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Décryptage des prix de l'électricité, du gaz et des carburants

Après les augmentations de cet été, les tarifs réglementés du gaz vont encore augmenter de +12,6% au 1er octobre : depuis le début de l'année, la hausse totale a été de +59% tandis que les prix du carburant ont aussi augmenté de +15% depuis janvier 2021. Du côté du prix de l'électricité, UFC-Que choisir estime que la facture annuelle moyenne des tarifs réglementés de l'électricité a déjà augmenté de +150 euros depuis le début de l'année et qu'une hausse supplémentaire de +10% est à craindre pour le début de l'année 2022. En face de ces chiffres, il convient de rappeler que les taxes constituent 36% du prix de l'électricité, 30% du prix du gaz, 68% du prix du gazole et de l'essence. Décryptage.

L’évolution du prix de l’énergie

Évolution du prix de l’électricité en France de 2007 à 2021 en c/kwh : [1]

On voit donc que le prix de l’électricité a augmenté de près de 75% depuis 2007, dont plus de 50% sur les dix dernières années. De plus, le prix de l’abonnement de l’électricité, qui s’ajoute au prix par Kwh est passé 82€ en 2011 à 137€ en 2021. Une hausse qui a une forte répercussion sur les factures des ménages alors que le total de la facture d’électricité est passé de 1019 à 1522€ de 2010 à 2020.[2]

De plus, d’autres hausses sont prévues à l’avenir avec la hausse du TURPE d’1% par an jusqu’en 2024, soit une hausse moyenne de 15€ en plus par ménage et par an.[3] Enfin, une hausse de 10% est estimée pour 2022, soit 150€ supplémentaires sur la facture moyenne des ménages.[4]

La facture d’électricité se compose donc de trois parts majeures, le coût d’acheminement du réseau de l’électricité qui est la TURPE (tarif d’utilisation du réseau public d’électricité), soit 33% du prix final de la facture. Le coût de fourniture, qui correspond à la production et l’approvisionnement en électricité qui équivaut à 33% également, et les taxes qui regroupent la CSPE (contribution au service publique de l’électricité devenue TICFE soit taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité, depuis 2016) ; la CTA (contribution tarifaire d’acheminement, une taxe indexée sur les prestations de transport et de distribution d’électricité) ; la TCFE (taxe sur la consommation finale d’électricité) et la TVA (taxe sur la valeur ajoutée). En septembre 2020, les taxes reviennent en moyenne à 667,08€ aux foyers par an, soit 34% de la facture d’électricité.

En 2021, la part des taxes dans le prix final de l’électricité a encore augmenté, pour atteindre 36% de la note finale.[5]

Les plus larges taxes sur l’électricité sont la TVA, qui représente 11% du prix final de l’électricité et la CSPE, devenue TICFE depuis 2014 qui équivaut à 11%. Le graphique ci-dessus nous montre l’augmentation de la TICFE en € depuis 2004. On remarque une augmentation majeure de 2011 à 2016, suivie d’une stabilisation de 2016 à 2021, celle-ci résulte de révoltes sociales et de la crise sanitaire. Cependant, une nouvelle augmentation serait possible pour 2022.

  • En 2007 : 112€/Mwh dont 7,5€ pour la CSPE. Soit 6,7% de la note finale.
  • En 2021 : 195€/Mwh dont 22,5€ pour la CSPE. Soit 11,53% de la note finale.

La CSPE a donc augmenté de 15€/Mwh entre 2007 et 2021 ainsi que de 4,83 points de pourcentage de la note finale d’électricité sur la même période. La CSPE/TICPE sert à financer les énergies renouvelables (69%), l’aide aux réseaux non connectés (18%), la cogénération (10%) ainsi que l’aide aux consommateurs faisant face à la précarité énergétique (3%).

Évolution du prix de l’électricité TTC pour les ménages dans l’UE :[6]

Néanmoins, on voit que le prix de l’énergie en France reste parmi les plus faibles de l’UE. En 2019, le prix de l’électricité en Allemagne est parmi les plus élevés d’Europe avec 0,309€/kwh pour les ménages, soit près de deux fois celui de la France qui était de 0,176.[7] Cette large différence s’explique par la différence de bouquet énergétique entre les deux pays. Celui de la France est principalement constitué d’énergie nucléaire (70,2% en 2018) et hydraulique (11,6% en 2018) qui permettent une énergie compétitive et peu carbonée tout en assurant l’indépendance énergétique de la France.

