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Objectif de dépenses maladie : un dépassement minimum de 1,3 Md€ identifié pour 2025

Après un premier avis rendu en avril 2025 qui avait souligné « qu’en 2024, les dépenses relevant de l’ONDAM [2024] ont dépassé de 1,5 Md€ le montant de l’objectif fixé par la loi de financement pour 2024 (…) [et] la fragilité de la construction de l’ONDAM 2025 », le Comité d’alerte de l’ONDAM récidive le 18 juin 2025 en faisant le constat « qu’une partie des aléas [identifiés dans l’avis précédent] sont en train de se concrétiser, avec des effets très significatifs sur le montant des dépenses. » Le risque de dépassement étant évalué à quelque 1,3 milliard d’euros, « en raison notamment du dynamisme des indemnités journalières et des dépenses des établissements publics de santé. » Le Gouvernement lui oppose une mobilisation rapide d’économies de 1,7 Md€… mais cela pourrait ne pas être suffisant, si les dépenses ou les moindres économies dérapent davantage. 

Des risques de dépassement de l’ONDAM de 1,3 Md€ au bas mot :

La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025 a fixé l’ONDAM est 265,9 Md€ soit +3,4% (soit +9 Md€) par rapport à l’ONDAM 2024 (256,9 Md€) pourtant déjà révisé à la hausse dans le cadre de la LFSS 2025[1] (+2 Md€). Après +3,3% en 2024, les dépenses de l’ONDAM progresseraient en 2025 de +3,4% soit à un rythme quasiment constant

Or comme le souligne l’avis, l’objectif de dépenses intègre des mesures nouvelles de +6,2 Md€ en 2025 contre +4,6 Md€ en 2024 (+3,4%), et des économies à l’augmentation moins que proportionnelle par rapport aux dépenses nouvelles : 4,3 Md€ en 2025 contre 3,5 Md€ en 2024 (+2,3%). 

Le Comité d’Alerte de l’ONDAM fait le constat que « ces aléas sont en train de se concrétiser, avec des effets très significatifs sur le montant des dépenses ». Les principaux risques de dépassement se situeraient autour de 1,3 Md€… mais les risques de dépassement en dépenses ou de moindres mises en réserve en sus pourraient atteindre les 2 Md€ (3,3 Md€ au total) :

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Source : Fondation IFRAP, comité d’alerte de l’ONDAM, juin 2025.

Par ailleurs des effets positifs additionnels, mais minorés par des aléas sur d’autres économies pourraient encore alourdir l’addition de 0,7 Md€ :

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Source : Fondation IFRAP, comité d’alerte de l’ONDAM, juin 2025.

Des économies prévues qui pourraient n’être pas au rendez-vous :

Le principal risque au-delà de ceux de dépassement en dépenses (1,5 Md€, dont 0,5 Md€ d’IJ et 1 Md€ de risque de dépassement des établissements de santé sur l’activité MCO) serait constitué par de moindres mises en réserve ou des économies se révélant de plus en plus virtuelles. Le Comité d’alerte relève :

  • Que 0,6 Md€ reposent sur la conclusion d’un protocole d’accord avec le LEEM (représentant les entreprises pharmaceutiques) qui « n’a pas été signé à ce jour. »

  • Par ailleurs 0,1 Md€ supplémentaire d’économies reposent sur la baisse de prix des médicaments génériques, baisse qui repose sur la publication d’un arrêté abaissant le taux des remises commerciales sur les génériques : cet arrêté n’a pas été pris ;

  • S’agissant cette fois des biosimilaires : « il est aujourd’hui attendu qu’une partie des économies liées à la substitution de médicaments biosimilaires ne sera pas réalisée. » Les aléas correspondants pourraient atteindre 0,1 Md€.

  • Par ailleurs s’agissant du montant des mises en réserves au début d’année par la CNAM, 687 M€ portent sur les établissements de santé et 241 M€ sur les établissements médico-sociaux. Or il est fort probable qu’étant donné la situation financière des établissements de santé et les mesures supplémentaires offertes aux établissements médico-sociaux (0,3 Md€), ces crédits soient finalement dépensés en cours d’exercice afin de financer des dépenses supplémentaires incompressibles. 

  • S’y ajoutent, des aléas calendaires affectant certaines économies (0,2 Md€) ;

  • Ainsi que le caractère incertain de la maîtrise médicalisée des dépenses de soin de ville (0,9 Md€) dont 0,3 Md€ seraient basés sur une meilleure maîtrise des IJ… qui dérapent actuellement.

Une situation financière des hôpitaux publics de plus en plus dégradée

L’avis du Comité d’alerte de l’ONDAM fait également un point sur le déficit des établissements publics de santé. Selon le ministère de la Santé, la dérive :

Source : Ministère de la Santé, cité par l’avis n°2-2025 du Comité d’alerte de l’ONDAM.

 

En 2024, 66% des établissements publics de santé seraient en déficit au niveau de leur budget principal. Tandis que le déficit consolidé de l’ensemble des hôpitaux publics atteindrait en 2024 entre 3 et 3,2 Md€. Comme nous l’indiquions en avril dernier, « sur le volet hospitalier, les comptes sont de plus en plus déficitaires, risquant de reconstituer une dette sur le chef de l’ACOSS alors même que leur précédente dette a fini d’être reprise en 2023 par la CADES. » et que celle-ci n’a pas de ressource supplémentaire lui permettant d’effectuer de nouvelles reprises de dettes à l’avenir. 

Les mesures déjà prises en urgence par le Gouvernement :

Face à ces difficultés, le Gouvernement a décidé de mettre en place en urgence un effort supplémentaire sur la dépense de 5 milliards d’euros pour 2025,[2]dont des mesures d’économies sur la sphère sociale de 1,7 Md€. Le compte rendu du 2e comité d’alerte des finances publiques du 26 juin 2025 indique ainsi que « à la suite du comité d’alerte de l’ONDAM, des mesures de modération ont été annoncées. Elles comprendront notamment la mise en œuvre immédiate de certaines dispositions de la de financement de la Sécurité sociale, l’annulation de certaines mises en réserve, et le renforcement des mesures de maîtrise médicalisée. » 

En particulier, Catherine Vautrin a précisé que les mesures reposent par la « mobilisation d’une réserve de 700 millions d’euros de dépenses » pour l’hôpital et le médico-social et sur « des économies sur le médicament à hauteur de 500 millions d’euros d’économies ». Ces mesures visent à sanctuariser une partie des « économies » identifiées par le Comité d’alerte de l’ONDAM. Reste à savoir si cela sera suffisant… si le dérapage dépasse les 1,3 Md€…


[1] Les dépenses étaient estimées pour l’ONDAM 2024 à 254,9 Md€ en LFSS 2024, puis à 256,9 en LFSS 2025. Voir notre précédente note : https://www.ifrap.org/budget-et-fiscalite/ondam-lalerte-est-lancee

[2] https://www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/deficit-bercy-taille-de-5-milliards-dans-les-depenses-pour-eviter-un-nouveau-derapage-2173289 à la faveur du 2e comité d’alerte des finances publiques, https://www.economie.gouv.fr/actualites/budget-5-milliards-deuros-deconomies-supplementaires-pour-tenir-les-engagements-de-la