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Les Français travaillent moins que les autres : les chiffres

Avec 10,3 semaines en moyenne non travaillées par an et par travailleur et une durée de travail effectif des salariés à temps plein à 1.661 heures par an, la mise à jour de la note Coe-Rexecode sur la durée effective annuelle du travail en France et en Europe rappelle, à nouveau à tous, que la France est (avec la Finlande) le pays européen où l'on travaille le moins et ce, à cause d'une législation sur le travail peu flexible, de la durée légale de travail la plus basse d'Europe, d'une part trop importante du secteur non marchand et d'un penchant pour les congés ordinaires et l'absentéisme. Un constat qui, alors que nous conservons la 5e place en termes de compétitivité au niveau européen et la 4e place en termes de volume de travail, prouve que la France, si elle s'en donnait les moyens pourrait rattraper des pays comme le Royaume-Uni et l'Allemagne qui avec des prévisions de croissance à la hausse pour 2014-2015 [1] culminent à plus de 50 milliards d'heures de travail chacun et par an.

En 2013, l'Allemagne représente 15,7% du nombre d'heures travaillées de l'Union européenne, contre 13,5% pour le Royaume-Uni, 11,5% pour l'Italie et 10,8% pour la France (8,5% pour la Pologne et 7,8% pour l'Espagne). Au total, ces 6 pays représentent 68% du « travail » européen qui représente 363,8 milliards d'heures travaillées (à titre de comparaison, les États-Unis ont effectué 255,8 milliards d'heures de travail en 2013).

Si le volume de travail (nombre total d'heures travaillées) de la France est relativement constant depuis 2009, il reste très en dessous de pays comme l'Allemagne ou, pour une comparaison à population égale, du Royaume-Uni. Le décrochage entre la France et nos voisins se fait dans les années 1980, moment où le volume de travail augmente de façon conséquente au Royaume-Uni et où l'Italie nous dépasse durablement. Finalement, en 2013, les Allemands auront travaillé 18,3 milliards d'heures de plus que les Français, les Britanniques 9,9 milliards d'heures de plus et les Italiens, 2,6 milliards d'heures de plus. Ce déficit du nombre d'heures travaillées montre que notre pays souffre d'un retard important en matière de durée du travail. La dernière note Coe-Rexecode publiée la semaine dernière, qui met à jour ses premières conclusions de janvier 2012, revient sur la durée de travail annuel en France et dresse plusieurs conclusions :

La France en bas de classement du temps de travail effectif européen

Dans cette note Coe-Rexecode fait une comparaison du temps de travail des pays européens et s'attarde sur le cas de France :

  • La durée de travail effective des salariés à temps complet est de 1.661 heures en France, soit 239 heures de moins que les Britanniques, 186 heures de moins que les Allemands et 120 heures de moins que les Italiens. Et cette durée, si elle chute dans tous les pays d'Europe (sauf le Royaume-Uni), connait une diminution bien plus importante en France. Depuis le début des années 2000 : - 14,8% en France contre seulement -9,8% en Espagne, -8,9% en Allemagne et moins 7,6% en Italie.
  • La durée de travail effective des travailleurs non salariés à temps complet est de 2.372 heures en France (c'est-à-dire 43% de plus que les salariés à temps complet). Cette durée de travail est proche des Allemands qui travaillent 27 heures de plus par an mais très éloignée des Britanniques qui travaillent 334 heures de moins par an.

Ainsi les travailleurs non salariés réalisent 711 heures de travail en plus par an que les salariés. Outre l'effet évident des 35 heures, cette différence trouve également sa source dans la durée effective de travail des salariés à temps plein dans le secteur des services non marchands qui est bien plus faible que celle du secteur marchand. Ainsi, en 2013 :

  • Les employés à temps plein du secteur non marchand ont travaillé 1.589 heures par an ;
  • Les employés à temps plein du secteur marchand ont, eux, travaillé 1.729 heures par an (1.662 heures pour le secteur de l'industrie et 1.667 dans le secteur de la construction).

