Monnaie de Paris : un cas d’école d’organisme à rationaliser (privatisation ou fusion)

La Cour des comptes vient de rendre un rapport sur la gestion de la Monnaie de Paris pour les exercices 2017-2024, et le moins que l’on puisse dire, c’est que la gestion de l’institution a laissé à désirer et constitue même en quelque sorte un « musée des horreurs » bureaucratique qui certes tend à se réformer, mais sans doute pas assez vite pour que l’on puisse, compte tenu de l’état dégradé de nos finances publiques, se passer d’une complète privatisation - ou d'une profonde restructuration (fusion avec l'imprimerie nationale, démembrement). Une opération qui pourrait être réalisée d’autant plus aisément que le marché est concurrentiel et que d’autres pays n’ont pas hésité à sauter le pas, comme le Danemark ou la Finlande récemment, qui ont fermé leurs imprimeries nationales. Précisons que l’organisme public (EPIC) n’est pas considéré comme un opérateur de l’Etat, ni comme un ODAC au sens de la comptabilité nationale, mais comme une – participation de l’Etat – au sein du portefeuille de l’APE (Agence des participations de l’Etat). Sa cession éventuelle (pour tout ou partie de ses activités) n’en serait dès lors que plus aisée. Une question demeure, la tutelle défaillante du Ministère des finances qui interroge, lorsque l'on regarde le bilan dressé par la Cour sur les huit années passées.
Un petit problème de personnel (effectifs, masse salariale, rémunérations)
De l’aveu même des magistrats de la Cour, le dialogue social reste difficile à la Monnaie de Paris. En effet, il « s’avère complexe, en partie en raison de facteurs historiques », générateurs de « tensions et désaccords récurrents entre organisations syndicales et direction ». Cela n’est pas sans conséquences, ni sur le niveau des effectifs, ni sur l’évolution de la masse salariale de l’établissement.
Exécution 2017 | Exécution 2022 | Exécution 2023 | Exécution 2024 | 2025 (inscrit au budget) | Variation 2025-2022 | |
Effectifs (ETP) de la Monnaie de Paris | 471 | 432 | 457 | 480 | 488 | 56 |
Evolution (%) | -8,3% | 5,8% | 5,0% | 1,7% | 13,0% |
Source : Cour des comptes, septembre 2025.
Si un plan de réduction des effectifs de 10% avait été mis en place sur trois ans (2019-2022), il apparaît qu’entre 2017 et 2022 ils n’ont véritablement baissé que de 8,3%, et augmentent désormais régulièrement depuis 2022, soit +13% entre 2022 et 2025, effaçant l’ajustement de la précédente période. Notons par ailleurs que la répartition des effectifs entre le siège historique (Quai de Conti à Paris) et Pessac (Dordogne) est plutôt stable durant la période sous révision de la Cour avec, en 2023, 278 équivalent temps plein (ETP) à Paris (60,8%) et 179 à Pessac (39,2%).
La Cour précise en effet que « l’année 2023 a représenté un nombre de recrutements record, 61 ». On dénombre d’ailleurs en réalité en 2023 478 ETP alternants compris au 31 décembre 2023 contre 457 ETP affichés en exécution, alors même que le budget 2023 anticipait 449 ETP, soit un dépassement de 29 ETP. Ainsi « sur la période récente, le nombre d’ETP prévu dans les budgets n’est toujours pas respecté. » Sur ce point et d’après la Cour, « le ministre de tutelle aurait demandé un gel des recrutements » pour 2025. Un point dont devrait tenir compte le PDG puisque sa rémunération intègre sur sa part variable un indicateur de pilotage de la masse salariale rapportée au chiffre d’affaires.
