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Ordonnance : Faire sauter les 35 heures

La question de la durée légale du travail, fixée par la loi à 35 heures, est difficile à régler. L’instauration des 35 heures a profondément bouleversé la vie des entreprises, d’abord en augmentant automatiquement le coût du travail de 11,4% (plus d’éventuelles majorations sur les heures supplémentaires), et en obligeant les entreprises à se réorganiser et à passer des accords ayant nécessité d’intenses négociations.

Pourquoi il faut réformer ?

Des mesures d’allègement ont été accordées pour compenser l’augmentation du coût du travail, mais elles sont concentrées sur les bas salaires. A l’heure actuelle, aucune mesure d’allégement n’est applicable aux salaires au-delà de 2,5 smic. Par voie de conséquence, aucune mesure ne vient compenser le coût des 35 heures au-delà de cette limite de salaires, et en-dessous de 2,5 smic.

Ce que l’on constate à l’heure actuelle, c’est d’abord le renchérissement du coût du travail dans le secteur privé comme dans le public, avec une mention particulière pour la situation catastrophique que connait le secteur hospitalier tant du point de vue de la désorganisation et du stress des salariés que de celui du coût (recours aux intérimaires). C’est ensuite le fait que la moyenne du temps de travail par semaine travaillée est en France de presque 39 heures, ce qui prouve en soi que les entreprises (et probablement les Français) n’ont pas voulu appliquer la mesure et préfèrent payer des heures supplémentaires – ce qui suffit à condamner ladite mesure. Enfin, la France est clairement en chômage de type classique (déficit d’offre) et non de type keynésien (déficit de demande), ce qui milite en faveur d’une augmentation du temps de travail. Les exemples des accords de Renault, comme de PSA ou, très récemment chez Arc International, qui ont permis de redonner du travail aux entreprises et d’assurer leur pérennité, ou encore de Smart, sont là pour le prouver.

La nécessité de mettre fin aux 35 heures comme durée légale du travail tant dans le secteur public que dans le secteur privé, est peu discutable. Rappelons-nous qu’au moment de leur instauration, la réduction du temps de travail n’était nullement une demande des salariés ni des syndicats, mais répondait à la croyance du partage du temps de travail, et rappelons-nous aussi que Lionel Jospin avait à l’époque formellement exclu, parce que la France ne pouvait pas se le permettre pour des raisons budgétaires, que les 35 heures s’appliquent au secteur public. Cette incroyable erreur politique n’avait pas tenu quelques semaines… mais son auteur avait raison !

S’il paraît exister un consensus général, à droite et au centre de l’échiquier politique, pour permettre d’assouplir la réglementation du temps de travail, et notamment la durée légale, par des accords passés au niveau de l’entreprise, les moyens d’y parvenir font l’objet de débats compliqués. Tout d’abord, imposer par exemple une durée légale modifiée de 39 heures n’est pas souhaitable car cela signifierait remplacer une rigidité par une autre. Or beaucoup d’entreprises, particulièrement les grandes, veulent avoir les mains libres pour discuter avec leurs syndicats et ne veulent pas se voir imposer de modifier les accords auxquels elles sont parvenues. De plus, ce serait imposer une augmentation des salaires de 11%, que bien des entreprises ne désirent pas, sauf à prévoir des heures non rémunérées au-delà des 35 heures actuelles, ce qui paraîtrait inacceptable. La meilleure solution consiste dès lors, à passer une ordonnance dès les premières semaines du quinquennat visant à supprimer la durée « légale » du travail pour donner aux partenaires sociaux la faculté d’en déterminer les conditions (essentiellement le régime des heures supplémentaires), tout en enserrant cette liberté dans des limites légalement fixées (seuil maximum des heures supplémentaires de 39 heures, taux de majoration minimum de 10%).

Mais le cas des TPE (moins de dix salariés), d'où les représentants du personnel sont absents, soulève une difficulté particulière, surtout dans le cas, très fréquent, d’entreprises qui se créent avec par exemple un ou deux salariés. La nécessité dans la loi actuelle de passer par le mandatement syndical prévu par l’article 2232-24 du code du travail, est impossible pour les entreprises sans salarié qui voudraient embaucher, et impraticable dans les faits pour les autres. Il faut y substituer la décision de l’employeur, en évitant de créer un effet de seuil lorsque l’effectif de l’entreprise augmente (les accords collectifs deviendraient obligatoires à partir de 100 salariés pour les entreprises s’étant prévalues de cette possibilité lorsque leur effectif était inférieur à 10 salariés).