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Recouvrement de la CDHR en pratique : Un futur accident industriel du type « Gérer mes biens immobiliers ? »

Tout le monde se souvient de l’insuccès de la mise en place de l’application de la DGFiP « Gérer mes biens immobiliers » (GMBI) et de son lancement chaotique. La CDHR (contribution différentielle sur les hauts revenus) pourrait suivre le même chemin, tant sa procédure déclarative est fruste et mal encadrée. On risquerait alors l’accident industriel… mais cela ne concernant que fort peu de patrimoines (16.300 contribuables au dernier chiffrage) que l’on juge par avance fort bien conseillés, et la taxe ne devant durer qu’un an pour le moment, la DGFiP ne semble pas avoir pris trop de gants pour sécuriser son dispositif. Il faut dire que pour contourner la non-rétroactivité d’une mesure initialement prévue pour s’appliquer en 2025, mais impossible à adopter en décembre 2024, celle-ci a été reportée en 2026 mais avec un acompte de 95% prélevé dès décembre 2025. Une architecture baroque, avec une créance fiscale estimative difficile à sécuriser pour les contribuables et ouvrant directement à un risque de pénalité de 20% en cas de sous-estimation significative… bref, on voit en creux l’usine à gaz qui se dessine du fait de caractère différentiel de la taxe, de son encaissement anticipé, et donc de son caractère estimatif, ce qui devrait donner à réfléchir les pouvoirs publics – sur la faisabilité pratique d’une taxe de type Zucman – lorsqu’il s’agirait de considérer cette fois des patrimoines professionnels, des profits futurs, des plus-values latentes, des revenus fictifs ou non distribués… 

Une procédure de déclaration atypique et risquée pour les contribuables concernés

La procédure pour payer la CDHR est jugée par le journal Les Echos « expéditive » [1]. C’est le moins que l’on puisse dire. Les contribuables ne peuvent déclarer et payer leur 1er acompte qu’entre le 1er et le 15 décembre 2025 sur leur revenu 2025, s’ils déterminent une créance fiscale positive entre le quantum d’IR et de la CEHR qu’ils auraient payé en 2026 (sur leur RFR 2025) et 20% du même RFR mais retraité (pour les besoins de détermination de la CDHR). On voit bien déjà la complexité de l’entreprise afin d’estimer les revenus 2025 avec le plus d’exactitude possible afin de disposer du RFR et du RFR retraité ainsi que des créances fiscales sur l’IR et sur la CEHR (cotisation exceptionnelle sur les hauts revenus) par anticipation.

Mais il existe également une seconde difficulté déclarative, celle du quantum de l’acompte de CDHR. Celui-ci doit être égal à 95% de la créance fiscale finale, qui sera liquidée en juillet 2026, à la faveur de la déclaration définitive des revenus 2025.

Si un calculateur en ligne devrait être lancé en novembre – soit moins de 1 mois – avant le paiement du 1er acompte, la déclaration de l’acompte est minimaliste : « uniquement en ligne, sans formulaire papier, depuis un portail déclaratif dans « gérer mon prélèvement à la source », sans possibilité de correction ou d’annulation. » On imagine déjà le contentieux qui risque de survenir – dans la mesure où « la Charte du contribuable » semble totalement oubliée en pareil cas –

En pratique, c’est l’administration fiscale qui calculera le revenu fiscal de référence des déclarants « retraité ou non » sur la base des informations transmises par chaque contribuable sur l’ensemble des revenus perçus ou à percevoir au cours de l’année 2025. C’est donc l’administration fiscale qui déterminera si oui ou non le contribuable entre dans le champ d’application de la CDHR après avoir payé l’IR et la CEHR. En effet « le revenu fiscal de référence pour la CDHR et la CEHR n’est pas le même. Le revenu fiscal de référence pour la contribution différentielle sur les hauts revenus est légèrement minoré par rapport au revenu fiscal de référence pour la CEHR. » [2] Si bien que les personnes soumises à la CEHR ne sont pas nécessairement soumises à la CDHR, tandis que « à l’inverse, les personnes soumises à la contribution différentielle sur les hauts revenus sont nécessairement soumises à la contribution exceptionnelle. »