Pas sûr que cet indicateur soit suffisant, puisque s’agissant de la masse salariale, et alors même que sur la période 2019-2022 un plan de réduction des effectifs de 10% avait été adopté et les ouvriers d’Etat « progressivement remplacés à l’occasion de leur départ à la retraite » par des salariés contractuels recrutés à des salaires inférieurs, les charges de personnel ont quand même légèrement progressé entre 2017 et 2022, passant de 31,7 M€ à 32 M€. Les dépassements sont d’ailleurs assez fréquents : en 2021, en 2022, en 2023 et en 2024.
M€ | 2017 | 2021 | 2022 | 2023 | 2024 | Variation 2024-2022 |
Charges de personnel budgétisées initialement | 30,8 | 30,4 | 32,8 | 35,3 | 4,9 | |
Charges de personnel exécutés | 31,7 | 32,4 | 32,1 | 35,4 | 35,3 | 3,2 |
Dépassement | 1,6 | 1,7 | 2,6 | Sans objet |
Source : Cour des comptes, septembre 2025.
En 2023, il faut cependant retraiter le résultat de 35,4 M€ par soustraction de 1,7 M€ de provisions pour risques et charges reclassées en dettes sociales, soit une hausse résiduelle de +0,9 M€, qui résulte généralement, pour la période étudiée, de l’intéressement. Il n’en reste pas moins vrai, affirme la Cour, que « la progression des charges de personnel a d’ailleurs fait l’objet de préoccupations de la part de la présidente du comité d’audit, de la présidente du comité des rémunérations et du contrôle général économique et financier. » Sans résultats probants.
Ce constat partagé réapparaît lorsque l’on regarde le ratio des charges de personnel sur la valeur ajoutée (VA) qui a atteint 73% en 2023 contre 68% en 2018 et 63,5% en 2024… Une bonne performance, mais fragile dans la mesure où elle est exceptionnelle car liée au contexte des J.O. (frappe de 5.000 médailles olympiques et afflux touristique) qui a bénéficié à la Monnaie de Paris. Ce ratio est d'ailleurs anticipé à hauteur de 71% pour 2025…
Bref, si la masse salariale ne faiblit pas entre 2017 et 2022 et augmente au-delà, c’est d’abord pour la seconde période en raison de la reprise de l’accroissement des effectifs et de la prise en compte « en grande partie » de l’inflation dans les revalorisations salariales, mais aussi à des pratiques de rémunérations « baroques »… ce qui se vérifie d’abord durant la première période.
Des bilans sociaux non conformes Les magistrats de la rue Cambon mettent en exergue que si « la progression salariale par catégorie de personnel et ancienneté est difficile à retracer » c’est d’abord parce que les bilans sociaux ne comprennent plus d’éléments relatifs à la rémunération à compter de 2021. La présentation de l’évolution des rémunérations au comité des rémunérations est présentée en annexe. Ce qui viole directement les dispositifs du code du travail en la matière appliqués aux EPIC (art. L2323-70 et L.2323-17, ainsi que l’article L.2321-1). |
Tout d’abord le personnel se voit verser des augmentations salariales accordées dans le cadre de négociations annuelles (NAO) de l’ordre de 1 à 2% entre 2017 et 2022, puis beaucoup plus afin de tenir compte de l’inflation (+6% si <30.000€, +4,5% <35.000€ en 2023, +4,5% si <28.000€, +3,7% <30.000€ en 2024)…
Ensuite, il bénéficie de primes à l’issue des conflits sociaux : primes exceptionnelles de pouvoir d’achat, primes de partage de la valeur ajoutée, prime de « sortie de conflit » en juillet 2024, primes de résultat de décembre 2024, ainsi que des primes « médailles » pour certaines sorties, primes écologiques, prime essence pour les habitants à moins de 30 km de Pessac etc.
