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Contrôle fiscal : la Cour des comptes doit mieux faire

Le Rapport public de la Cour des comptes est l'occasion de dresser une liste de déficiences de l'Etat français, liste importante car elle est pour l'opinion, sinon pour le gouvernement, un guide d'action. Si d'autres parties du Rapport public sont dignes d'éloges, celle touchant au contrôle fiscal mérite-t-elle seulement la note passable ?

Cela commence par le sous-titre du rapport : « …la fraude qui prive l'Etat de 25 milliards de recettes par an » qui montre que son auteur (ses auteurs ?) n'a pas beaucoup creusé son sujet. Certes, il reconnaît que les redressements réellement perçus sont beaucoup plus faibles que les redressements émis (les 25 milliards), seulement autour de 40% mais ne se demande pas s'il existe une grande raison derrière ce décalage énorme.

Pourtant, un examen plus détaillé des retours réels impôt par impôt, ou la simple consultation des enquêtes menées par l'iFRAP, ou, comme nous l'avions fait, une enquête auprès des agents qui ont quitté l'Administration et se sont mis à leur compte, ou les témoignages d'anciens hauts dirigeants de Bercy, auraient pu l'orienter vers ce qui reste la cause principale de cet écart, qui montre que les 25 milliards sont absolument « bidons », n'ont jamais existé et n'ont aucune chance de jamais rentrer dans les caisses de l'Etat. Cette cause est le mécanisme des notations et promotions des agents de contrôle, pour ne pas parler de la pression de leur hiérarchie, qui les poussent à émettre des redressements qu'ils savent sans fondement mais qui ira enrichir les statistiques de l'ex Direction Générale des Impôts, maintenant DGFIP, et en même temps leur dossier.

Du coup, les rapporteurs du rapport affirment que le contrôle fiscal est l'une des opérations les plus rentables pour l'Etat. Ils se bornent en effet à diviser le chiffre bidon des recettes par le coût du service. Ce coût est lui-même sous-évalué et nous ne pouvons mieux faire que de renvoyer à l'étude que nous avions publiée en 1999 dans les Dossiers de l'iFRAP où nous montrions que ces coûts sont grossièrement sous-estimés car ils ignorent toute une série de coûts indirects. Le résultat de la division que nous avions faite à l'époque était infiniment moins flatteur que le calcul de la Cour.

La Cour pourrait aussi, dans son rapport, se poser la question du nombre d'entreprises que les contrôles fiscaux, tels qu'ils sont pratiqués en France, conduisent à la fermeture. S'il est vraisemblablement difficile de mesurer l'impact de ces contrôles sur la non-création d'entreprises en France, question évoquée avec des exemples précis par René Hans, la Cour pourrait au moins compter ou faire compter le nombre d'entreprises contrôlées et qui ont fermé dans les trois ans suivant le contrôle. Et tenter une esquisse du coût économique de nos dispositifs de contrôle par rapport par exemple à ceux pratiqués en Grande-Bretagne.

Après avoir dénoncé à de multiples reprises depuis 15 ans ces supercheries [1], nous restons convaincus, hélas par de multiples exemples, que l'Administration des impôts ne s'est pas amendée et continue de laisser perdurer des méthodes absolument scandaleuses. Car ces méthodes sont non seulement une offense à notre démocratie - beaucoup d'honnêtes gens qui croyaient encore dans notre république se trouvent soudain pris dans un piège dont ils ne comprennent pas les ressorts - mais elles contribuent à mettre au chômage, chaque année, plusieurs milliers sinon plusieurs dizaines de milliers de salariés.

Si nous voulons que nos dirigeants prennent les bonnes décisions et que notre pays se redresse, encore faut-il qu'ils soient bien informés et que des organismes aussi essentiels pour cette information que la Cour soient des modèles par la qualité de leurs rapports.

[1] Voir chez L'Harmattan « Contrôle fiscal : le piège » et chez le même éditeur, « L'entreprise malade des fonctionnaires » par René Hans