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Ne minimisons pas les risques d'une dette française qui explose

Dans l'imaginaire tricolore, la France est un des pays où l'on gère le mieux la dette, nous avons pour cela les meilleurs experts, formés dans les meilleures écoles, capables de placer des milliards et des milliards de dette… Des as du toujours plus. A la fin de l'année 2020, la dette représentera près de 121 % de la richesse nationale et, d'ici à 2022, elle devrait atteindre les 3.000 milliards d'euros.

Quelle que soit la valeur indéniable de l'équipe de France Trésor, ils doivent assumer des injonctions paradoxales : refinancer la France à moindre coût, s'assurer d'un marché obligataire liquide, contenir la dette, minimiser sa charge à court terme… Or, cette mission « impossible » conduit naturellement à des fragilités.

Primes d'émission, BTF, OATi…

En premier lieu, les primes d'émission. Ce sont ces fameux montants en cash que l'on nous verse quand on émet de la dette sur souche ancienne avec un différentiel de taux qui nous permet d'encaisser immédiatement l'écart de taux. Avec des sommes de plus en plus rondelettes puisque la dernière en date, en 2019, était de plus de 18 milliards sans que cela se voie dans les comptes puisque c'est lissé sur les années suivantes dans la comptabilité nationale…

Ensuite, les emprunts à court terme. Nous avons prévu d'emprunter pour la moitié en BTF, titres à court terme, sur les nouveaux emprunts liés à la crise cette année, soit plus de 79 milliards ce qui n'est pas très prudent, même si les émissions se passent très bien.

Mentionnons aussi la dette aux taux indexés sur l'inflation qui pèse plus de 200 milliards, ce que l'on appelle les OATi. Ou encore la maturité de notre dette, environ 11 ans, plus faible que dans certains pays comparables du Nord de l'Europe… notamment en Allemagne. Enfin, n'oublions pas le mur à venir du refinancement de la dette. D'ici à 2023, 599 milliards d'euros de dette publique vont arriver à échéance.

Toutes ces faiblesses de la dette française, quand on les énumère, font lever les yeux au ciel des meilleurs spécialistes, ceux-là mêmes qui, il y a un an, disaient que c'était vraiment le moment de continuer à dépenser plus d'argent public et de s'endetter puisque les taux étaient si bas… La patience de nos partenaires « frugaux » n'est pas sans limite, ni la « ruine » progressive de leurs épargnants retraités que la politique de taux nuls induit. Que la Banque centrale européenne normalise sa politique monétaire, que l'inflation remonte ou les taux directeurs et la charge de notre endettement explosera.

Des solutions à expérimenter

Cela dit, les solutions sont à notre portée, elles sont d'ailleurs déjà utilisées par nos voisins du Nord de l'Europe. Allonger la maturité de notre dette à 15 ou 20 ans, emprunter à 50 ou 80 ans, se dégager des emprunts à taux variables au plus vite (un problème que connaît la Grande-Bretagne), cesser la politique de primes d'émissions sur souches anciennes afin de limiter les refinancements à 3 ans,asont les objectifs que nous nous devons d'adopter au plus vite. Vendre des actifs enfin, comme les Pays-Bas l'ont pratiqué à très bon escient.

La gestion de notre dette doit devenir en outre plus démocratique : le Parlement et le Haut Conseil aux finances publiques ont vocation à être beaucoup mieux associés au suivi de la gestion et du niveau de la dette publique. La France devra, enfin, dans un second temps, quand la crise profonde sera un peu derrière nous, se doter d'un système de frein constitutionnel à l'endettement, le même qui permet aujourd'hui à nos partenaires et amis allemands d'être beaucoup plus forts dans leurs réponses face à la crise sanitaire et économique. Si vis pacem para bellum.