Pas moins de quatre accords d’intéressement ont également été conclus, en 2015, 2018, 2021 et 2024, ce qui représente des sommes conséquentes (400.000€ en 2018, 415.000€ en 2020, 800.000€ en 2021, 700.000€ en 2022, 700.000€ en 2023). Le dernier accord du 26 juin 2024 prévoit sur la période 2024-2026 deux enveloppes de 450.000€ bruts en cas d’atteinte d’un double objectif : un seuil d’EBE/CA (excédent brut d’exploitation sur chiffre d’affaires) supérieur ou égal au budget approuvé par le conseil d’administration (1ère enveloppe) ; et un résultat d’exploitation > 120% du budget pour la seconde enveloppe auquel est ajouté l’atteinte de critères de performance (satisfaction client et baisse de l’emprunte carbone) pesant pour ce dernier critère pour 50% de la seconde enveloppe.
Par ailleurs, s’agissant des ouvriers d’Etat (32,8% des CDI en 2017, 17% en 2023), la transformation de la Monnaie de Paris d’une direction des Monnaies et médailles en EPIC en 2007 a abouti à la mise en place d’un accord d’entreprises sur les règles statutaires du 16 décembre 2008 dont certaines dispositions ont été violées. Ainsi du point 15 e) précisant que « sauf dispositions spécifiques prises dans le cadre de la NAO, le pourcentage d’augmentation générale négocié sera appliqué à une assiette constituée de l’ensemble des éléments de rémunération fixes (…) [dont] il sera déduit du montant de cette augmentation la ou les revalorisation(s) du point de fonction publique ». Or, en 2022, les ouvriers d’Etat ont bénéficié du cumul des augmentations prévues dans la NAO et de l’augmentation du point. Augmentation actée sans validation du conseil d’administration alors que cette compétence ne pouvait pas être déléguée. Cette décision a même eu des effets inflationnistes dans la mesure où pour garantir l’égalité de traitement avec les autres salariés, ces derniers ont bénéficié d’une nouvelle augmentation générale en tant que contractuels. Cette pratique est désormais proscrite depuis 2023 dans le cadre de l’accord de NAO signé en 2023. Mais l’effet « base » inflationniste sur l’ensemble des rémunérations passées est désormais acquis.
S’y ajoutent pour les ouvriers d’Etat à compter du 1er janvier 2025, des effets de l’accord du 27 juin 2024 déplafonnant leur progression à l’ancienneté, via une extension de trois échelons de leur grille indiciaire, de l’augmentation de leur nombre de points moyens pour chaque catégorie (15 en moyenne), de changement de catégories (repositionnement) plus élevées, d’une progression à l’ancienneté automatique tous les 3 ans (type fonction publique locale) et de changement de catégorie en cas de stationnement durant 5 ans sur un échelon sommital…
Enfin, les modalités de gestion des ressources humaines semblent très perfectibles car trop coûteuses à plusieurs titres :
Tout d’abord les magistrats relèvent une absence de respect du temps de travail (1607 h jour, 1596 h nuit à Paris), mais (1576 h jour et 1572 h nuit à Pessac). Cette discordance du temps de travail légal entre les deux sites s’expliquerait « pour tenir compte des sujétions liées à son caractère particulier » … ce qui reste particulièrement flou. Les salariés bénéficient en outre « d’une sixième semaine de congés payés dite « conventionnelle », supérieure au minimum légal, héritage de l’administration publique des monnaies et médailles. » En dehors de ces aspects contractuels dérogatoires, les salariés doivent badger quatre fois par jour (à cause de la pause méridienne) mais « les badgeages de (…)[celle-ci] sont fréquemment manquants, (…) des dérives se sont durablement installées en matière d’irrespect des horaires de travail. » Une situation d’autant plus difficile que « les temps badgés n’alimentent pas encore automatiquement la paie » et que l’on note « un manque de soutien managérial pour faire respecter les règles de base ». L’absentéisme aboutit alors à un taux d’activité d’environ 75%.
