation des compétences » a été nommée, il s'agit d'Estelle Sauvaut, qui dirige depuis 2011 le cabinet spécialisé en ressources humaines Sodie. Elle est chargée de la conception et du déploiement du « PIC » (plan d'investissement compétences) et doit aussi mettre en place l'application numérique du compte personnel de formation. Le dossier de presse du ministère du Travail précise qu’avec le Plan d’investissement une priorité sera donnée aux personnes peu ou pas qualifiées, aux quartiers prioritaires de la ville, aux demandeurs d’emploi handicapés, aux jeunes décrocheurs et aux personnes en parcours d’inclusion dans l’emploi.

L'objectif du PIC est donc de proposer d'améliorer la qualification des jeunes et des demandeurs d'emploi, avec le financement de :

  • un million de places de formation pour les chômeurs peu qualifiés ;
  • 470 000 actions pour les jeunes décrocheurs ;
  • 330 000 actions de préparation aux dispositifs d'alternance ;
  • 250 000 actions de formation ouvertes à distance non ciblées sur un public particulier.

Au sein du PIC, l’Etat s’engage à prévoir un financement spécifique pour la formation des salariés de l’Insertion par l’Activité Economique (IAE). Une enveloppe de 40 millions par an, de 2019 à 2022 plus 20 millions pour 2018, viendra en complément des financements existants et des différentes conventions Etat-Régions.

Les réseaux de L’IAE ainsi que tous les OPCA (organismes paritaires collecteurs agréés) et Pôle Emploi ont été appelés par la DGFEP (délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle) à co-signer un accord cadre qui a l’ambition d’impulser des dynamiques au bénéfice des salariés des structures de l’IAE.

Il est important de préciser ce que recoupe l’Insertion par l’Activité Economique (IAE), née dans les années 1970 à l’initiative d'acteurs de terrain souhaitant favoriser l’autonomie et la mise en situation de travail de personnes éloignées de l’emploi. Pour autant, la reconnaissance institutionnelle des acteurs œuvrant dans ce champ et leur structuration se sont déroulées progressivement. En 1998, la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions a permis d’inscrire leur action dans le code du travail.

L’article L5132-1 du code du travail dispose que l’IAE a pour objet de permettre à des personnes sans emploi, rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières, de bénéficier de contrats de travail en vue de faciliter leur insertion professionnelle. Elle met en œuvre des modalités spécifiques d'accueil et d'accompagnement.

L'IAE s'adresse aux personnes particulièrement éloignées de l'emploi, notamment :

  • chômeurs de longue durée ;
  • personnes bénéficiaires des minimas sociaux (RSA...) ;
  • jeunes de moins de 26 ans en grande difficulté ;
  • travailleurs reconnus handicapés .

L'IAE suppose la signature d'un contrat de travail spécifique avec une structure spécialisée en insertion sociale (contrat renouvelable dans la limite d'une durée totale de vingt-quatre mois).

Pôle Emploi cible et oriente ces personnes vers des structures spécialisées en insertion sociale et professionnelle susceptibles de leur proposer du travail.

Un salarié embauché dans le cadre d'une IAE bénéficie, notamment avant de sortir du dispositif, d'un suivi et d'un accompagnement renforcés (évaluation, ateliers de recherche d'emploi, bilan de compétences...)

Il est possible de distinguer les Structures d'Insertion par l'Activité Economique (SIAE) selon qu'elles produisent des biens et services (EIACI) ou mettent à disposition des salariés (ETTIAI).

  • L'Entreprise de Travail Temporaire d'Insertion (ETTI) est une entreprise de travail temporaire de type particulier.

Son activité consiste à mettre à disposition des personnes auprès d'entreprises du secteur marchand, dans le cadre de missions d'intérim, avec pour objectif l'accès à l'emploi durable. La mise à disposition dans l'entreprise classique se fait selon la réglementation rattachée aux entreprises de travail temporaire. Pour compenser les difficultés des salariés, un accompagnement social et professionnel est effectué par les permanents de la structure.

