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Norvège : quand trop d’impôt tue l’impôt

Un cas d’exil fiscal de millionnaires

En 2022 en Norvège, après l’arrivée au pouvoir l’année précédente d’un gouvernement de centre gauche, l’impôt sur la fortune a été augmenté à 1,1% de taux marginal, tandis que la taxe sur les dividendes était elle-même relevée. Par ailleurs particularité de l’ISF norvégien celui s’applique uniquement sur la fortune mobilière, mais touche également les plus-values latentes. Les assujettis se sont alors retrouvés avec des niveaux d’impositions excédant parfois leurs propres revenus et nécessitant de liquider pour payer une partie de leurs valeurs mobilières. 

Le relèvement de l’impôt sur la fortune en Norvège ou l’illustration du principe de Laffer 

Il s’en est suivi un exode significatif vers d’autres pays d’Europe à la fiscalité plus clémente comme la Suisse. Un mouvement qui ne se tarit toujours pas alors même que le pays a introduit parallèlement une Exit tax au taux aligné sur celui de l’imposition des dividendes (soit 37,84% en 2025). Il en a résulté un effet Laffer, le rendement espéré faisant place à un manque à gagner significatif. Le bilan de l’opération faisait état fin de 2023 d’une perte de -$448 M (-433 M€) au lieu d’un gain de +$146 M (+141 M€), induite par une fuite de capitaux de $54 Md (52 Md€), privant en outre de façon permanente la Norvège d’environ $594 M (574 M€) de recettes fiscales récurrentes, liée à cette attrition de base fiscale. 

Le relèvement de la fiscalité norvégienne

 

Très concrètement, le taux de l’ISF a été relevé de 0,85% à 1% (pour les fortunes comprises entre 146.000 € et 1,73 M€ soit +17,6%) et même à 1,1% pour les plus fortunés (au-delà de 1,73 M€ net [1] +29,4%). Le Gouvernement a également augmenté l’imposition des dividendes (qui est passé de 31,7% à 35,2% en 2022, puis à 37,84% en 2025 [2] soit une augmentation totale de +19,37%). Par ailleurs, l’Exécutif norvégien a rajouté une exit taxe pour prévenir le phénomène, d’un taux de 37,84% (aligné sur celui des dividendes) que les candidats au départ auraient 12 ans pour rembourser [3], mais qui serait remboursable en cas de retour durant ce délai. Un durcissement est en cours, imposant le paiement de l’exit taxe dans les 12 ans mais en y incluant les plus-values latentes [4]. 

Une centaine de millionnaires concernés depuis 2022, mais près de 150 en 2025

Entre 2021 et 2023, environ 200 de grandes fortunes norvégiennes ont choisi l’exil fiscal [5] en choisissant de s’installer très majoritairement en Suisse dont plusieurs dizaines de milliardaires [6]. Le rapport Henley Global 2024 fait état d’une prévision de départ de 150 individus supplémentaires en 2025 [7]. Rien qu’en 2022, 33 norvégiens sont partis en Suisse, occasionnant une perte de recette fiscale que l’on peut estimer à 54,6 M€ (2021). 

Un pointage récent fait état de 315 foyers norvégiens installés en Suisse entre septembre 2022 et avril 2023, dont 80 exilés très fortunés. Les montants des leurs avoirs sont estimés en Suisse à 135 Mds de francs suisses en 2024 [8] (126 Md€), constituant une nouvelle assiette taxable pour l’économie suisse.  

Conclusion

Davantage encore que les cas britanniques [9] (avec la suppression par les travaillistes du régime des non-résidents) ou Suédois (aboutissant à la suppression de l’ISF en Suède et de la taxation des successions/donations [10]), le cas norvégien permet de bien saisir le risque d’alourdir inconsidérément la fiscalité sur le patrimoine des plus fortunés parallèlement à la mise en place d’une exit taxe et du relèvement de la fiscalité des dividendes. Les conséquences sont massives avec une fuite de capitaux estimée entre 52 Md€ du côté norvégien et 126 Md€ du côté Suisse (mais la fortune des milliardaires concernés était sans doute déjà partiellement internationalisée – des rapatriements en Suisse ont pu se produire en dehors du périmètre norvégien de l’impôt). On constate du côté Norvégien une perte fiscale sèche par rapport à l’augmentation du produit escompté. Le déplacement de capitaux aboutit en sus à une perte pérenne de produit fiscal qui est significative (574 M€). Un cas typique et illustratif que la France devrait méditer. Dans le cas norvégien et derrière les points de pourcentage apparents, les hausses ont été massives. Cette perturbation dans le rendement du capital et le paiement des créances fiscales, a abouti à ce départ massif et visible


[1] https://taxfoundation.org/data/all/eu/wealth-taxes-europe/ 

[2] https://taxfoundation.org/data/all/eu/dividend-tax-rates-europe/ 

[3] Plus exactement, les personnes ayant déménagé entre le 29 novembre 2022 et le 20 mars 2024, voient le paiement de l’exit tax différé jusqu’à ce que les gains sur les actions soient réalisés.

[4] https://www.bdo.global/en-gb/insights/tax/world-wide-tax/norway-exit-tax-rules-to-be-tightened-again 

[5] https://www.highnorthnews.com/en/about-tax-refugees-and-flight-northern-norway 

[6] https://www.lemonde.fr/en/economy/article/2023/06/24/to-avoid-rising-taxes-norway-s-super-rich-flee-to-switzerland_6036559_19.html 

[7] https://www.henleyglobal.com/newsroom/press-releases/henley-private-wealth-migration-report-2025 

[8] https://www.linkedin.com/posts/mrfarukarslan_over-80-wealthy-norwegians-moved-to-switzerland-activity-7239513055989051393-npzj/ 

[9] https://www.theguardian.com/news/2025/jul/07/non-doms-labour-super-rich-leaving-the-uk, mais aussi https://uk.finance.yahoo.com/news/uk-lose-millionaires-wealth-tax-nom-doms-050044002.html et https://news.mc/2025/06/25/record-exodus-of-millionaires-from-uk-as-wealth-migration-accelerates/ 

[10] https://www.lemonde.fr/europe/article/2017/10/07/en-suede-dix-ans-apres-la-disparition-de-l-isf_5197657_3214.html