Des horaires de travail aménagés depuis la crise Covid et interrompus seulement en 2025
En raison de la mise en place de mesures sanitaires pour faire face à la pandémie de Covid, une organisation en travail à horaires décalés avait été mise en place afin de limiter le personnel présent sur site. Cependant « depuis la fin de l’épidémie de covid, cette organisation censée être exceptionnelle, a perduré au sein des ateliers parisiens, sans être remise en cause par la direction. » La Cour suggère qu’elle « est susceptible d’avoir maintenu la productivité à un niveau insuffisant, et ce, alors même que l’établissement recourt régulièrement aux heures supplémentaires et que les retards de livraison sont très fréquents. » Il n’y a été mis fin qu’à compter du 3 février 2025.
S’y ajoute un grave problème d’absentéisme en partie réglé : 10 626 jours de congés maladie en 2022 après déjà 8 763 jours en 2021. On relèvera en particulier un nombre très élevé d’arrêts de travail dits de longue durée, notamment de pathologies lourdes et de risques psychosociaux. Problème en partie réglé en 2024 puisqu’on ne relève à date que quatre arrêts de travail au long cours sans risques psychosociaux avéré, via un départ négocié, des aménagements de postes et des mobilités.
Les deux éléments précédents accroissent les effets de plusieurs pratiques inflationnistes sur la masse salariale elle-même :
Un recours croissant au travail en 3x8 normalement lié « aux pics de production liés à l’activité export » qui ouvre droit à des compensations et majorations salariales (40% en heures de nuit) est en pratique largement utilisé notamment en 2023 (4 semaines) et 2024 (13 semaines).
On relève par ailleurs un recours coûteux au management de transition (à 6 reprises à compter de septembre 2021 pour un montant de 580.000€) ;
Ainsi qu’un recours massif aux ruptures conventionnelles (1,14 M€ sur la période) et aux transactions (500.000 euros).
Enfin, pour absorber les pics d’activité la Monnaie de Paris recourt à l’intérim, soit +116% entre 2019 (19 ETP) et 2024 (40 ETP). On notera que l’intérim de surcroît d’activité est largement prépondérant par rapport à l’intérim de remplacement (20 ETP/5 ETP en 2023). En particulier trois ateliers à Pessac sont particulièrement concernés, le conditionnement, la logistique et la dénaturation (retour Banque de France et invendus).
Des problèmes de qualité de certaines productions
Ces difficultés de gestion RH se répercutent également en matière de fiabilité des contrôles internes. La Cour relève que « plusieurs incidents ont mis en exergue des faiblesses significatives » en matière de procédures internes, aboutissant à des problèmes de qualité de certaines productions et à des difficultés de planification aboutissant à des retards significatifs dans les délais de production. La Cour a ainsi pu relever :
En 2023 la frappe de 27 millions de pièces de monnaies non conforme. La Monnaie de Paris avait soumis à la direction du Trésor en juillet puis en septembre 2023 les dessins de nouvelles pièces de 10, 20 et 50 centimes. « Estimant qu’elle ne pouvait plus attendre (…) afin de respecter son objectif de mise en circulation (…) début 2024, la Monnaie de Paris a décidé de lancer la production des pièces sans en informer la direction générale du Trésor » à compter de novembre. Or, la Commission Européenne a alors émis un avis informel négatif en novembre. La frappe a dû être détruite pour non-conformité, pour un impact financier de 800.000 €.
En 2024, la Monnaie de Paris a cette fois produit une pièce de monnaie de collection dont la valeur faciale n’était pas autorisée. Elle a en effet produit une pièce d’une valeur faciale de 7,5€ alors que cette valeur faciale n’était pas prévue par le décret de 2001. « La direction du Trésor ayant constaté la commercialisation de pièces de 7,5 € sur le site de la Monnaie de Paris a alors sollicité une modification du décret pour y intégrer la coupure illégale », ce qui a été accordé pour limiter le coût de l’entreprise (validation ex-post).
