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Carte vitale biométrique : «La proposition évidente du Sénat rejetée de manière incompréhensible et contre-productive»

Des mois que nos parlementaires tournent en boucle sur la fraude sociale, les cartes vitales surnuméraires qui sont en circulation au nombre de 2,6 millions, de 600.000 ou de 153.000 on ne sait pas trop, les services de la Sécu semblent avoir du mal à compter… Ces « cartes vitales cadeaux » qui pourraient représenter une fraude à la Sécu de plus de 5 milliards d'euros par an… Alors, des sénateurs ont déposé une proposition de loi évidente qui correspond aux propositions des nombreux rapports parlementaires sur le sujet pour mettre en place, pour tous les Français, une carte vitale biométrique. Comme on le comprend facilement, l'idée de cette carte vitale biométrique est de pouvoir vérifier l'identité de la personne qui demande à faire payer ses soins par l'Assurance maladie de notre pays grâce à son empreinte digitale, comme cela existe déjà ailleurs en Europe.

En Belgique, par exemple, depuis le 1er janvier 2014, les ressortissants belges de plus de 12 ans bénéficient d'une carte d'identité électronique, carte «eID» qui inclut la carte SIS (l'équivalent de notre Carte vitale). La carte eID représente donc l'équivalent d'une fusion entre notre carte d'identité sous format électronique et notre carte vitale. C'est la puce de la carte qui détient le numéro d'identifiant de la Sécurité sociale, permettant aux organismes sociaux de vérifier le statut en temps réel de l'assuré, et d'appliquer le tarif et/ou le montant des prestations justifiées par la situation personnelle et familiale de chacun. Grâce à ce système, l'assuré n'a plus besoin de subir de longues et redondantes procédures d'instruction de dossier. La mise en place d'une Banque-Carrefour des entreprises permet également aux services sociaux de vérifier la véracité des déclarations d'emploi, donc de lutter contre le travail illicite ou dissimulé et la fraude aux cotisations et contributions sociales. D'une pierre deux coups (faut-il rappeler que les fraudes aux cotisations sociales sont estimées à plus de 10 milliards d'euros par an en France ?).

Étonnamment, alors que les divers rapports sur le sujet proposent comme une évidence cette carte vitale biométrique pour la France, la proposition de loi sénatoriale a été rejetée le 3 décembre dernier par la majorité parlementaire En Marche.

Et ce sous trois prétextes peu crédibles :

  1. Une expérimentation originale de e-carte vitale est déjà en cours et donc le processus serait déjà en marche. Avec quelques bémols tout de même : la e-carte vitale expérimentée dans le Rhône et dans les Alpes-Maritimes n'est à ce stade pas biométrique et le gouvernement attend en la matière un feu vert de la CNIL, qu'on va pouvoir attendre longtemps. Second bémol : l'expérimentation est prolongée de deux ans. La lenteur d'exécution de la réforme semble donc de mise, elle ne serait appliquée qu'après 2022 et ce alors que la fraude continue à battre son plein ;
  2. Passer de la carte vitale que nous connaissons à une nouvelle «coûterait cher» : le coût de chaque carte passerait de 3 euros à 6 euros, soit un peu plus de 120 millions d'euros à dépenser pour avoir un meilleur système. Face à plusieurs milliards de fraudes qui pourraient être évités grâce à la carte vitale biométrique, l'argument du gouvernement ne tient pas la route une seconde ;
  3. La création d'une carte vitale biométrique poserait des problèmes extrêmement délicats en matière de protection de la vie privée et des données personnelles. Difficile de comprendre cet argument ! La carte vitale biométrique, en ne protégeant plus l'anonymat des fraudeurs, porterait atteinte à leur liberté ? C'est d'autant moins vrai qu'une opportunité est à saisir : à compter du 2 août 2021 la CNIe (carte nationale d'identité biométrique) sera mise en place en France en vertu du règlement européen du 20 juin 2019 renforçant la sécurité des cartes d'identité et du règlement eIDAS du 23 juillet 2014.

Bref, le rejet de cette proposition de loi est tout simplement incompréhensible et contre-productif. Plutôt que d'empiler des rapports parlementaires tous les six mois sur la fraude sociale, mieux vaudrait agir, ce serait plus efficace. À moins que l'efficacité ne soit pas vraiment recherchée ?