Actualité

Âge pivot vs. espérance de vie à la retraite

Divers chiffres d’espérance de vie sont utilisés par des opposants à la réforme des retraites. Leur démarche vise à surestimer les effets de la pénibilité du travail sur la santé des Français pour refuser le recul de l’âge légal de départ de 62 à 64/65 ans. Mais les véritables données disent qu’en 2020, une grande majorité de Français sont en bonne santé à 65 ans.  

Quatre espérances de vie

Espérance de vie

  • à la naissance, à 65 ans

Espérance de vie en bonne santé

  • à la naissance, à 65 ans

Les données concernant l’espérance de vie à la naissance, à 65 ans ou à tout autre âge sont très précises en France, depuis longtemps et comme dans tous les pays développés. Après avoir augmenté rapidement, de 2 à 3 mois par an dans les années 1960-2005, l’espérance de vie à la naissance progresse encore d’environ un mois par an. Sur ce critère, comme sur celui de l’espérance de vie à 65 ans, la situation de la France est excellente, devancée uniquement par le Japon.   

Espérance de vie en bonne santé

L’espérance de vie en bonne santé ou sans incapacité est une donnée différente de la précédente mais très importante aussi au niveau individuel et collectif. Sa mesure, beaucoup plus aléatoire, est réalisée par sondage et questionnaire auprès des populations des différents pays.

Questionnaire utilisé (Union européenne)

Question :

Êtes-vous limité, depuis au moins 6 mois, en raison d’un problème de santé, dans vos activités habituelles ?

Réponses proposées

  • Oui, fortement limité
  • Oui, limité
  • Non, pas limité du tout

Ce sondage avec une seule question et trois réponses standards proposées est peu fiable, surtout quand la troisième réponse est aussi catégorique que « pas limité du tout ». L’OCDE signale d’ailleurs que « des problèmes subsistent quant à la manière d’interpréter l’indicateur de limitation globale de l’activité ». Et la DREES rajoute que « Les évolutions d’une année à l’autre doivent être analysées avec précaution, en raison de la dimension déclarative de l’indicateur et de la taille de l’échantillon ». 

Espérance de vie en bonne santé à 65 ans

Pour la France, les 10 ans d’espérance de vie en bonne santé à 65 ans sont considérables mais ne reflètent pas le record de longévité des Français à 65 ans. Le plus anormal est l’écart de 6 ans par rapport à la situation en Suède, Norvège et Islande, des pays où l’espérance de vie est inférieure à celle de la France.  

L’espérance de vie en bonne santé à 65 ans peut varier (augmenter ou diminuer) d’une année sur l’autre, indépendamment pour les hommes et les femmes, pour des raisons de collecte statistique. De 2008 à 2018, elle a augmenté de 1 an et 2 mois pour les femmes, et 1 an et 5 mois pour les hommes. Les progrès de la médecine et des politiques de santé étant largement concentrés sur les maladies chroniques de ces personnes, il est vraisemblable que leur situation continuera à s’améliorer lentement mais régulièrement.   

Espérance de vie en bonne santé à la naissance

Les opposants à l’âge pivot de 64 ans mettent en avant l’indicateur « Espérance de vie en bonne santé à la naissance ». Il est de 64 ans, ce qui semble justifier tout refus de recul de l’âge légal de départ en retraite à taux plein au delà de 62 ans : ce calcul donne l'impression que les retraités de bénéficiraient que de deux ans de retraites en bonne santé (62 à 64 ans). Mais cet indicateur n’est pas pertinent, seule la situation des personnes vivantes à la veille de prendre leur retraite (62-65 ans) devant être prise en considération pour savoir si elles veulent, peuvent ou doivent continuer à travailler, tout en anticipant une moyenne d'une dizaine d'années de vie en bonne santé.  

Espérance de vie en mauvaise santé

Les faibles baisses d’espérance de vie en bonne santé qui ont été constatées ponctuellement, peuvent provenir d’épidémies de grippe ou de périodes de canicule, en plus des erreurs dues au caractère incertain du mode de collecte des données (enquête par questionnaire). Elles peuvent aussi résulter de nouvelles exigences des Français : ce qui était considéré comme un problème mineur de santé, peut être perçu désormais, à juste titre, comme significatif. Une explication vraisemblable dans une société imprégnée par la recherche de la performance, voire de la perfection. Par ailleurs, des chercheurs ont émis l’idée que c’est la perspective d’un allongement de la durée de vie en mauvaise santé, parallèle à l’allongement de l’espérance de vie en bonne santé, qui jette une ombre sur un progrès incontestable.

Conclusion  

Les formidables progrès du système de soins, des conditions de vie, et des conditions de travail des métiers pénibles (mines, bâtiment, déménagements, transport routier, agriculture...) rendent invraisemblable l’éventualité d’une baisse de l’espérance de vie en bonne santé à 65 ans. Surtout en France où l’environnement global (nourriture, aides sociales, niveau de pollution, niveau d’éducation…) sont particulièrement favorables. Comme le montrent les données publiées par Hervé Le Bras dans son livre « Se sentir mal dans une France qui va bien », seul le pessimisme viscéral des Français peut expliquer le médiocre classement actuel de la France dans ce domaine.

Pourcentage de personnes de 65 à 74 ans ne souffrant d’aucune douleur même très faible

France

Royaume-Uni

Allemagne

Pays-Bas

Autriche

Belgique

Suède

Danemark

Irlande

Espagne

Italie

Norvège

23,6

31,9

32,5

35,7

38,9

39,7

40,6

42,5

42,6

43,5

51,9

64,2

Source : https ://appsso.eurostat.ec.europa.eu/nui/submitViewTableAction.do

Ce problème de fond, de manque de confiance dans l’avenir,  est confirmé par un niveau élevé (second en Europe) de consommation d’anxiolytiques. C’est lui, que les responsables doivent traiter.