Périmètre du RFR retraité

 

Il s’agit du RFR défini au sens de l’article 1417 du CGI diminué de :

  • L’abattement pour départ à la retraite ;
  • L’abattement de 50% sur le gain d’acquisition des attributions d’actions gratuites après le 1er janvier 2018 ;
  • L’abattement de 40% en cas d’option pour le barème progressif de l’IR sur les revenus de capitaux mobiliers ;
  • Les plus-values en report d’imposition lorsque ce report a expiré,
  • Certains revenus exonérés etc…

En revanche, comme le relève Milleis Banque privée [3], « l’abattement de 85% susceptible d’être applicable sur la plus-value générée lors de la cession de titres de PME de moins de 10 ans ne sera pas déduit pour comparer le revenu perçu aux seuils de 250.000 et de 500.000 euros contrairement à l’abattement de 500.000 euros pour départ en retraite : coup de poignard pour les cessions 2025. Même remarque pour les abattements de droit commun de 50% et de 60%... »

Les calculs pour les redevables et leurs conseils vont donc être particulièrement complexes, afin d’anticiper le montant de la créance fiscale exceptionnelle à payer, donc d’anticiper le revenu à déclarer et les neutralisations à effectuer et spécifiques à la CEHR. Certains arbitrages seront donc inévitables entre effets à la baisse/à la hausse sur la CEHR et sur la CDHR… Le paiement de quasiment l’ensemble de la créance suppose donc une anticipation correcte de ce différentiel d’impôt, d’où plusieurs difficultés à surmonter :

  • Les contribuables vont devoir estimer précisément leurs revenus perçus et à percevoir (après le 15 décembre) en 2025. Ce qui sera difficile s’agissant de revenus tirés de placements financiers (dont la notification est envoyée au printemps suivant par les établissements teneurs de compte)… Tout dépendra donc de la volatilité des marchés sur lesquels leurs fonds sont investis… Seront également visés, les dirigeants de sociétés imposés sur les résultats de leur société, or pour cela il faut attendre la clôture des comptes, soit en avril de l’année suivante… là encore difficile d’anticiper avec précisions les parts variables de rémunérations touchées.
  • Les contribuables vont également devoir réintégrer les opérations devant aboutir à la fin d’année sans date précise : effet de la vente d’une entreprise ou du rachat d’un contrat d’assurance-vie… cela peut aboutir à des surestimation de la CDHR à payer si l’opération ne se dénoue pas en 2025 mais en 2026. En cas de trop versé, l’administration ne devrait effectuer de restitutions qu’à l’été 2026 en même temps que les régularisations liées au paiement de l’IR.

Les difficultés pratiques vont donc être nombreuses car beaucoup de revenus ne sont connus avec précision que l’année suivante (IFU bancaires, revenus SCPI, primes de fin d’année, résultats de sociétés translucides, revenus étrangers etc.).

  • Si au contraire les revenus sont « minorés » parce que des flux imprévus et mal anticipés interviennent entre le 15 décembre et le 31 décembre 2025, occasionnant un acompte plus faible de 20% à 95% de l’acompte à verser (soit 19% de la créance totale), le contribuable s’expose à payer près de 20% de pénalités sur la somme non versée. Et le couperet tombe de façon implacable puisque la régularisation ne peut intervenir qu’avant la date butoir du 15 décembre.
  • Enfin quid des revenus exceptionnels ? Ces revenus entrent dans le RFR « retraité » que pour 25% de leur montant, contrairement au RFR classique pour la détermination de la CEHR qui prend en compte 100% de ces revenus. Mais symétriquement l’impôt se rapportant au revenu exceptionnel n’est retenu que pour le quart de son montant [4].

Une optimisation difficile mais possible néanmoins au voisinage des 20%

Pour le calcul de la CDHR destinée à imposer les contribuables au taux minimum de 20% sur l’ensemble de leurs revenus perçus en 2025, les prélèvements sociaux sont exclus. Seuls sont concernés les contribuables disposant de revenus fiscaux de référence s’élevant à 250.000 € pour les célibataires, veufs ou divorcés (3%, 4% à partir de 500.000€) et 500.000 € ou plus pour ceux qui sont mariés ou pacsés (3% puis 4% à partir de 1 million €). Seuls les résidents fiscaux résident en France sont concernés et non les étrangers contrairement à la CEHR (mais où interviennent les conventions fiscales internationales visant à éviter les doubles impositions). 

