Tribune

Attention, les autruches budgétaires sont de sortie

Au lieu de se bercer d'illusions, il serait temps de passer la marche avant sur les économies. Et il n'y a pas pléthore de solutions : il faut bloquer les dépenses publiques. C'est tout à fait possible, souligne Agnès Verdier-Molinié.

Cette tribune a été publiée dans le journal Les Echos, le 18 juin 2025

Sur les choix budgétaires qui attendent la France, la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, a été très claire : « Si nous ne faisons pas ces choix maintenant, ce seront nos créanciers ou le FMI qui nous les imposeront. » Il y a un an, Bruno Le Maire reconnaissait déjà que la France risquait d'être mise sous tutelle si elle ne réduisait pas ses dépenses. Nous sommes rentrés dans une phase dans laquelle les ministres de Bercy sont obligés, eu égard à la situation de nos finances publiques, de reconnaître ce risque. Ne serait-ce que par rapport à un éventuel jugement de l'Histoire.

Dès la sortie de la ministre, des voix se sont élevées pour expliquer que cela était « très peu probable », ajoutant que le FMI n'a pas vocation à intervenir en France ou en zone euro. Ils arguent du fait que, depuis la crise grecque, la zone euro s'est dotée de ses propres outils. Ils évoquent le mécanisme européen de stabilité (MES), entré en vigueur en 2012 et qui prête aux Etats sous condition d'un plan d'austérité (Grèce, Irlande, Portugal).

Ils évoquent aussi l'OMT (Outright Monetary Transaction), qui n'a encore jamais servi et permettrait à la BCE, toujours sous condition d'un plan d'austérité, de racheter des obligations de façon illimitée aux pays endettés. Autre outil évoqué et jamais utilisé, le TPI (Transaction Protection Instrument), qui permet aussi d'acheter des obligations d'un pays dont les taux sur la dette explosent, mais à condition qu'il ne soit pas en procédure pour déficit excessif.

 

Comme la Commission européenne a annoncé le 4 juin mettre en « suspens » la procédure pour déficit excessif de la France, il n'en fallait pas plus pour croire que la France serait aux portes de la sortie de cette procédure. Mais de qui se moque-t-on ?

Comme la Commission européenne a annoncé le 4 juin mettre en « suspens » la procédure pour déficit excessif de la France, il n'en fallait pas plus pour croire que la France serait aux portes de la sortie de cette procédure. Mais de qui se moque-t-on ? Il est irresponsable de jouer les autruches et de véhiculer des propos qui laissent accroire que la France est sortie du volet correctif du Pacte de stabilité et de croissance. On pourrait légitimement se demander si de telles incompréhensions - savamment calculées - ne préparent pas le terrain à l'achat massif d'obligations françaises par la BCE.

Plan d'austérité

D'aucuns souhaitent sûrement que l'outil pour aider la France en cas de crise de la dette soit le TPI, car il n'implique pas de plan d'austérité. En ayant une France débarrassée de la procédure pour déficit excessif, cela deviendrait possible. Si telle est leur idée, c'est un leurre.

En effet, la France est bien loin de pouvoir sortir de la procédure pour déficit excessif avec un déficit 2025 attendu autour de 5,4 % du PIB. En cas de crise de la dette française, la BCE ne pourrait aider la France qu'en contrepartie d'un plan d'austérité sous monitoring de type FMI. Et rien ne dit que nous n'aurions pas, comme en Grèce, finalement, en guise de tutelle, l'intervention d'une troïka (BCE, FMI, Commission).

Au lieu de se bercer d'illusions, il serait temps de passer la marche avant sur les économies. Et il n'y a pas 36 solutions. Bloquer les dépenses publiques à 1.700 milliards en 2026 comme en 2025. C'est tout à fait possible. 17 milliards d'économies viendraient du gel des pensions, des aides sociales et des rémunérations publiques.

Le reste du freinage des dépenses de fonctionnement viendrait des collectivités locales avec un nouveau pacte local, du non-remplacement de départs à la retraite dans le public, de la réduction de la dépense des transports sanitaires, de l'instauration de deux jours de carence non pris en charge dans le public et le privé… Si nous ne voulons pas demain ou après-demain d'un plan d'austérité, qu'il se nomme OMT ou FMI, c'est maintenant qu'il faut agir.

Agnès Verdier-Molinié est directrice de la Fondation IFRAP, auteure de « Face au mur » (Editions de l'Observatoire).