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L’impact de la crise en 2020, premiers éléments de réponse

L’exécution provisoire des comptes publics 2020 publiés par l’INSEE (26 mars 2021) réserve un certain nombre de surprises. Certes la dette publique serait moins élevée qu’anticipé 115,7% du PIB contre près de 119,8% précédemment, et le déficit public moins creusé (-9,2% du PIB) à cause d’une croissance moins mauvaise que prévue (-8,2%). Cependant d’autres chiffres montrent l’extrême fragilité de nos comptes publics : un niveau de dépense jamais atteint à 62,1% du PIB, soit +73,6 milliards d’euros par rapport à 2019, une croissance historique (+5,5%) liée aux mesures exceptionnelles prises pour lutter contre la pandémie (sur les plans sanitaire et économique). Un fléchissement des recettes publiques symétrique (-63,2 milliards d’euros par rapport à 2019) dont des prélèvements obligatoires (-43,9 milliards d’euros). Seule bonne nouvelle, l’existence d’un gisement d’économies unique et en partie exogène (lié à la politique monétaire non conventionnelle de la BCE), sur la charge des intérêts de la dette. Les économies réalisées à ce titre (-5,6 milliards) en 2020 par rapport à 2019 représentent près de 86% des économies réalisées sur ce segment depuis 3 ans (2017) soit -6,5 milliards d’euros.

L’INSEE vient de faire paraître le 26 mars 2020 sa première évaluation des comptes annuels 2020 des administrations publiques. Sous la forme de deux notes distinctes (ici et ici (pour la dette publique au T4)) et d’une correction partielle des comptes 2019 (en attendant la mise à jour de mai 2021). Avec une croissance révisée de crise à -8,2% en 2020 et un déflateur de PIB de 2,15%, celui-ci se replierait en valeur nominale de -6,05% à 2.290,2 milliards d’euros contre 2.437,6 milliards d’euros en 2019. La dette publique atteindrait en première approximation près de 115,7% du PIB soit 2.650,1 milliards d’euros, soit une croissance nominale de 270,6 milliards en un an, et de 18,1 points de PIB en volume, la dette 2019 étant elle-même révisée à la baisse de 0,4 point, passant d’une estimation automnale à 98% à 97,6% du PIB. De son côté le déficit public atteindrait -9,2% du PIB en 2020, à -211,5 milliards d’euros, soit un creusement de -136,8 milliards d’euros par rapport à 2019 ; l’Etat concentrant sur lui les déficits avec un solde de -7,9 points de PIB soit un déficit de -182 milliards d’euros.

Un niveau de dépenses publiques record en 2020, 62,1% du PIB

Les dépenses ventilées par niveau d’APU (administrations publiques) ne sont pas disponibles pour 2020 avant mai prochain. Cependant des montants agrégés et décomposés par fonction sont d’ores-et-déjà publiés ce qui permet de prendre la mesure du volume des dépenses d’urgence et de relance décaissées en 2020.

% du PIB / Mds €

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Dépenses publiques (en % du PIB*)

56,8

56,7

56,5

55,6

55,4

62,1

Dépenses publiques nominales Mds €*

1 248,7

1 266,4

1 298,0

1 314,60

1 349,3

1 422,9

Variation (en %)

1,5

1,4

2,5

1,3

2,6

5,5

Variation (nominal) Mds €

18,7

17,7

31,6

16,6

34,7

73,6

 Sources : INSEE mars 2021. *Y compris crédits d’impôts.

Entre 2019 et 2020 les dépenses publiques ont augmenté de 5,5% soit une variation nominale de 73,6 milliards d’euros et une croissance de +6,7 points de PIB, portées par les dépenses de crise (urgence et relance). L’évolution décomposée (provisoire) est la suivante :

Dépenses des administrations publiques

(décomposition par fonction)

