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Coûts salariaux, prélèvements et temps de travail dans l'industrie : le match France-Allemagne

Avec le décollage du plan de relance, dont un tiers de l'effort est consacré à la compétivité, la reprise industrielle sera un marqueur de la résilience de notre économie. La crise sanitaire a remis au coeur des débats la réindustrialisation du pays. La dépendance de notre économie à des chaines de production étrangères est apparue au grand jour. Comment relocaliser nos industries ? Comment améliorer la compétitivité des entreprises françaises ? La comparaison France/Allemagne montre que notre industrie souffre d'un temps de travail insuffisant pour des rémunérations, en moyenne, supérieures... mais pour un salaire "superbrut" (y compris charges sociales salariés et employeur) qui donne un salaire net bien plus faible en France, particulièrement lorsque les qualifications augmentent. 

Un temps de travail supérieur en Allemagne de 3,6%

La comparaison France/Allemagne montre que le temps de travail est insuffisant en France : l'industrie représente ainsi 8,7 milliards d'heures travaillées en Allemagne contre 3,7 milliards en France. Même rapporté à population égale, c'est encore 1,6 fois plus qu'en France. 

L'analyse des données Eurostat (enquête LCS) sur les heures travaillées et le nombre de salariés ETP démontre qu'en 2016 la durée du travail d’un ETP était 3,6% plus importante dans l’industrie manufacturière en Allemagne qu’en France (ce qui ne peut que renchérir le coût horaire de la main d’œuvre en France). Le ratio des heures réellement travaillées par rapport aux heures payées est plutôt à l’avantage de la France (84,6% contre 82,5%).

Nombre de salariés ETP dans l’industrie manufacturière en France et en Allemagne (en millions)

 

2008

2012

2016

Allemagne

5,110

5,443

5,325

France

2,698

2,348

2,330

 

Heures réellement travaillées par les salariés dans l’industrie manufacturière
 en France et en Allemagne
 (en milliards d’heures)

 

2008

2012

2016

Allemagne

8,3

8,8

8,7

France

4,3

3,7

3,7

 

Heures payées aux salariés dans l’industrie manufacturière
 en France et en Allemagne
 (en milliards d’heures)

 

2008

2012

2016

Allemagne

10,2

10,9

10,6

France

5,1

4,5

4,4

 

Durée annuelle du travail dans l’industrie manufacturière
 en France et en Allemagne
 (en heures)

 

2008

2012

2016

Allemagne

1 615

1 614

1 638

France

1 576

1 575

1 582

 

Des rémunérations supérieures en France 

Les données portent sur l’année 2018

Rémunération par salarié (Allemagne)

Rémunération par salarié

France)

Ecart FR-ALL en matière de rémunération par salarié

Industrie manufacturière

57,0

58,2

2,2%

Cokéfaction et raffinage

84,0

95,6

14%

Industrie automobile

77,5

70,0

-10%

Fabrication d'autres matériels de transport

76,9

103,3

34%

Industrie chimique

74,3

81,6

10%

Industrie pharmaceutique

72,2

92,3

28%

Fabrication de produits informatiques, électroniques et optiques

65,8

73,4

12%

Fabrication de machines et équipements n.c.a.

63,7

58,2

-9%

Fabrication d'équipements électriques

62,6

58,2

-7%

Métallurgie

58,4

54,3

-7%

Réparation et installation de machines et d'équipements

56,5

73,3

30%

Industrie du papier et du carton

49,3

56,5

15%

Fabrication d'autres produits minéraux non métalliques

48,7

53,4

10%

Fabrication de produits métalliques, à l'exception des machines et des équipements

48,0

50,8

6%

Fabrication de meubles; autres industries manufacturières

47,9

53,0

11%

Fabrication de produits en caoutchouc et en plastique

46,4

53,6

15%

Travail du bois et fabrication d'articles en bois et en liège, à l'exception des meubles; fabrication d'articles en vannerie et sparterie

41,1

43,6

6%

Fabrication de textiles, industrie de l'habillement, du cuir et de la chaussure

41,0

42,7

4%

Industries alimentaires; fabrication de boissons et de produits à base de tabac

38,0

44,7

18%

Imprimerie et reproduction d'enregistrements

30,7

49,7

62%

 Si on regarde secteur par secteur, le coût salarial chargé est beaucoup plus important dans certains secteurs en France que ne le suggère la moyenne (+2,2%) et l’Allemagne est spécialisée dans des secteurs industriels à haute valeur ajoutée qui rémunèrent plus fortement leur salarié, ce qui pousse à la hausse la moyenne des rémunérations dans l’industrie. Si nous avions la même répartition sectorielle que l’Allemagne, la rémunération des salariés serait inférieure de presque 11% à ce qu’elle est en France. 

