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Report de charges fiscales et sociales : une addition largement sous-estimée

Avec le confinement, des reports de charges sont automatiquement accordés aux entreprises. Problème, le versement de l’acompte sur l’impôt sur les sociétés (IS) ainsi que le versement des cotisations sociales et patronales aux Urssaf tombaient le… 15 mars, à l’exception des charges sociales des entreprises de plus de 50 salariés qui tombent le 5 avril, des indépendants le 21 mars et des auto-entrepreneurs le 31 mars. Des délais très resserrés, donc, voire déjà passés et une multitude d’interlocuteurs à contacter pour les entreprises.

Le montant des reports attendu par le gouvernement est de 6,6 milliards sur l’IS, soit la moitié de la recette attendue sur la période. Sur ce point, 40.000 demandes ont déjà été traitées avec 80% de réponses positives (soit environ 32.000 entreprises) pour 2 milliards d’euros de versements reportés. On constate que 20% des entreprises ont été déboutées de leur demande de report d’impôts car leur situation n’est pas jugée assez dégradée.

S’il n’y a pas d’estimation pour la CVAE (Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises) et la CFE (Cotisation foncière des entreprises), l'État en garantira le produit aux collectivités territoriales. Sur ces deux prélèvements, le report ne s’applique qu’aux entreprises mensualisées et pourrait se faire à échéance, soit le 15 décembre.

Concernant les charges sociales : le report est également de 3 mois (15 juin, donc) et est accordé automatiquement sans pénalité, sans justificatif pour les cotisations maladie, maternité, invalidité et décès, vieillesse, famille, accident du travail et maladies professionnelles, la contribution solidarité autonomie (CSA), la CSG, la CRDS, la FNAL. Attention, les Urssaf sont moins flexibles que la DGFiP puisqu’il n’est pas prévu de remboursement au cas où les cotisations auraient déjà été versées.

Sur près de 1,5 million d’entreprises de moins de 50 salariés, près de 510.000 ont décalé leurs versements pour un montant total de près de 4 milliards d’euros sur les 8,5 milliards attendus en mars. Mais le 5 avril, 13 milliards d’euros devaient aussi être versés par les entreprises de plus de 50 salariés : on ne connaît pas encore le montant des reports. Même chose pour les indépendants, le report des charges s’étalera d’avril à décembre, selon les situations, pour 250 millions d’euros.

Le plan initial du gouvernement tablait sur un effort de trésorerie lié aux reports de près de 35 milliards d’euros (dont 12 milliards sur l’impôt sur les sociétés, 21,5 sur les charges sociales et 1 milliard sur la taxe sur les salaires). Les calculs de reports de charges sont calibrés pour des sursis à cotisation de 2 mois et des étalements de 3 ou 10 mois suivant les profils. Si le confinement général doit se maintenir tout ou partiellement en mai par exemple, les effets de trésorerie seraient plus importants et pourraient atteindre 52,5 milliards d’euros.

Pour l’instant, le gouvernement considère que ce sont uniquement des reports de charges et impôts. Qu’ils devront donc être payés en décalé par les entreprises. L’impact sur le déficit public est pour l’heure minimisé puisque dans la loi de finances rectificative l’État évalue la baisse à 7,2 milliards de recettes non encaissées sur 2020.

Malheureusement, cela risque d’être beaucoup plus si le confinement dure plus que prévu. Il se peut que les reports de charges et d’impôts se fassent sur une beaucoup plus longue période avec des étalements de créances sans pénalité de 2 ans, voire plus. L’exercice 2020 sera très fortement impacté en comptabilité budgétaire.

Par ailleurs, une partie des reports de charges et impôts sera définitivement perdue pour les recettes publiques. Il y aura certes une part liée aux faillites. Mais au-delà, pour les entreprises les plus fragiles, des décisions devront intervenir au cas par cas pour annuler charges et impôts reportés. Seront vraisemblablement concernées les entreprises très endettées ayant perdu 50% de leur chiffre d’affaires dans l’année 2020.

Entre toutes ces inconnues, il n’est pas possible d’estimer, ni le coût 2020 (mais aussi 2021, 2022…) des décalages pour les finances publiques, ni l’ampleur des annulations de charges. À titre de comparaison, l’Allemagne attend déjà officiellement 33,5 milliards d’euros de baisses de recettes publiques pour cette année. En France, étant donné la situation de nos finances publiques, on peut comprendre également que le gouvernement ne veuille pas créer un appel d’air en se prononçant pour une annulation des reports de charges généralisée. La faible marge de manœuvre de notre pays par rapport à l’Allemagne est d’autant plus criante.