La contribution différentielle vise en particulier les contribuables dont la rémunération repose essentiellement sur les dividendes et les intérêts (entre 12,8% et 16,8% à l’IR et à la CEHR hors contributions sociales) ou qui réalisent des plus-values (16,8%). 

Un dispositif de lissage existe par ailleurs pour les contribuables qui dépassent de peu les seuils d’assujettissement à la CDHR, mais il est différent de celui existant sur la CEHR… afin de limiter le quantum d’impôt à payer… mais au prix d’une complexité accrue. En pratique, afin de limiter l’impact de certains revenus exceptionnels (vente de droits sociaux etc.) les contribuables aux seuils d’imposition pourront prendre sous condition en compte la moyenne des RFR (retraités) des 2 années précédentes. 

Par ailleurs un mécanisme de décote spécifique s’applique aux contribuables dont les revenus sont inférieurs ou égaux à 330.000€ pour une personne seule et 660.000 euros pour un couple soumis à imposition commune.

Formule de calcul

 

La CDHR sera égale à la différence entre :

  • Le montant résultant de l’application d’un taux de 20% au RFR retraité ;
  • La somme de l’IRPP (majoré de l’avantage procuré par certaines réductions d’impôt et par les crédits d’impôts prévus par les conventions fiscales internationales), de la CEHR (sans tenir compte de son dispositif propre de lissage), de certains prélèvements libératoires et d’un forfait (1500 euros/personne à charge et 12.500 € pour les personnes soumises à imposition commune).

Il est toutefois possible de réduire son assiette imposable via mobilier historique ou déficit foncier, ce qui a le mérite de faire baisser le RFR retraité au voisinage du seuil. Mais si la réduction d’assiette ne fait pas basculer le contribuable sous le seuil, l’investissement peut avoir un effet négatif avec un effet multiplicateur. C’est tout particulièrement le risque couru par les contribuables bénéficiant d’une proportion forte en revenus de capitaux mobiliers, la réduction d’assiette contribuant à faire baisser l’imposition de ces foyers sous le seuil de 20%, ce qui augmente d’autant le montant de la CDHR. 

Enfin les contribuables peuvent toujours utiliser les réductions d’impôt immobilier (Scellier, Pinel, Malraux, Denormandie) si la dépense est engagée avant le 31 décembre 2025. En effet l’IR n’est pris en compte qu’après application de ces réductions d’impôts en 2026. En revanche en 2026, le seuil d’imposition 20% du RFR retraité ne sera déterminé qu’après application de la réduction d’impôt. Ainsi « engager trop de dépenses qui ouvrent droit à réduction ou crédit d’impôt pourrait donc augmenter le montant de la CDHR à payer ou annuler tout ou partie des effets fiscaux initialement recherchés. » [5] Et cela est tout particulièrement vrai s’agissant des contribuables dont le taux effectif d’imposition est inférieur à 20% des revenus hors prélèvements sociaux (majoritairement des revenus de capitaux mobiliser (RCM)). 

Tableau : différence de régime entre CEHR et CDHR

Critère

CEHR (Contribution exceptionnelle sur les hauts revenus)

CDHR (Contribution différentielle sur les hauts revenus)

Période / durée

Depuis imposition revenus 2011 — en vigueur jusqu’à abrogation

Temporaire : due uniquement au titre des revenus 2025.

Bénéficiaires / seuils

RFR > 250k (personne seule) / > 500k (couple)

Même seuils : RFR > 250k / > 500k (mais RFR utilisé = RFR « retraité »).

Assiette

RFR classique (large périmètre de revenus inclus).

RFR « retraité » : RFR ajusté (exclusions/neutralisations : abattements dividendes, abattement retraite sur PV, certains exonérations, fraction revenus exceptionnels = 25%, etc.).

Base de calcul

Application de taux proportionnels par tranche sur le RFR (tableau de taux ; possibilité de lissage).