Coût de production de l’électricité :[8]

Nucléaire

De 59,8 à 109€/Mwh (en fonction de l’ancienneté de la centrale)

Hydraulique

De 15 à 20€/Mwh

Éolien terrestre

90€/Mwh

Éolien marin

200€/Mwh

Photovoltaïque

142€/Mwh

Énergie thermique

De 70 à 100€/Mwh

Une centrale nucléaire, relativement récente permet donc la deuxième production d’électricité la plus bon marché après l’hydraulique, dont les coûts de construction ont déjà été largement amortis. La France dispose donc d’électricité moins coûteuse grâce à son bouquet énergétique qui repose majoritairement sur le nucléaire et l’hydraulique, contrairement à l’Allemagne pour laquelle le thermique est plus important et qui se focalise sur l’installation d’infrastructures renouvelables très coûteuses telles que le photovoltaïque et l’éolien.

Différemment, si l’on compare la part des taxes dans l’électricité en Allemagne et en France, on peut voir que leur part est plus importante chez nos voisins également. Ces derniers, qui ont l’électricité la plus chère d’Europe en 2019, ont des taxes qui s’élèvent à 52,3% du prix final de leur électricité, soit près de 20% de plus qu’en France.[9]

Pays[10]

Prix de l’électricité en kw/h sans taxes fin 2020

Prix de l’électricité en kw/h TTC fin 2020

Différence liée aux taxes

Europe

0,1282

0,2134

+0,0852

France

0,1292

0,1958

+0,0666

Allemagne

0,1451

0,3006

+0,1555

Royaume Uni

0,1532 (S1)

0,2203 (S1)[11]

+0,0671

Italie

0,1331

0,2153

+0,0822

Espagne

0,1260

0 ,2298

+0,1038

Pays-bas

0,1365

0,1361

-0,0004

Belgique

0,1798

0,2702

+0,0904

Luxembourg

0,1465

0,1985

+0,052

Maintenant, si l’on compare avec la moyenne européenne ainsi que d’autres pays européens, on voit que l’électricité française n’est pas la plus taxée. En effet, la part des taxes dans le prix de l’électricité en France est en dessous de la moyenne européenne. C’est l’Allemagne qui a le taux de taxes les plus élevées sur l’électricité, suivie de l’Espagne, la Belgique, l’Italie, le Royaume-Uni, la France, le Luxembourg et les Pays-Bas.

L'évolution du prix du Gaz

Évolution des tarifs règlementés de vente du gaz naturel en France

Le graphique nous montre que la tarification du gaz connaît des fluctuations importantes depuis 2013. Alors que le prix du gaz était relativement bas en 2020, on peut voir qu’il connaît une hausse drastique à partir de juillet 2020 jusqu’à aujourd’hui, une hausse qui mène le prix du gaz à son apogée depuis 2013. En effet, on voit une augmentation de 28,67% entre janvier 2013 et juillet 2021 pour le prix du gaz au tarif B1 et B2i en zone 1.

Ce sont majoritairement les coûts de fourniture du gaz qui augmentent au niveau global à la suite de la crise sanitaire, et au faible niveau de réserves en Europe. Ainsi, en septembre 2021, le prix du gaz a augmenté de 8,7% et la hausse prévue pour le 1er octobre 2021 atteindrait les 12,5%.[12][13]

La facture de gaz est composée de différentes parts, la fourniture et la distribution, qui correspondent à 29% du prix final chacune. Le transport, et le stockage qui constituent 8 et 4% du coût final respectivement.  Et enfin les taxes, composées de la TVA (13%) ; de la TICGN (taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel 13%) et la CTA (4%). Les taxes sont donc responsables pour 30% du prix final du gaz en 2020. En septembre 2020, les taxes reviennent en moyenne à 257,40€ aux foyers par an.

Cette part des taxes dans le prix du gaz a nettement augmenté ces dernières années. Alors qu’elle représentait 4% du montant de la facture finale des usagers en 2010, elle est passée à 23% en 2018 puis 30% en 2020.[14] Donc une hausse de 26% en 10 ans. Cette large hausse est notamment due à l’augmentation de la TICGN qui est passée de 1,27€/MWh en 2014 à 16,02€/Mwh en 2022.

Cependant, la présente hausse drastique du gaz en Europe n’est pas le résultat d’une forte taxation. En effet, en septembre 2021, les tarifs hors taxes d’Engie sur le gaz avaient augmentés de 15,8% depuis 2019 dont 8,7% en septembre et 12,5% sont prévus pour octobre. Une hausse qui résulte d’une importante augmentation du prix du gaz ainsi que du faible niveau de stockage européen.[15]

Cette hausse n’est donc pas seulement propre à la France, mais également aux autres pays européens. Ainsi, l’Italie affirme une hausse de 30% de sa facture de gaz pour septembre 2021, la Belgique annonce que la hausse qui s’ajoute au prix élevé mènera à la précarité énergétique d’un ménage sur cinq.[16]

Pays

Prix du gaz pour les ménages en décembre 2020 en €/l[17]

Prix du gaz pour les ménages en septembre 2021 en €/l[18]

France

0,059

1,859

Allemagne

0,054

1,811

Royaume Uni

0,039

1,852

Italie

0,08

1,963

Espagne

0,061

1,675

Pays-bas

0,08

2,175

Belgique

0,045

1,795

Luxembourg

0,21

1,69

Suède

0,15

1,926

Évolution du prix du gaz en Europe en 2021 :

Le prix moyen du gaz en Europe est passé de 256,8$ soit 219,85€ en janvier 2021 à 908,9$ soit 778,11€ /1000m3 le 20 septembre 2021, soit une augmentation de 253,77% au total.