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Var 2020-19 Mds €

Var 2020-19 en %

Var 2020-17 Mds €

Var 2020-17 en %

Dépenses de fonctionnement

403,4

406,7

416,9

421,8

425,6

435,4

9,8

2,3

18,5

4,4

dont consommations intermédiaires

111,4

111,8

115,0

116,8

116,9

119,6

2,7

2,3

4,6

4,0

dont rémunérations des salariés

281,3

284,0

290,9

293,8

297,3

304,1

6,8

2,3

13,2

4,5

Intérêts

43,8

41,1

39,7

40,3

38,8

33,2

-5,6

-14,4

-6,5

-16,5

Prestations sociales

569,2

579,6

589,7

600,4

616,4

665,5

49,1

8,0

75,8

12,9

Autres transferts et subventions

154,9

161,5

172,8

169,2

176,5

198,0

21,5

12,2

25,2

14,6

Acquisition nette d'actifs non financiers

77,3

77,6

78,9

82,8

92,0

90,7

-1,3

-1,4

11,8

15,0

dont investissement

74,9

75,1

76,4

80,4

89,0

86,1

-2,9

-3,3

9,7

12,6

Sources : INSEE mars 2021 (y.c. crédits d’impôts). NB hors crédits d’impôts la dépense augmenterait de 7,1% entre 2019 et 2020.

On observe un freinage entre 2017 et 2018 en sortie de période électorale (+1,3% contre +2,5%). L’année 2019 voit au contraire une remontée très nette des dépenses publiques +2,6% au niveau de celle de l’année électorale de 2017. En 2020 les dépenses s’envolent à cause des dépenses d’urgence liées à la crise au-delà de la dynamique spontanée des dépenses, soit +2,9 points au-delà de la dynamique de l’année précédente.

Tout d’abord comme le relève l’INSEE les dépenses de fonctionnement augmentent de +2,3% en 2020 soit une accélération somme toute modérée par rapport à la dynamique en cours l’année précédente (+1,8% en 2019). Les rémunérations de salariés accélèrent au même rythme que les consommations intermédiaires (+2,3%), se traduisant par +2,7 milliards d’euros pour les secondes, et d’une hausse des rémunérations des agents publics (+6,7 milliards d’euros après +3,4 milliards d’euros en 2019 soit un quasi-doublement) augmentation liée en partie par les augmentations et primes décidées au bénéfice du personnel hospitalier (+3,7 milliards d’euros) et un léger ralentissement pour les autres agents publics (+3 milliards d’euros).  Relevons qu’entre 2017 et 2020 la dynamique des dépenses de personnel est très importante +13,2 milliards d’euros, dont seulement 3,7 milliards imputables à la crise. La dynamique est donc importante indépendamment de la crise, puisque les dépenses de personnel hors dépenses exceptionnelles augmentent de près de 9,5 milliards en 3 ans, soit +3,2 milliards d’euros/an hors crise.

D’après l’INSEE, « les consommations intermédiaires ralentissent (…) sous l’effet d’une nette diminution, des achats des communes, en partie compensée par les dépenses exceptionnelles de l’Etat, de Santé publique France et des hôpitaux dans le contexte de crise sanitaire. » Ce qui témoignerait  d’un ralentissement après +3,4% en 2019 à +2,3% en 2020. En valeur cependant la hausse de 2,7 milliards en 2020 s’inscrit dans une hausse triennale (2017-2020) de seulement +4,6 milliards d’euros… elle en représente tout de même 59%.

Les prestations sociales quant à elles augmentent naturellement très fortement (effet contracyclique) soit +8% en 2020 après +2,7% en 2019, soit +49,1 milliards d’euros (65% des augmentations de prestation depuis 3 ans). Notamment sous l’effet des prestations en espèces +9,7% (contre 3% l’année précédente), notamment via les mesures de chômage partiel (27,4 milliards d’euros). Les transferts sociaux en nature augmentant peu : +2,2% après 1,6% en 2019, ce qui représente un faible effet « crise » sur ces types de dépenses.

Par ailleurs les mesures d’urgence se traduisent par une forte augmentation des transferts et subventions (+12,2% en 2020), alors même que les dépenses de crédit d’impôts baissent sensiblement du fait de la transformation du CICE en baisse de charges. La baisse du CICE jouerait à la baisse pour -18,5 milliards d’euros compensés par les aides versées au fonds de solidarité aux entreprises et indépendants et les mesures de lutte contre l’épidémie (+16,3 milliards), ainsi que des exonérations de cotisations ciblées (7,9 milliards).

