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L'aberration des 35 heures

Après la période de mise en place des 35 heures où le nombre d'heures hebdomadaires effectivement travaillées a, d'après les statistiques européennes, plongé au-dessous de 39 heures, ce nombre d'heures a maintenant retrouvé presque exactement le chiffre antérieur aux 35 heures. Qu'en conclure sinon à l'aberration de ces dernières ?

Voici les statistiques comparées pour six pays européens dont la France, de 1997 à 2008.

Source : Eurostat

On peut paraître étonné de constater une distorsion de plus de 6 heures entre la durée légale de travail hebdomadaire et la durée effective. Les syndicats l'ont remarqué et en tirent un argument pour réfuter l'accusation que les Français ne travailleraient pas assez. La réalité est plus complexe, car il serait alors nécessaire pour débattre de ce point, de s'appuyer sur les chiffres annuels et non pas hebdomadaires. Mais là n'est pas notre sujet d'aujourd'hui.

Ce qui nous paraît important, c'est de tirer les conclusions qui s'imposent de ce graphique : la France a connu entre 1999 et 2002, une période où la durée de travail hebdomadaire a été aberrante au sens propre du terme. Non seulement la France partait, avant l'instauration des 35 heures, d'une durée de travail inférieure à la moyenne européenne, mais elle est sortie complètement des limites pendant la période en question : en effet, le nombre d'heures effectives de travail est tombé à moins de 39 heures, soit entre deux et cinq heures de moins que nos partenaires européens. Mais la solution du partage du travail n'allait pas pouvoir s'imposer et n'était pas tenable, ce que montrent les statistiques à partir de 2003. En 2008, on en revient, grâce aux mécanismes de la RTT et des heures supplémentaires, à 41,1 heures comme en 1997.

Malheureusement, ce retour n'a pu se faire qu'en coûtant très cher au budget de l'Etat : le chiffre de 4,4 milliards d'euros environ est avancé pour 2010. Ceci est le résultat des lois successives (lois Aubry I, Aubry II, Fillon, TEPA) qui ont édicté les aides aux entreprises et exonérations de charges sociales et fiscales pour compenser la RTT sans diminution de salaire, provoqué l'alignement du SMIC par le haut ainsi que l'exonération des heures supplémentaires.

Quant à revenir simplement aux 39 heures antérieures, quel gouvernement peut imposer aux Français de rajouter 4 heures à leur durée de travail hebdomadaire sans augmenter les salaires ? Toujours la règle du cliquet. C'est donc l'Etat, comme on vient de le voir, qui s'est trouvé contraint de prendre en charge la compensation. Le retour à une durée normale s'est fait, mais à la charge de l'Etat.

Comment alors faire en sorte que cette situation ne perdure pas ? L'horizon actuel est trop bouché pour qu'on puisse maintenant y mettre fin. Le palliatif du gouvernement a été en tout cas de ne plus donner de coup de pouce au SMIC, qui s'est trouvé projeté vers le haut du fait des 35 heures, avec les exonérations de charges sociales qui ont dû être consenties jusqu'aux salaires égaux à 1,6 SMIC. Comme l'iFRAP l'a souvent souligné, il est en effet impératif que le SMIC ne connaisse pas d'augmentation supérieure au coût de la vie. Outre que toute augmentation se traduirait par l'écrasement de la grille des salaires, ce serait encore accroître l'assiette des exonérations et ajouter aux déficits publics.