En 2024, la Monnaie de Paris a également été épinglée pour la mauvaise qualité de certaines de ses médailles olympiques : sur 5000 médailles, environ 200 (4%) ont fait l’objet de réclamation « principalement des médailles de bronze ». Cette faiblesse avait pourtant déjà été identifiée début 2023. La Cour relève à ce propos « l’absence d’analyse des risques [et] l’absence de chef de projet dédié. »
Enfin des dépassements récurrents de calendriers de production sont relevés : en 2024, dans les ateliers parisiens, seuls 63% des livraisons étaient effectuées dans les délais pour les monnaies de collection contre un objectif de 90% en 2025 et de 95% en 2027. On constate par ailleurs d’importantes défaillances dans la chaîne d’approvisionnement, les prévisions commerciales « demeurent insuffisantes », enfin « la Monnaie ne dispose pas d’indicateurs fiables pour piloter la production et le suivi des volumes, ni le taux d’activité réel ou la capacité de production. » Ce qui aboutit à avoir recours à des expédients exceptionnels (voir supra), 3x8, intérim etc.
Des difficultés multiples qui impactent une situation financière fragile
La Monnaie de Paris voit ses finances se redresser timidement depuis 2017, avec un résultat net excédentaire en 2024 de seulement 6,4 M€ pour un chiffre d’affaires net de 193,9 M€, soit de 3,3%.
2017 | 2018 | 2019 | 2020 | 2021 | 2022 | 2023 | 2024 | Var 24-17 | |
Chiffres d'affaires net | 117,2 | 137,6 | 134 | 115,2 | 146,2 | 149,2 | 162 | 193,9 | 65,4% |
Production stockée | -5,6 | -12,6 | -5,7 | -12,7 | 4,1 | 1,1 | 16,8 | -5,9 | 5,4% |
Autres produits d'exploitation | 10 | 4,3 | 6,7 | 10,3 | 7,8 | 15 | 13,5 | 9,8 | -2,0% |
Total des produits d'exploitation | 121,6 | 129,3 | 135 | 112,8 | 158,1 | 165,3 | 192,3 | 197,8 | 62,7% |
Charges d'exploitation | 133,6 | 127,3 | 139,7 | 110,7 | 154,7 | 161,9 | 186,7 | 191,8 | 43,6% |
Résultat d'exploitation | -12 | 2 | -4,7 | 2,1 | 3,4 | 3,4 | 5,6 | 6 | |
Résultat financier | 0,9 | 0,3 | 0,2 | -0,8 | 0,5 | 0,5 | -0,1 | -0,3 | |
Résultat exceptionnel | -3,2 | -1,6 | -5,1 | -0,5 | 0,5 | 1,1 | -0,9 | 1,1 | |
Résultat net | -14,2 | 0,8 | -9,6 | 0,8 | 4,5 | 5 | 4,4 | 6,4 |
Source : Cour des comptes, septembre 2025.
Ce résultat est toutefois exceptionnel parce que porté par le Jeux Olympiques « qui ont engendré un chiffre d’affaires important en monnaies de collection en 2023 et 2024. » Notons toutefois que les produits d’exploitation ont augmenté significativement sur la période (+62,7%), notamment sous l’effet du développement du chiffre d’affaires (+65,4%).
Cependant, selon la Cour, une partie de cette augmentation du CA « masque une hausse des coûts des matières premières » notamment le coût des flans métalliques (+10 M€ entre 2020 et 2025, soit +66,7%). Mais un moteur de croissance réside aussi dans le développement de ses activités de « monnaies courantes étrangères ».