Au chapitre des bonnes nouvelles toutefois, les charges d’intérêt de la dette publique sous l’effet des flux de créance représentés notamment par l’effet des primes nettes des décotes et par les taux bas des maturités moyennes et longues auxquelles s’ajoutent la faible inflation, baissent à nouveau : -14,4%, ce qui représente -5,6 milliards d’euros par rapport à 2019, et une accélération sur le plan triennal puisque les charges d’intérêts baissent depuis 2017 de près de -6,5 milliards d’euros. Les économies générées sur charge d’intérêt en 2020 représentent donc 86% de celles réalisées depuis 3 ans.

Des recettes impactées par la crise, 52,9% du PIB et des P.O à 44,7% du PIB

Les recettes publiques sont naturellement impactées par la crise. On assiste à une variation des recettes globales à hauteur de -5%, soit une baisse de 63,2 milliards d’euros en 2020 par rapport à 2019. La contribution des prélèvements obligatoires à ce replis représente -43,9 milliards d’euros (soit -4,1%).

% du PIB / Mds €

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Recettes publiques (en % du PIB)

53,2

53

53,5

53,4

52,3

52,9

Recettes publiques nominales Mds €

1 169,0

1 185,2

1 230,1

1 260,50

1 274,6

1 211,4

Variation (en %)

2,0

1,4

3,8

2,5

1,1

-5,0

Variation (nominal) Mds €

23,0

16,2

44,9

30,4

14,1

-63,2

Prélèvements obligatoires (en % du PIB)

44,5

44,6

45,1

44,7

43,8

44,7

Prélèvements obligatoires Mds €

978,3

996,4

1 036,0

1 056,4

1 067,7

1 023,7

Variation (en %)

1,6

1,9

4,0

2,0

1,1

-4,1

Variation (nominal) Mds €

15,2

18,1

39,6

20,4

11,3

-43,9

Dont au profit de l'UE (en % de PIB)

0,1

0,2

0,2

0,2

0,2

0,2

Sources : INSEE mars 2021 et Assemblée nationale, PLF 2021, commission des finances rapport tome 1, p.173. Note: le niveau des prélèvements obligatoires publié par l'INSEE est différent de celui présenté par Eurostat ou l'OCDE car il est net des crédits d'impôts (donc hors C.I.), et ne tient pas compte des cotisations sociales imputées.

Dans le détail, et sous une présentation différente qui permet une subdivision fine des recettes (et qui ne peut être rapprochée simplement (à cause des retraitements liés à l’UE notamment) du tableau précédent, l’INSEE publie la décomposition suivante :

Recettes

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Var 2020-19 Mds €

Var 2020-19 en %

Var 2020-17 Mds €

Var 2020-17 en %

Ventes et autres recettes

88,3

88,7

91,1

92,5

93,7

88,3

-5,4

-5,8

-2,8

-3,1

Revenus de la propriété

15,4

14,4

15,0

15,3

16,0

12,0

-4

-25,0

-3,0

-20,0

Impôts

625,9

636,1

667,0

700,1

725,5

694,3

-31,2

-4,3

27,3

4,1

dont impôts courants sur le revenu

 et le patrimoine

278,4

280,1

294,5

312,8

318,5

304,4

-14,1

-4,4

9,9

3,4

dont impôts sur les produits

et la production

347,5

356,0

372,5

387,3

407,0

389,9

-17,1

-4,2

17,4

4,7

Cotisations sociales effectives

370,4

375,4

387,2

380,7

363,8

348,8

-15

-4,1

-38,4

-9,9

Impôts et cotisations sociales

susceptibles de ne pas être recouvrés

-6,7

-6,5

-6,8

-6,0

-4,8

-12,6

-7,8

162,5

-5,8

85,6

Autres recettes

63,5

63,5

63,4

65,8

65,0

65,7

0,7

1,1

2,3

3,6

Total des recettes

1 146,0

1 169,0

1 185,2

1 230,1

1 274,60

1 211,40

-63,2

-5,0

26,2

2,2

Sources : INSEE mars 2021 et Assemblée nationale, PLF 2021, commission des finances rapport tome 1, p.173

