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Ces salariés du gaz et de l'électricité qui ne cotisent pas au chômage...

Les départs en retraite à 55 ans en moyenne, l'électricité et le gaz quasiment gratuits, les riches heures du Comité d'Entreprise, l'iFRAP en a souvent traité. Mais l'ouverture à la concurrence des secteurs du gaz et de l'électricité vient enfin de mettre en pleine lumière l'absurdité d'un autre privilège : pourquoi certaines entreprises de ce secteur et leurs salariés ne cotisent-ils pas à l'assurance chômage générale ?

EDF, GDF et leurs salariés n'ont jamais cotisé à l'Assurance chômage. Seul un prélèvement de solidarité de 1% a fini par être imposé à leurs salariés en 1982. Dans le secteur privé, les taux de cotisation sont de 2,4% pour le salarié et de 4% pour l'employeur. Pour tenter de se justifier EDF, GDF et les syndicats de salariés hésitent selon les jours entre deux prétextes :

- Soit leurs salariés ayant la garantie de l'emploi à vie ne sont pas menacés par le chômage,

- Soit ces entreprises s'assurant elles-mêmes contre ce risque, elles n'ont pas à cotiser à l'Assurance chômage (UNEDIC).

Ces arguments sont insoutenables : les mineurs de charbon et de fer croyaient aussi avoir un emploi à vie. Et que pensent faire les salariés du GDF nationalisé quand les réserves de gaz auront été épuisées ? Aucun chef d'entreprise responsable ne peut garantir à ses salariés qu'ils sont pour toujours à l'abri du chômage.

Le texte de l'amendement (voir ci-dessous) indique que cette méthode est valable "puisque les effectifs des entreprises de ce secteur sont très stables". Une vision cynique de la solidarité. Pouquoi aussi ne pas regrouper les personnes jeunes et bien portantes dans une Caisse spéciale d'Assurance Maladie interdite aux autres ? On imagine les protestations si des groupes d'entreprises prospères, comme L'Oréal ou LVMH, qui n'ont peut-être jamais recouru au chômage, décidaient de se regrouper dans un club et de fonder une caisse d'Assurance chômage privée.

Créateurs de complexité inutile

EDF et GDF emploient aussi des personnels qui ne sont pas sous statut IEG, notamment en CDD. Pour ces personnes, ces deux entreprises remboursent à l'UNEDIC et à l'ANPE (Pôle Emploi) le montant des dépenses engagées pour leurs anciens salariés en CDD.

Cette attitude était choquante mais n'était pas trop grave quand il n'y avait que 300.000 chômeurs en France. En 2010, elle témoigne d'une totale absence de solidarité de ces entreprises publiques et de leurs salariés avec les autres Français. La complicité des syndicats qui n'ont jamais dénoncé ce privilège confirme qu'ils se considèrent strictement comme des syndicats du secteur public défendant leurs adhérents du secteur public contre ceux du privé.

2008 : le problème apparaît au grand jour

2010 : la « solution » du Ministère de l'écologie et de l'énergie

Le problème est apparu en 2008 quand l'Etat est devenu minoritaire au capital de GDF-Suez : GDF-Suez doit-elle cotiser à l'assurance chômage pour ses salariés ex-GDF ?

C'est évidemment indispensable y compris pour l'UNEDIC. Mais ce serait évidemment impossible si EDF continuait à en être exonérée. Face à ce dilemme, le ministère de l'écologie et de l'énergie a décidé la pire des solutions : seules les nouvelles entreprises de gaz et d'électricité et leurs salariés seront assujettis aux cotisations chômage. Pour rendre la situation totalement incompréhensible, une entreprise comme la Compagnie Nationale du Rhône, qui exploite notamment des barrages hydro-électriques, cotise normalement à l'UNEDIC .

On espère que le Conseil d'Etat, ou Bruxelles, ou le bon sens, vont faire revenir le Parlement et le Gouvernement en arrière. La solution minimale serait que tous les nouveaux embauchés d'EDF, GDF et des autres IEG cotisent à l'assurance chômage générale, et essaient de faire oublier que leurs prédécesseurs n'ont pas cotisé pendant 65 ans.

Texte de l'amendement

Amendement n° 5

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 14

Après l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.- L'article L. 5424-1 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 6° Les salariés des entreprises de la branche professionnelle des industries électriques et gazières soumis au statut national du personnel des industries électriques et gazières. »

II.- Au quatrième alinéa (2°) de l'article L. 5424-2 du même code, les mots : « et 4° » sont remplacés par les mots : « , 4° et 6° ».

III.- La perte de recette résultant pour les organismes de sécurité sociale des I et II ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

OBJET

Cet amendement a pour objet de permettre aux entreprises du secteur des industries électriques et gazières (IEG) d'opter, de manière irrévocable, pour le régime spécifique d'assurance-chômage applicable notamment aux entreprises détenues majoritairement par l'Etat, pour leurs salariés relevant du statut des IEG.

Ce régime permet aux employeurs d'être leur propre assureur en matière d'assurance chômage et, s'ils le souhaitent, de conclure avec l'UNEDIC une convention pour la gestion des prestations. Ainsi, selon une convention conclue en 1968 entre l'UNEDIC d'une part, et EDF et Gaz de France d'autre part, ces entreprises payent à l'UNEDIC des montants forfaitaires pour l'indemnisation de leurs anciens salariés inscrits à l'assurance-chômage. De plus, les salariés de ces entreprises cotisent au Fonds de solidarité, au travers de la contribution exceptionnelle de solidarité, au taux de 1 %.

Depuis 1969, le régime est ouvert à l'ensemble des entreprises de la branche, pour leur personnel sous statut IEG, que ces entreprises soient publiques ou non.

Or, par une instruction du 2 novembre 2009, l'UNEDIC, constatant que le capital de GDF Suez n'était plus à majorité publique, a « remis en cause » la convention de 1968, à compter du 1er septembre 2010.

Le présent amendement vise, au contraire, à maintenir le régime actuel pour les employeurs de la branche qui le souhaitent, ce que justifie la très grande stabilité de l'emploi pour l'ensemble des salariés relevant du statut des IEG, que leur société soit à capitaux publics ou privés.