2017 | 2018 | 2019 | 2020 | 2021 | 2022 | 2023 | 2024 | Var 24-17 | Evol 24-17 | |
Monnaies courantes France | 38 | 45,1 | 39 | 36,1 | 36,1 | 36,2 | 39,3 | 45,1 | 7,1 | 18,7% |
Autres activités | 4,4 | 4 | 2,7 | 2,5 | 3,5 | 7,9 | 7,6 | 6,4 | 2 | 45,5% |
Produits d'art | 11 | 12 | 13,6 | 10,9 | 10,5 | 12,7 | 13,1 | 16,7 | 5,7 | 51,8% |
Monnaies de collection | 43,8 | 45,8 | 46,1 | 45,9 | 67,4 | 60,7 | 65,8 | 81,7 | 37,9 | 86,5% |
Monnaies courantes étrangères | 19 | 28,4 | 30,9 | 19,1 | 28 | 30,5 | 34,5 | 41,4 | 22,4 | 117,9% |
Activités culturelles | 1 | 2,2 | 1,8 | 0,6 | 0,8 | 1,4 | 1,7 | 2,6 | 1,6 | 160,0% |
Total | 117,2 | 137,6 | 134,1 | 115,2 | 146,2 | 149,2 | 162,1 | 193,9 | 76,7 | 65,4% |
Source : Cour des comptes, septembre 2025.
Ainsi la progression du CA est d’abord l’effet de l’augmentation des monnaies courantes étrangères (+117,9%) et des monnaies de collection (+86,5%), et à un moindre degré des produits d’art (+5,7 M€ et +45,5%) ou des monnaies courantes françaises (+7,1 M€, +18,7%).
En face, l’évolution des charges d’exploitation sont également très vives, mais moins rapides avec +43,6% entre 2017 et 2024. Les intrants sont le premier poste de coûts avec +41 M€ entre 2017 et 2024 (+83,5%). La masse salariale augmente plus rapidement que les autres achats et charges externes (+14,8% et +14,1% respectivement).
2017 | 2018 | 2019 | 2020 | 2021 | 2022 | 2023 | 2024 | Var 24-17 | Evol 24-17 | |
Achats et stocks de matières premières et approvisionnement | 49,1 | 47,6 | 55,1 | 32 | 66,5 | 61,9 | 88,5 | 90,1 | 41 | 83,5% |
Autres achats et charges externes | 30,4 | 29,1 | 26,6 | 21,9 | 27,4 | 34,1 | 34 | 34,7 | 4,3 | 14,1% |
Salaires, traitements et charges sociales | 31,7 | 31,7 | 30,1 | 30,7 | 32,3 | 32 | 35,4 | 36,4 | 4,7 | 14,8% |
Autres charges d'exploitation | 13,7 | 13,5 | 23 | 21,6 | 23,5 | 29,4 | 24,9 | 30,6 | 16,9 | 123,4% |
Total des charges d'exploitation | 133,6 | 127,3 | 139,7 | 110,7 | 154,7 | 161,9 | 186,7 | 191,8 | 58,2 | 43,6% |
Source : Cour des comptes, septembre 2025.
Les autres charges d’exploitation augmentent de 16,9 M€ soit +123,4% sur la période en lien avec la diversification des activités qui « entraînent des coûts additionnels significatifs ». Notamment les projets « Bullion » (créations de lingotins et autres émissions permettant de constituer des réserves de valeur (or et argents physiques)) et Campus de la Monnaie. Ces développements conduisent au recours croissant à des prestations externes (expertise, avocats, consultants).
Il existe par ailleurs des coûts fixes potentiellement importants liés à la vétusté des sites occupés. Pour le site du Quai de Conti (5000 m² environ), le contrat pluriannuel fixe un objectif minimal d’investissement de 1 M€/an. Cependant le clos couvert est très dégradé, notamment la toiture dont l’étanchéité n’est pas garantie. Il faut également remplacer près de 600 postes et fenêtres. Un plan de travaux de 12 M€ sur 20 ans a été arrêté en octobre 2022.