Les revenus de propriété se contractent de 25,1% soit -4 milliards d’euros, notamment sous l’effet de la chute des dividendes reçus (dont une partie n’est pas distribuée sur demande de la BCE/Banque de France).  Les ventes et autres recettes d’exploitation sont également impactées -5,4 milliards d’euros notamment à la suite de l’effondrement des recettes aériennes (-1 milliard) ; à celles-ci s’ajoutent le fléchissement des recettes tarifaires des collectivités territoriales à cause de la fermeture de certaines installations et services jugés non essentiels (-2,9 milliards d’euros).

Les impôts sur les produits et la production baissent de 17,1 milliards d’euros notamment sous l’effet de l’attrition des recettes de TVA (-12,8 milliards d’euros) du fait du recul de la consommation (ménages et entreprises) ainsi que de la baisse des produits de TICPE (-4,4 milliards d’euros) très impactés par les restrictions de déplacement (confinements, couvre-feu).

Les impôts sur le revenu et le patrimoine baissent de 14,1 milliards d’euros. La CSG fléchit de 2,7 milliards (baisse de la masse salariale, taux réduit sur les revenus de remplacement (chômage partiel)). L’IRPP diminue de 2 milliards d’euros, à cause des ajustements à la baisse du barème (-5 milliards d’euros). L’IS diminue de 3,7 milliards. Les autres impôts courants baissant de 3,7 milliards (liés à la 3ème étape de baisse de la TH pour 80% des ménages).

Les cotisations sociales perçues (et non imputées) baissent de 15 milliards d’euros, sous l’effet de la transformation du CICE en baisse de charges pérennes (-4,3% côté employeur et -3,8% côté salariés). Enfin les impôts et cotisations susceptibles de ne pas être recouvrées atteignent un montant de -12,6 milliards, soit un risque provisionné de créances fiscales et sociales non recouvrables imputables dès 2020 de 7,8 milliards d’euros, dont 7,5 milliards d’euros d’impôts et cotisations au bénéfice de la sécurité sociale.

L’effet ciseaux des dépenses et des recettes sur le solde public : -9,2 % du PIB, -211,5 milliards d’euros

Des dépenses classiques et exceptionnelles en augmentation de +73,6 milliards d’euros, contre des baisses de recettes de -63,2 milliards d’euros dont -43,9 milliards d’euros des prélèvements obligatoires, soit un effet ciseaux de -136,8 milliards d’euros se surajoute à un solde déjà dégradé sous-jacent de -74,7 milliards hérité de l’exécution des comptes nationaux du précédent exercice (2019). Au total le déficit public en 2020 ressort à -211,5 milliards d’euros, soit -9,2% du PIB.

 

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Total dépenses (en % de PIB)

56,8

56,7

56,5

55,6

55,4

62,1

Total dépenses en milliards d'euros

1248,7

1266,4

1298

1314,6

1349,3

1422,9

Total recettes (en % du PIB)

53,2

53

53,5

53,4

52,3

52,9

Total recettes en milliards d'euros

1169

1185,2

1230,1

1260,5

1274,6

1211,4

Solde public (en % du PIB)

-3,6

-3,6

-3,0

-2,3

-3,1

-9,2

Solde public en milliards d'euros

-79,7

-81,3

-68,0

-54,1

-74,7

-211,5

Sources : INSEE mars 2021

Cependant la décomposition du solde par niveaux d’administrations publiques réserve des surprises :

En milliards d'euros

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2020*

2020-2019

S13 - Ensemble des administrations publiques

-79,7

-81,3

-68,0

-54,1

-74,7

-211,5

-211,5

-136,8

S1311 - Administration publique centrale

-75,8

-82,1

-74,5

-68,5

-88,1

-159,0

-159,0

-70,8

S13111 - État

-73,3

-75,9

-70,1

-66,0

-85,7

-182,0

-157,0

-96,3

S13112 - Organismes divers d'administration centrale

-2,5

-6,2

-4,4

-2,6

-2,4

23,1

-1,9

25,5

S1313 - Administrations publiques locales

-0,1

3,0

1,6

2,7

-1,1

-4,2

-4,2

-3,1

S1314 - Administrations de sécurité sociale

-3,8

-2,2

4,9

11,7

14,5

-48,3

-48,3

-62,8

 