Vise une imposition minimale de 20 % du RFR retraité ; CDHR = différence entre 20% × RFR retraité et impôt réellement payé (IR + CEHR incluse).

Taux / mécanisme

3% / 4% selon tranches ; mécanisme de lissage (quotient) possible pour revenus exceptionnels (tempérament).

Seuil cible = 20% (avec décote pour RFR retraité proches du seuil). Pas de mécanisme de lissage identique ; mais revenus exceptionnels pris pour 25% dans RFR retraité.

Interaction entre elles

CEHR est une contribution autonome ; peut être lissée fiscalement.

La CEHR est retenue dans le calcul de la CDHR — si CEHR a été lissée, pour la CDHR on retient le montant initial (sans lissage). Les deux peuvent être cumulées.

Traitement des crédits/réductions

Crédits/réductions imputés selon règles IR usuelles (imputation prioritaire sur IR puis CEHR).

De nombreux crédits/réductions sont réintégrés ou retraités pour éviter qu’ils réduisent l’IR et provoquent mécaniquement une CDHR plus forte ; liste exhaustive fournie.

Décote / tempéraments

Lissage (quotient) pour revenus exceptionnels ; règles pour changements familiaux.

Décote spécifique (paliers 250k–330k et 500k–660k) réduisant l’objectif de 20% selon formule.

Déclaration / recouvrement

Déclarée et recouvrée comme l’IR (déclaration 2042-C). Pas d’acompte spécifique.

Recouvrement comme l’IR mais acompte entre 1er et 15 déc. 2025 = 95% de la CDHR estimée ; imputation/remboursement lors de la liquidation 2026. Pénalités pour acompte insuffisant/retard.

Territorialité

Résidents + non-résidents pour revenus de source française (application conventions).

Due par contribuables domiciliés fiscalement en France (tel que prévu).

Sanctions / contrôle

Règles de contrôle identiques à l’IR ; amendes déclaratives prévues.

Pénalités spécifiques liées à l’acompte (majoration 20%) + intérêts de retard.

Conclusions

La difficulté d’appréhender par anticipation le montant estimatif de certains revenus difficilement modélisable, risque de conduire les contribuables à surestimer par sécurité le montant de leur cotisation différentielle. Les risques d’erreurs sont véritablement élevés: on demande aux contribuables de réaliser le calcul 6 mois la déclaration de leurs revenus et le calcul des différentes taxes qui les grèvent. Et pourtant paradoxalement, parce que cette imposition est aujourd’hui exceptionnelle et à vocation unique, qu’elle s’applique par anticipation sur des revenus élevés, elle est entourée de fort peu de garanties pour les assujettisCette situation est indigne, parce qu’elle érige le rendement de l’impôt en impératif premier (anticiper un acompte de 95% sur une année, s’apparentant ni plus ni moins qu’à de la cavalerie), et bricole une procédure déclarative très peu sécurisante pour les contribuables… et restreint à la portion congrue leurs facultés de rectification. Nul doute qu’un contentieux nourri en ressortira surtout si dans l’urgence, la CDHR doit être pérennisé pour un an encore… sous l’impératif de conjurer toute crise budgétaire en 2026. Mais ce qui est difficile à déterminer s’agissant des revenus, risque de devenir un casse-tête sans nom si l’on en vient à estimer le patrimoine et les revenus « économiques » d’un contribuable dans le cadre d’une taxe de type « Zucman » (2% du patrimoine des fortunes supérieure à 100 M€).


[1] Impôts : le casse-tête du recouvrement de la CDHR, nouvelle taxe sur les ménages fortunés | Les Echos

[2] Contribution différentielle ou exceptionnelle : quelles différences pour les contribuables ? Maître Caroline Benhamou (CBV avocats), Club Patrimoine, 24 juillet 2025. 

[3] Contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR) 

[4] CEHR et CDHR : contribution exceptionnelle et contribution différentiel sur les hauts revenus, Maubourg Patrimoine, mai 2025. 

[5] https://www.contentieux-fiscal-riviere-avocats.fr/comprendre-les-effets-dun-investissement-a-effet-de-levier-fiscal-sur-la-cdhr-2-2/