  • L'entreprise d'insertion (EI) produit des biens et des services en vue de leur commercialisation. Elle propose aux personnes en difficulté d'accès à l'emploi un parcours personnalisé fondé sur la mise en situation de travail. L'EI est une véritable unité de production qui a les mêmes contraintes et les mêmes impératifs de production et de qualité qu'une entreprise "classique".
  • Créée en 1987, l'Association Intermédiaire (AI) a pour rôle de mettre du personnel à disposition à titre onéreux, mais à but non lucratif pour réaliser des petits travaux. Localement, les associations effectuent des activités d'aide à domicile, de ménage, bricolage, jardinage, manutention, restauration, commerce, activités culturelles. L'AI s'adresse à des personnes éloignées de l'emploi et met en œuvre à leur égard des dispositifs d'accueil et d'accompagnement socioprofessionnels. Ses clients sont des particuliers, des associations, des collectivités locales, des entreprises (dans la limite de 480 heures).
  • Les ateliers et chantiers d’insertion ont pour objectif de recruter, d’accompagner, d’encadrer et de former des personnes rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières en vue de faciliter leur retour à l’emploi.

Leurs activités peuvent s'exercer dans l'ensemble des secteurs d'activité dès lors que les avantages et aides octroyés par l'Etat ne créent pas de distorsion de concurrence et que les emplois ainsi créés ne se substituent pas à des emplois privés ou publics existants. Les biens et les services qu'ils produisent peuvent être commercialisés, dans des limites fixées par l'Etat, dès lors qu'ils contribuent aux activités d'insertion sociale et professionnelle des personnes embauchées. Organisés de manière ponctuelle ou permanente, les ACI sont des associations loi 1901 et sont le plus souvent portées par un organisme de droit privé à but non lucratif. Pour autant, ils peuvent aussi être portés par une commune, un établissement public de coopération intercommunale, un département, un syndicat mixte, un centre communal ou intercommunal d’action sociale (CCAS)… (liste déterminée par décret).

Quelques chiffres clés sur l’IAE :

  • 3733 SIAE réparties sur l'ensemble du territoire au 31/12/2016

  • Poids des SIAE au niveau National

  • Coût annuel en financement public / ETP en €

 

ACI

AI

EI

ETTI

Moyenne SIAE

Emploi stable (CDI, à son compte)

7%

21%

12%

19%

15%

Emploi non aidé non stable (CDD, Interim, CESU, vactions)

14%

26%

18%

28%

22%

Emploi aidé (dont emploi en IAE)

4%

6%

3%

4%

4%

Taux de retour à l'emploi 

25%

53%

33%

51%

41%

Au regard des chiffres mentionnés ci-dessus, il apparait que les structures qui bénéficient du montant de subventions le plus élevé, les ACI, ont le taux de retour à l’emploi le plus faible.

Certes, les ACI sont confrontées à un public précaire qui est le plus éloigné du marché de l’emploi.

Cependant, au regard des sommes dépensées, pouvons-nous nous satisfaire d’un taux de retour à l’emploi de 25% ? En effet, toutes ces structures sont sous perfusion d’argent public pour des résultats plus que perfectibles. De plus, les contrôles des services de l’Etat sont quasi-inexistants (hormis les dialogues de gestion annuels avec des chiffres fournis par les SIAE elles-mêmes).

Des solutions existent pour réformer le monde de l’IAE

Imposer de réels contrats d’objectifs annuels de résultats, contrôlés par les services déconcentrés de l’Etat. On pourrait à ce titre fixer un plafond de dépense par structure validé avec les services déconcentrés de l’Etat. Si la structure terminait son exercice en déficit, elle perdrait son agrément. A contrario, si elle parvenait à boucler son exercice en équilibre, elle bénéficierait d’une rallonge budgétaire.

Autre méthode : dans les pays anglo-saxons, le versement d'allocations est soumis à une obligation de travail (réel) et de formation. Aux USA, des associations s'occupent de personnes qui dépendraient en France de l'IAE, mais sous un autre angle : tous les bénéficiaires sont indépendants. L'association leur apprend un métier (souvent manuel) qui leur permet de se réinsérer dans la société par un véritable travail individuel. L'association est là pour les guider, les aider dans les démarches administratives, les conseillers, voire leur fournir des clients. En contrepartie, les bénéficiaires reversent un % de leurs revenus à l'association. Peu ou pas d'argent public dépensé, une volonté de responsabiliser le bénéficiaire et de l'accompagner vers un épanouissement professionnel : Là est la véritable révolution du secteur de l'IAE. En France, il existe une entreprise "Lulu dans ma Rue" à Paris, qui a fait le pari de la réinsertion via le statut de micro-entrepreneur (et l'utilisation du numérique via une plateforme) : Les Lulus, sont suivis via notamment une assistante sociale, reçoivent des commandes de clients (de vraies missions utiles pour des individus), sont aidés pour les démarches administratives. En contrepartie, afin de les responsabiliser et de structurer le modèle économique, ils reversent à "Lulu dans ma Rue" un % de leurs CA en fin de mois.