 

 

 

 

 

 

  

En % du produit intérieur brut

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2020*

2020-2019

S13 - Ensemble des administrations publiques

-3,6

-3,6

-3,0

-2,3

-3,1

-9,2

-9,2

-6,1

S1311 - Administration publique centrale

-3,4

-3,7

-3,2

-2,9

-3,6

-6,9

-6,9

-3,3

S13111 - État

-3,3

-3,4

-3,1

-2,8

-3,5

-7,9

-6,9

-4,4

S13112 - Organismes divers d'administration centrale

-0,1

-0,3

-0,2

-0,1

-0,1

1,0

-0,1

1,1

S1313 - Administrations publiques locales

 

0,1

0,1

0,1

 

-0,2

-0,2

-0,2

S1314 - Administrations de sécurité sociale

-0,2

-0,1

0,2

0,5

0,6

-2,1

-2,1

-2,7

Sources : INSEE mars 2021 ; Note : *la reprise de la dette de la SNCF aboutit à dégrader le solde de l’Etat et à améliorer fictivement le solde des ODAC. Nous avons reconstitué le solde réel de ces deux sous-ensembles hors transferts.

Le déficit public de 211,5 milliards d’euros est d’abord constitué par le déficit de l’Etat qui atteindrait -182 milliards d’euros. Celui-ci se dégraderait de -96,3 milliards d’euros par rapport à 2019. Ce déficit de l’Etat est aggravé par la reprise de la dette de SNCF Réseau (dans le cadre du sauvetage financier de la SNCF lancé en 2019). Le déficit de l’Etat hors reprise de ces 25 milliards de dette serait de -71,3 milliards d’euros. Symétriquement le solde des ODAC qui affiche un solde excédentaire de 23,1 milliards d’euros (à cause de la reprise de la dette de la SNCF comptabilisée comme une recette de transfert en capital). Au contraire si on « neutralise » cette opération, le solde des ODAC serait en déficit de -1,9 milliard d’euros, ce qui cache donc un déficit en résorption mais toujours persistant (-2,4 milliards d’euros en 2019).

S’agissant des administrations publiques locales : leur solde affiche un déficit de -4,2 milliards en dégradation par rapport à 2019 de 3,1 milliards d’euros. En réalité les comptes des collectivités territoriales stricto sensu sont à l’équilibre. En revanche, se sont les ODAL (organismes divers d’administrations locales : CCAS, EHPAD, hôpitaux locaux, etc.), donc les satellites des collectivités qui ont été fortement impactés par la crise, avec un déficit de 4,2 milliards d’euros qui porte l’intégralité du déficit des APUL.

Enfin s’agissant des administrations de sécurité sociales (ASSO), leurs comptes se dégradent de -62,8 milliards d’euros, en passant d’un excédent technique (lié au compte excédentaire de la CADES) de +14,5 milliards d’euros à un déficit en 2020 de -48,3 milliards d’euros.

L’explosion de la dette publique à 115,7% du PIB soit 2.650,1 milliards d’euros

La crise et le creusement du déficit implique une augmentation mécanique de la dette publique de 270,6 milliards d’euros. Elle atteint désormais 2.650,1 milliards d’euros, soit 115,7% du PIB, un niveau moindre qu’anticipé dans le cadre de la loi de finances 2021 (où l’on tablait sur un niveau de 119,8% du PIB. En réalité la croissance a été moins enfoncée que prévu (-8,2% contre un prévisionnel de -11% du PIB[1]), aboutissant à un solde moins enfoncé (-9,2% contre -11,3%). En conséquence la dette est « moins importante » que prévu.

