Actualité

Passe sanitaire : le Parlement s’apprête à voter dans le flou budgétaire le plus total

Evaluation de l'étude d'impact

74 pages d’étude d’impact sur la loi relative à la gestion de la crise sanitaire et pas une ligne pour évaluer l’impact économique des mesures de contrôle du passe sanitaire dans les restaurants, les parcs d’attractions, les zoos, les piscines de camping, les cinémas…

Pas une ligne pour le coût pour ces entreprises et le coût pour l’Etat. Dans le paragraphe intitulé « impact sur les entreprises » à propos du passe sanitaire, ne sont évoquées que les sanctions pour les exploitants de lieux accueillant du public qui ne contrôleraient pas leur clientèle : « Le non-respect de cette obligation sera sanctionné pénalement (…) En cas de verbalisation de cette obligation à plus de trois reprises dans un délai de trente jours, les faits seront punis d’un an d'emprisonnement et de 9 000 euros d'amende, soit 45 000 euros pour les personnes morales.

Ou alors les sanctions à appliquer aux salariés s’ils ne présentent pas leur passe sanitaire à partir du 30 août : « suspension sans rémunération (…) A l’issue d’un délai de 2 mois l’employeur public ou privé aura la possibilité d’engager une procédure de licenciement ou de radiation des cadres ».

Les sanctions sont bien là mais les coûts de contrôles à l’entrée ne sont pas chiffrés, les coûts de perte de chiffre d’affaires non plus sans parler des coûts pour nos finances publiques et des prêts garantis par l’Etat qui ne seront pas remboursés. Le ministère des Finances, qui n’est pas en charge du portefeuille du Tourisme (c’est le ministère des Affaires étrangères qui l’est), n’est quasi pas à la manœuvre.

A ce stadeLe 22 juillet, l'Italie a annoncé vouloir mettre en place un passe sanitaire "allégé" qui pourrait être activé dès la 1ère dose reçue., la France est le seul pays en Europe à souhaiter adopter des mesures aussi coercitives. Même les pays qui demandent le passe sanitaire dans les restaurants, qui sont souvent cités comme le Danemark ou l’Autriche, admettent la validité des autotests à l’entrée. Cela a été pour l’instant rejeté par le gouvernement au motif que l’autotest « ne rentre pas dans un téléphone ».

L’urgence n’excuse pas tout. Le gouvernement fait un pari, un pari risqué et non chiffré : celui de considérer que l’effet « confiance » suscité par la vaccination massive et les effets des restrictions sanitaires sur les courbes épidémiques vont accélérer l’activité cet été faisant plus que compenser les effets récessifs que ces mêmes mesures produisent chez les commerçants et les personnes concernées (salariés, non vaccinés, femmes enceintes, contaminés en quarantaine, etc.) Problème : nul n’en sait rien.

Pourtant l’impact de ce projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire est déjà bien tangible : les acteurs du tourisme se préparent pour certains à refermer, pour d’autres à avoir entre 30 et 60% de baisse du chiffre d’affaires car beaucoup de Français n’auront tout simplement pas envie de faire la queue pendant des heures à l’entrée de leurs activités estivales. Tandis que dans de nombreux pays, les touristes annulent en ce moment même leurs voyages vers la France, ne souhaitant pas non plus faire des tests PCR payants tous les deux jours. Car, si le passage aux frontières se fait avec les vaccins étrangers, ils ne rentrent pas dans le « passe sanitaire activités » et les contrôles s’annoncent kafkaïens.

On comprend que les vannes du « Quoi qu’il en coûte » à Bercy sont toujours ouvertes, le ministère s’engageant (toujours sans chiffrer les milliards d’euros qui vont encore venir grossir notre déficit public) à payer toutes les pertes aux exploitants comme il le fait en ce moment pour le festival d’Avignon. Pour cela, les parlementaires devront patienter pour une première estimation fin août…

Cela n’effraye visiblement pas Bercy. Pourtant, le coût pour les entreprises peut être estimé entre -30 et -60 milliards d’euros pour les secteurs concernés et à une quinzaine de milliards en plus pour nos finances publiques.

Ce qui semble simple du point de vue de Bercy est tout simplement effrayant du point de vue du Parlement. Clairement, l’Exécutif peut faire voter le Parlement dans un brouillard budgétaire total. Malheureusement, le Conseil constitutionnel ne pourra pas être saisi sur l’étude d’impact du texte en vertu du principe selon lequel il faut que la conférence des présidents de la première chambre saisie du texte – ici l’Assemblée nationale – constate un désaccord avec l’exécutif pour que l’Assemblée ou le Sénat puissent ensuite saisir le Conseil constitutionnel de cette étude d’impact.

Comme le Premier ministre a annoncé saisir le Conseil constitutionnel, il serait fort judicieux que ce dernier souligne d’office les manques criants de cette étude d’impact. Il n’en a pas formellement le pouvoir, mais depuis sa décision du 16 juillet 1971 sur la liberté d’association, tout est possible. Le Conseil pourrait exiger ensuite du gouvernement la démonstration que ces décisions protègent la croissance et ne la sapent pas…