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Coût du travail, une comparaison France / Allemagne

La semaine dernière l'INSEE a apporté des corrections importantes à ses statistiques concernant le coût du travail en France en 2008, ce qui a conduit Eurostat, destinataire de ces informations, puis les commentateurs ainsi que le MEDEF, à se livrer à des comparaisons faussées. Dans notre étude du 26 janvier dernier, sous le titre Temps de travail et coût du travail en France et en Allemagne, nous avions estimé, à la suite du COE-Rexecode, que les statistiques disponibles à cette date n'étaient pas fiables et nous ne les avions pas reprises pour 2008. Bien nous en avait pris. Nous disposons maintenant de chiffres fiables, disponibles sur le site d'Eurostat, et nous les présentons ici sous une forme différente en reprenant l'évolution de 2000 à 2008.

Les graphiques qui suivent présentent l'évolution du coût du travail ainsi que les salaires et traitements (salaire brut total) correspondants, pour l'industrie (code Eurostat B_E) dans le graphique 1 et les services (code G_N) dans le graphique 2.

Graphique 1 :

Graphique 2 :

On voit que :

En ce qui concerne le coût du travail,

- l'augmentation (en euros courants) sur huit années est de 43,8% en France et de 21,8% en Allemagne pour l'industrie. Pour les services, les augmentations sont respectivement de 25,8% et de 12,2%.
- en chiffres absolus, le coût du travail dans l'industrie est pratiquement identique en 2008 dans les deux pays, alors qu'il était supérieur de 17,8% en Allemagne. Dans les services, le coût du travail a toujours été supérieur en France, mais l'écart avec l'Allemagne est passé en 8 ans de 6,7% à 19,6%.

En ce qui concerne les salaires bruts,

- ils sont supérieurs de 17,4% pour l'industrie en Allemagne, et pratiquement égaux pour les services, bien que le coût du travail soit identique en France dans le premier cas, et très supérieur dans le second. Ceci reflète les différences considérables existant dans les cotisations patronales, et confirme ce que nous avions noté dans notre étude du 26 janvier, à savoir que les salariés français coûtent cher et gagnent peu.
- L'écart séparant les salaires bruts du coût du travail s'est nettement agrandi en 8 ans, puisqu'il est passé de 44,6% à 50,4% pour l'industrie, et surtout de 38,4% à 51,3% pour les services. Si l'écart était resté le même en 2008 qu'en 2000, le salaire brut dans les services, à coût du travail constant, aurait été de 23,16 euros au lieu de 21,47, soit une perte considérable de pouvoir d'achat de 7,8% uniquement due à l'augmentation des charges sociales ! Bien entendu, il ne faudrait pas faire du coût du travail l'alpha et l'omega de la compétitivité, laquelle tient à un ensemble de facteurs tenant en particulier à l'offre de produits plus ou moins innovants et à leur qualité de fabrication. D'autre part, les derniers chiffres disponibles de façon fiable sont ceux de 2008. Or on sait qu'après une longue période de rigueur salariale, les syndicats allemands ont obtenus récemment des augmentations spectaculaires (4,2% dans l'industrie obtenus par l'IG Metall) dont l'impact n'apparaît pas encore dans les statistiques.

Il n'en reste pas moins que la France a perdu l'avantage de coût du travail qu'elle avait historiquement sur l'Allemagne dans l'industrie, et que l'écart s'est creusé de façon inquiétante, jusqu'à presque 20%, dans les services. Même s'il ne s'agit que d'un élément de compétitivité, il pèse lourd.

Autre constatation, l'augmentation du coût du travail s'est traduite par une perte importante de pouvoir d'achat pour les Français. C'est le revers de la médaille : les Allemands ont certes vu leur protection sociale diminuer, mais ce qu'ils ont perdu là a été retrouvé dans un pouvoir d'achat qui a toujours été supérieur au pouvoir d'achat français.