La faible durée de travail des Français peut donc s'expliquer, en partie, par l'importance du secteur non marchand qui inclut toute la fonction publique (dont la durée de travail légale est l'une des plus faibles de l'OCDE et fixée à 1.607 heures annuelles et entre 630/910 heures annuelles pour les enseignants du 1er et 2nd degré), la santé et l'action sociale. En effet, la Fondation iFRAP rappelle régulièrement le retard de la France dans la création d'emploi marchand : une mise à niveau sur nos principaux concurrents devrait nous permettre de créer 4 à 7 millions d'emplois.

Mais la note Coe-Rexecode distingue d'autres origines au faible temps de travail effectif en France, outre évidement la diminution progressive de la durée de travail légale passée de 39h en 1982 à 35h en 2002 dans notre pays, c'est-à-dire le taux le plus bas d'Europe dont la moyenne tourne autour de 38h (selon les conventions signées par branche).

Les congés payés et RTT : Sur les 10,3 semaines non travaillées par les Français, 6,6 semaines sont issues des congés payés et des RTT auxquelles s'ajoute 0,9 semaine au titre des jours fériés, soit 7,5 semaines accordées par la législation sur le travail. Concernant les RTT, la note s'accorde sur une estimation de « l'effet RTT » égale à plus de 8 jours par an et par salarié, soit une heure de travail en moins par semaine sur l'ensemble des salariés.

 Durée légale des congés payés (en jours)Nombre de jours fériésTotal : jours minimum de congés ordinaires
France301141
Allemagne249 à 14 selon le Land33 à 38
Pologne20 (26 après 10 ans de travail)1232 à 38
Espagne221436
Royaume-Uni20 à 28828 à 36
Italie201232
Grèce201232
États-Unis0 [2]88

Si une moyenne de 10,3 semaines de congés prise en France peu sembler impressionnante, rappelons le cas de Renault qui, il y a encore peu de temps était confronté à un important sous-travail de ses effectifs. En effet, les salariés avaient obtenu, par le biais de calculs de congés extrêmement favorables des réductions de temps de travail aboutissant à 9 ou 10 semaines de congés annuels, soit un temps de travail annuel de 1.500 heures (contre les 1.603 heures correspondant à la semaine de 35 heures avec les congés légaux). Face à la crise et aux risques de fermeture des sites, les syndicats ont finalement accepté d'augmenter le temps de travail annuel de 6,5%. Si cela ramène le groupe à la durée légale de travail, il reste loin de la flexibilisation totale mise en œuvre en Allemagne.

L'absentéisme : L'étude ALMAcg qui revient tous les ans sur l'absentéisme dans les entreprises françaises, chiffre l'absentéisme à 4% en 2009, 3,95% en 2010, 3,84% en 2011 avant d'observer une remontée en 2012 où le taux s'établit à 4,53% soit 16,6 jours d'absence par salarié et par an, pour un coût direct (c'est-à-dire complément de salaire employeur et coût de remplacement) pour les entreprises de 6,98 milliards d'euros. L'absentéisme reste cependant difficilement mesurable mais certaines entreprises publient néanmoins leurs résultats : ainsi, le taux d'absentéisme chez Bouygues serait de 3,80% contre seulement 2,15% chez BNP Paribas. Mais là où l'absentéisme frappe le plus, c'est dans la fonction publique. En début d'année, la Fondation iFRAP s'était livrée au chiffrage de l'absentéisme dans la fonction publique communale qui atteignait le taux de 11,8%, soit 26,42 jours par an et par agent. Si une étude complète sur l'absentéisme dans le secteur public et le secteur privé reste à faire, il est évident, à partir de ces données même partielles, que les salariés du public sont beaucoup plus absents que ceux du privé.