A quelles solutions les pays ont-ils recourt ?

En Espagne, l’état réduit la TVA et les impôts sur l’électricité ; en Italie, l’exécutif libère 3 milliards d’€ de manière à effacer les hausses de l’énergie pour 3 millions de ménages et instaure des baisses temporaires de la TVA ; la Belgique, la Grèce et le Portugal discutent de potentielles mesures pour alléger ces coûts sur les ménages.

La France propose un chèque énergie de 100 euros qui sera versé en décembre à près de 6 millions de foyers, soit une dépense de 600 millions d’euros.[19] Cependant, la France ne prévoit pas de diminuer ses taxes sur l’énergie, mais plutôt de les augmenter. Elle décide donc d’assommer la totalité de la population avec des coûts énergétiques considérables tout en redistribuant une partie de ces taxes à une faible part des ménages les plus pauvres pour leur éviter la précarité énergétique. Cependant, le reste de la population n’a qu’à s’accoutumer des prix exorbitant de l’énergie qui ne vont cesser d’augmenter, à la fois par le manque d’offre et la montée des taxes.

En effet, la France comme l’Europe se sont engagées à diminuer leur consommation d’énergies fossiles pour répondre à la crise climatique. Les investissements dans le pétrole et dans le gaz ont donc été poussés à la diminution. En résulte d’une part, un manque d’approvisionnement en provenance de la Russie, étant donné que l’Europe a affirmé vouloir réduire sa consommation et qui fait donc drastiquement augmenter les prix. D’autre part, une hausse de la fiscalité environnementale, qui renforce cette augmentation. Les investissements dans l’énergie qu’il faut rattraper se font généralement sur le long terme, la hausse pourrait donc durer encore quelques mois.[20]

De surcroit, alors que cette pénurie est le résultat d’ambitions climatiques, elle risque d’être un désastre pour l’environnement. En effet, le manque de gaz poussera les pays à brûler du fuel et du charbon pour leur consommation d’énergie, des pratiques bien plus émettrices que le gaz.

L'évolution du prix des carburants

Évolution du prix du Gazole (B7) en France de 2006 à 2021

Variation du 6/2/2006 au 20/9/2021
+ 0,4297€/L + 40,82%

Évolution du prix du Super95 (E5) en France de 2006 à 2021

Variation du 6/2/2006 au 20/9/2021
+ 0,3846€/L + 31,62%

Évolution du prix du Super98 (E5) en France de 2006 à 2021

Variation du 6/2/2006 au 20/9/2021
+ 0,4104€/L + 32,52%

Évolution du prix du GPL en France de 2006 à 2021[21]

Variation du 6/2/2006 au 20/9/2021
+ 0,2191€/L + 33,29%

On voit sur ces trois graphiques que les prix des carburants sont soumis à de nombreuses fluctuations. Sur le long terme, les prix des trois carburants ont largement augmenté de 2006 à 2021.

Structuration des prix à la pompe (mai 2018) 

En 2020, la part des taxes sur le gasoil a augmenté, elle atteint les 68,40% pour l’essence SP95 et 67,44% pour le gazole.[22] Les principales taxes soumises au carburant sont la TVA qui est fixée à 20% et la TICPE, qui est fixée par l’état par la loi finances.

En 2021, le prix du litre d’essence augmente largement. Cependant, cette augmentation n’est pas due à l’augmentation des taxes, mais à celle du baril de pétrole en conséquence de la reprise économique suite à la crise de la Covid.

 

HT 2010

HT 2018

Avec TVA 2010

Avec TVA 2018

TICPE 2010

TICPE 2018

Total 2010

Total 2018

% de taxe en 2010

% de taxes en 2018

Différence HT et TTC en 2018

Prix Gazole €/l

0,458

0,653

0,548

0,784

 

0,514

0,730

1,062

1,514

56,87%

56,87%

0,861

Prix Essence €/l

0,448

0,588

0,536

0,706

0,726

0,828

1,262

1,534

64,5%

61,67%

0,946

On voit ici que même si les taxes pour le gazole et l’essence ont augmentés en valeurs, leur part est restée la même pour le gazole et à même diminué pour l’essence. Cela en raison d’une volonté de rétablir les prix de l’essence et du gazole à des prix équivalents.