Du côté de l’usine de Pessac (23.000 m²), les bâtiments ont souffert « d’un sous-investissement (…) et d’un manque d’entretien chroniques ces dernières années. » Un plan de 3000 panneaux photovoltaïques doit être installé sur le toit de l’usine pour couvrir 26,6% de la consommation du site. Ce besoin d’investissement existe également dans le cadre de la modernisation de l’outil de production, avec deux phénomènes en sens contraire s’agissant des 2 sites : une sous-activité à Pessac pour la production de monnaie courante, l’amenant à se développer sur le segment de la production de monnaies courantes métalliques étrangères ; pour Paris, la nécessité de faire évoluer à la hausse les capacités de production en matière de monnaies de collection, les productions d’art et le développement de « métal placement » s’inspirant des expériences réussies d’autres Monnaies (lingots). Avec un rendement attendu de 687 M€ sur 7 ans (+98,1 M€/an).
Pourquoi ne pas privatiser l’institution ou la fusionner avec l’Imprimerie nationale ?
La Monnaie de Paris est la plus ancienne institution française en activité (créée par Charles le Chauve en 864 de notre ère). Elle a été transformée en EPIC en 2007. Si la production de monnaie courante peut apparaître comme un service régalien par essence, il est paradoxalement privatisable ou externalisable comme le prouve certains exemples étrangers.
Ainsi la Monnaie de Finlande (Suomen Rahapaja) a effectivement annoncé la cessation de ses activités à la fin de 2024, suite à la baisse de la demande en pièces et à des complications financières. A partir de 2025, la frappe des euros finlandais (pièces de circulation, commémoratives et de collection) est assurée par la Monnaie Royale des Pays-Bas (Royal Dutch Mint) qui a remporté l’appel d’offre public lancé par le Ministère des finances finlandais. La nouvelle entité constituée sous la marque Helsinki Mint prend ainsi la suite de la Suomen Rahapaja sous pavillon Hollandais[1].
Depuis 2019, la Banque centrale du Danemark avait lancé un appel d’offre pour la production de pièces de monnaie danoises remporté par la Monnaie de Finlande[2], pour un contrat de 4 ans. La fermeture de la Monnaie de Finlande a poussé le Danemark à changer de prestataire[3], et à choisir la Real Casa de Moneda espagnole pour produire les pièces danoises[4].
De son côté, la Monnaie royale britannique (British Royal Mint) a décidé de se replier sur la production de sa seule monnaie nationale[5].
Les principaux concurrents de la Monnaie de Paris actuellement en matière de production de monnaies étrangères sont « situés en Pologne, aux Pays-Bas et au Canada ». La question est donc posée de poursuivre cette activité, de la céder à un tiers – éventuellement privé – y compris avec prise de participation ultra-minoritaire de l’Etat (golden share), ou de l’externaliser auprès d’une Monnaie tiers de confiance après appel d’offre. Une autre solution serait de découper les activités de la Monnaie de Paris, en rapprochant par exemple l’institution de l’Imprimerie nationale, de façon à constituer un organisme unique de production de moyens de paiement physiques et de titres sécurisés, cédant les locaux parisiens, coûteux, anciens, peu commodes pour la production de pièces et de médailles aujourd’hui, et par ailleurs fort courtisés – installation de la Maison des mondes africains un temps caressée par le Président Emmanuel Macron[6] - à d'autres vocations (hôtel de luxe, évènementiel etc.).
[1] https://new.coinsweekly.com/people-and-markets/the-end-of-mint-of-finland/
[2]https://www.nationalbanken.dk/en/news-and-knowledge/press/archive/2020/mint-of-finland-to-continue-producing-danish-coins-from-2021-16-03-2020
[3] https://yle.fi/a/74-20135847
[4] https://www.fnmt.es/transparencia/informacion-economica
[5]https://new.coinsweekly.com/people-and-markets/foreign-coin-production-ends-at-the-royal-mint-the-end-of-an-era-or-another-step-closer-to-a-cashless-economy/
[6] https://www.lemonde.fr/culture/article/2024/04/27/la-maison-des-mondes-africains-lorgne-l-hotel-de-la-monnaie-a-paris_6230293_3246.html