Rémunérations des salariés si même répartition sectorielle qu'en Allemagne

Rémunérations des salariés si même niveau de rémunération par salarié qu'en Allemagne

Rémunérations des salariés si même niveau de rémunération par salarié qu'en Allemagne et même répartition sectorielle

2,1%

-10,6%

-2,1%

Un salaire super brut supérieur en France... à cause du poids des prélèvements sociaux

L'analyse des données Eurostat (LCS) sur le salaire « super-brut » (y compris charges sociales employeur), sur le salaire brut (y compris charges sociales salariés) et le salaire net monre que l'un des points faibles de notre pays, c'est un salaire "superbrut" (y compris charges sociales salariés et employeur) qui, compte tenu de l'importance du coin socio-fiscal, donne un salaire net bien plus faible en France, particulièrement lorsque les qualifications augmentent. 

Structure du coût du travail dans l’industrie manufacturière en Allemagne (en euros par heure)

 

2008

2012

2016

Coût horaire du travail

33,4

36,1

39,3

Salaires et traitements

26,1

28,2

30,8

Rémunération directe, primes et indemnités

22,1

23,9

26,6

 

Structure du coût du travail dans l’industrie manufacturière en France (en euros par heure)

 

2008

2012

2016

Coût horaire du travail

33,2

36,1

36,8

Salaires et traitements

22,2

23,8

25,0

Rémunération directe, primes et indemnités

20,9

22,6

23,7

Source : Labor Cost Survey, Eurostat

Ratio du coût total de la main d’œuvre et des salaires et traitements à la rémunération directe dans l’industrie manufacturière en Allemagne (coin social)

 

2008

2012

2016

Coût total de la main d’œuvre/Salaire net

1,51

1,51

1,50

Salaire brut/Salaire net

1,18

1,18

1,17

Ratio du coût total de la main d’œuvre et des salaires et traitements à la rémunération directe dans l’industrie manufacturière en France (coin social)

 

2008

2012

2016

Coût total de la main d’œuvre/Salaire net

1,59

1,60

1,55

Salaire brut/Salaire net

1,05

1,05

1,05

 Pour l'analyse du coin fiscal et socio-fiscal, nous reprenons les données OCDE pour l’ensemble des branches. 

Source : OCDE

Le coin fiscal désigne le rapport entre le montant des impôts payés par un travailleur salarié moyen (célibataire dont la rémunération équivaut à 100 % du salaire moyen) sans enfant, et les coûts totaux de main-d'œuvre qu'il représente pour son employeur. Le coin fiscal moyen permet d'évaluer l'ampleur de l'effet dissuasif exercé par l'impôt sur les revenus du travail sur l'emploi. Cet indicateur est mesuré en pourcentage du coût de la main-d'œuvre.

Coin socio fiscal en Allemagne (pour un célibataire sans enfant) en 2020
en fonction du niveau de salaire

du salaire moyen

Coin socio-fiscal : coût de la main d’œuvre / revenu net

Impôts et cotisations en % du coût total de la main d’œuvre

50%

1,7

42%

100%

2,0

49%

150%

2,0

51%

200%

2,0

50%

250%

2,0

49%

 

Coin socio fiscal en France (pour un célibataire sans enfant) en 2020
en fonction du niveau de salaire

du salaire moyen

Coin socio-fiscal : coût de la main d’œuvre / revenu net

Impôts et cotisations en % du coût total de la main d’œuvre

50%

1,3

26%

100%

1,9

47%

150%

2,1

53%

200%

2,2

55%

250%

2,3

56%

 Ces tableaux montrent que la part des prélèvements sociaux est nettement plus élevée en France qu'en Allemagne, conduisant à un salaire superbrut plus élevé. Ce phénomène est renforcé en France par une progressivité des charges sociales plus forte qu'en Allemagne, que l'on observe dès les rémunérations équivalentes à 150% du salaire moyen. Or l'industrie a besoin de salariés qualifiés : cette situation ne peut que pénaliser la France.