Prix du carburant dans certains pays Européens

Pays

Prix de l’essence pour les ménages en 2021 en €/l[23]

Prix du diesel pour les ménages en 2021 en €/l[24]

France

1,585

1,476

Allemagne

1,544

1,397

Royaume-Uni

1,580

1,600

Italie

1,674

1,525

Espagne

1,428

1,278

Pays-Bas

1,855

1,491

Belgique

1,531

1,54

Luxembourg

1,372

1,276

Suède

1,650

1,780

On voit donc que la taxation représente une part importante de l’énergie, que ce soit pour l’électricité (36% de la note finale en 2021), pour le gaz (30% de la note finale en 2020) ou pour les carburants (68,40% pour l’essence et 67,44% pour le gazole en 2020). De plus, ces parts de taxation ne sont pas fixes, mais augmentent d’année en année, pesant d’autant plus sur les factures des ménages.

Par ailleurs, la reprise économique cette année, mêlée à une ambition européenne de diminuer la consommation d’énergies fossiles et le faible niveau de réserves européennes de gaz ont abouti à une augmentation drastique des prix du gaz qui ne semble pas prête de s’arrêter. Les Européens font donc face à des coûts exorbitants de l’énergie hors taxes, à laquelle les fiscalités de chaque pays ne font que rajouter un poids. Ainsi, certains pays européens ont décidé de diminuer leurs taxes pour alléger les charges des ménages. Différemment, la France a décidé de donner un nouveau chèque énergie aux ménages les plus modestes pour les aider à surmonter ces hausses. Cependant, la population ne faisant pas partie des plus précaires doit s’accoutumer des prix exorbitants dont les taxes sont une partie majeure. De plus, si la tendance du coût de l’énergie hors taxe semble être à la hausse pour les mois à venir, la fiscalité environnementale suivra. Comme la France prévoit de réduire ses émissions de gaz à effet de serre, et ainsi son énergie fossile, elle utilise comme outil la tarification de l’énergie non-durable qui obligera les ménages à faire face à des coûts d’autant plus démesurés de l’énergie.


[1] https://www.picbleu.fr/page/pourquoi-les-tarifs-prix-electricite-vont-augmenter

[2] https://www.leparisien.fr/societe/lufc-que-choisir-denonce-une-explosion-des-factures-delectricite-20-05-2021-LCGFBBG5RBDD7DBKSOSNZTW6OQ.php

[3] https://www.hellowatt.fr/contrat-electricite/evolution-prix-electricite

[4] https://www.dossierfamilial.com/actualites/argent/les-tarifs-de-lelectricite-vont-bondir-en-2022-quelles-repercussions-sur-votre-facture-896342

[5] https://www.cre.fr/Electricite/marche-de-detail-de-l-electricite

[6] https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/prix-de-lelectricite-en-france-et-dans-lunion-europeenne-en-2020

[7] https://selectra.info/energie/electricite/prix/europe

[8] https://selectra.info/energie/electricite/prix/europe

[9] https://www.connaissancedesenergies.org/allemagne-le-cout-du-financement-des-enr-en-hausse-de-55-en-2020-191016

[10] https://appsso.eurostat.ec.europa.eu/nui/submitViewTableAction.do

[11] Contrairement aux autres valeurs de la colonne, il s’agit du premier semestre 2020 et non du second, car les données ne sont pas connues pour ce dernier.

[12] https://www.lefigaro.fr/conjoncture/gaz-hausse-de-12-6-du-tarif-reglemente-au-1er-octobre-annonce-le-regulateur-20210927

[13] https://selectra.info/energie/guides/comprendre/taxes

[14] https://www.fournisseurs-electricite.com/guides/taxes/gaz

[15] https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A15134

[16] https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/09/24/l-europe-au-defi-de-la-flambee-des-prix-de-l-energie_6095821_3234.html

[17] https://fr.globalpetrolprices.com/countries/

[18] https://www.globalpetrolprices.com/gasoline_prices/Europe/

[19] https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/09/24/l-europe-au-defi-de-la-flambee-des-prix-de-l-energie_6095821_3234.html

[20]https://www.francetvinfo.fr/economie/energie/la-hausse-du-prix-du-gaz-pourrait-durer-encore-quelques-mois-voire-quelques-trimestres-previent-un-expert_4787185.html

[21] https://carbu.com/france/prixmoyens

[22] https://www.autonews.fr/dossier/prix-du-carburant-la-part-des-taxes-preleves-par-l-etat-92801

[23] https://fr.globalpetrolprices.com/Germany/

[24] https://fr.globalpetrolprices.com/Germany/