Un point sur le chiffrage officiel de l'absentéisme :
  • Par la DGCL : La DGCL ne calcule pas le taux d'absentéisme mais donne le nombre de jours d'absence toutes causes des agents de la fonction publique territoriale. Ce chiffrage est inférieur aux calculs de la Fondation iFRAP mais donne : 27,3 jours d'absence par agents dans les régions, 20,1 jours d'absence dans les départements, 22,3 jours d'absence dans les communes, 19,5 jours d'absence dans les EPCI à fiscalité propre, 14,7 jours d'absence pour les autres organismes, soit une moyenne à 21,5 jours d'absence.
  • Par la Dares sur la période 2003-2011 : La Dares, dans son étude, fixait à 3,90% d'absentéisme pour la fonction publique, 3,70% d'absentéisme pour les CDI de plus d'un an et 2,60% d'absentéisme pour les CDD et CDI de moins d'un an. Sauf que, problème, cette étude calculait en réalité le ratio de salariés absents sur une semaine donnée. Dans cette même étude, un graphique montrait que les titulaires de la fonction publique (mis à part les cadres) sont nettement plus absents que les salariés en CDI ou en CDD et intérim. On constate un écart de 0,2 point entre public et privé soit l'équivalent de 9.000 agents publics absents en plus chaque jour par rapport au privé.

Concernant l'absentéisme en Europe, il existe peu d'études sur le sujet mais en 2011, une note du cabinet Mercer s'était penchée sur la question. Ces conclusions sont néanmoins à nuancer pour des raisons méthodologiques puisque certains États comme l'Autriche, prennent en compte toutes les absences, quelle que soit leur durée, d'autres, comme la Grèce, n'intègrent dans leurs calculs que les absences supérieures à trois jours ou, comme la Norvège, ne considèrent pas les congés pour raison de famille comme une absence. L'étude fixait l'absentéisme en Europe à :

  • 9 jours par salarié et par an en Autriche
  • 8 jours par salarié et par an en France et en Allemagne.
  • 7 jours par salarié et par an aux Pays-Bas et en Pologne (et moyenne européenne)
  • 6 jours par salarié et par a en Italie et en République Tchèque
  • 5 jours par salarié et par an au Royaume-Uni
  • 4 jours par salarié et par an en Irlande, au Portugal et en Espagne.

Rappel des propositions de la Fondation iFRAP sur le travail :

Voir notre dossier de mars 2013 :

  • Revenir à la durée légale du travail de 39 heures en plusieurs étapes (37 heures la première année) sans diminution de salaire horaire ;
  • Ne pas chercher à empêcher le recours aux contrats précaires et autoriser beaucoup plus largement le recours au CDD en augmentant sa durée maximum à 36 mois ;
  • Faciliter la flexibilité, à savoir : d'une part, la réduction du temps de travail avec réduction du salaire, en combinant la faculté de conclure dans les entreprises de tels accords, sans les restrictions excessives imposées par le projet ANI, avec un accès véritablement efficace au régime du chômage partiel et, d'autre part, les augmentations du temps de travail en fonction des nécessités (comme le fait l'accord Renault récent) ;
  • Ne pas restreindre les conditions de recours à la rupture conventionnelle ;
  • Retirer du Code du travail les dispositions les plus pénalisantes pour les employeurs (nullités de forme, sanctions financières automatiques et/ou pénales, seuils sociaux) en attendant une véritable remise à plat de ce code devenu monstrueux ;
  • Mener une réflexion sur la notion de cause réelle et sérieuse des licenciements économiques et aussi individuels ;
  • Mener une véritable campagne de pédagogie de valorisation des entreprises en reconnaissant leurs possibles difficultés financières et la nécessité de fonds propres par ailleurs correctement rémunérés, et admettre une notion large de la compétitivité des entreprises.

[1] Prévision de croissance de la Commission européenne pour le Royaume-Uni : +2,7% en 2014, +2,5% en 2015. Pour l'Allemagne : +1,8% en 2014, +2% en 2015 et pour la France : +1% en 2014, +1,5% en 2015.

[2] 25% des travailleurs, aux États-Unis, n'ont aucun congé payé (qui n'existe pas). En moyenne, les employeurs donnent 10 jours de congés payés à leurs salariés