 

2019T4

2020T4

Var.2019-20

Ensemble des administrations publiques Mds €

2 379,5

2 650,1

270,6

dont     Etat

1 910,9

2 088,2

177,3

           Organismes divers d'adm. centrale

64,9

63,6

-1,4

           Administrations publiques locales

210,5

230,0

19,5

           Administrations de sécurité sociale

193,2

268,4

75,2

Ensemble des administrations publiques % PIB

97,6%

115,7%

18,10

dont     Etat

78,4%

91,2%

12,79

           Organismes divers d'adm. centrale

2,7%

2,8%

0,11

           Administrations publiques locales

8,6%

10,0%

1,41

           Administrations de sécurité sociale

7,9%

11,7%

3,79

Sources : INSEE mars 2021 

La dette publique augmente de 18,1% du PIB entre 2019 et 2020. Il se décompose en un effet volume (accroissement strict de la dette) de 11,1 pts de PIB soit strictement 270,6 milliards d’euros, et d’un effet PIB (effondrement du PIB) aboutissant mécaniquement à une augmentation de la dette de 7 points de PIB.

Comme on l’a vu plus haut, alors que la dette de l’Etat se creuse de 177,3 milliards d’euros à 2.088,2 milliards, celle-ci augmente spontanément en réalité de 152,3 milliards d’euros, auxquels se rajoutent la reprise de dette de SNCF Réseau (cf supra). Cette reprise de dette ne fait que juguler l’augmentation de la dette portée par les ODAC qui ne se replie que de -1,4 milliards d’euros à 63,6 milliards (-0,8 milliard lié à la SNCF Réseau et -0,4 milliard lié à la caisse de la dette publique). Les administrations publiques locales augmentent à nouveau leur endettement de 19,5 milliards d’euros à 230 milliards. Ce dynamisme est lié à l’endettement de la Société du Grand Paris (+11 milliards), à IDF mobilités (+1,5 milliard), mais aussi à la progression de l’endettement des communes et des régions (financement par endettement à cause de leur fort désendettement passé), soit +2,5 milliards d’euros pour les communes et +2,9 milliards d’euros pour les régions.

Enfin les administrations de sécurité sociale voient leur dette augmenter de 75,2 milliards d’euros à 268,4 milliards d’euros. Pour mémoire leur déficit propre y participe à hauteur de 48,3 milliards d’euros.

Conclusion

Les premiers chiffres qui remontent grâce à l’INSEE de l’exécution des comptes publics 2020 sont moins sombres qu’anticipé dans le cadre de la loi de finances 2021 et du PLFR IV 2020. La croissance est moins enfoncée (-8,2% contre -11%) et les soldes et la dette publique le montrent à l’avenant. Il s’agit de bonnes nouvelles qui montrent une certaine résilience de l’économie et des finances publiques françaises. Si la croissance anticipée par le gouvernement et renouvelée à 6%[2] en 2021, l’atteinte des 120% du PIB en 2021 serait crédible, mais ralentirait le pic de dette que d’aucuns voient arriver à compter de 2025-2026[3].

Cependant le déficit public s’est creusé de façon considérable à près de 211,5 milliards d’euros (-9,2% du PIB). La crise vient impacter un déficit déjà dégradé en 2019 à hauteur de 74, 7 milliards d’euros (-3,1% du PIB). La dette elle-même passe de 97,6 à 115,7% du PIB. La question qui est devant nous est la suivante : doit-on prioritairement baisser le déficit public ou amortir la dette ? Cette alternative ne peut se régler en faveur de sa seconde option nous dit le HCFiPS[4] (Haut Conseil au financement de la protection sociale) que dans la mesure où les taux d’intérêts resteraient bas sur longue période, permettant un refinancement aisé de la dette et aux pouvoirs publics de se focaliser sur la baisse rapide du déficit. Il en est de même plus largement de l’endettement public dans son ensemble. Si au contraire l’environnement baissier actuel devait ne pas durer[5], il faudrait agir sur les deux leviers, le déficit et la dette… ce qui nécessiterait des réformes structurelles d’importance… à acter rapidement pour des effets après 2022.


[1] On fera grâce au lecteur de la révision du déflateur de PIB de 1,8% à 2,15%. Voir par exemple notre dossier consacré au PLF 2021, https://www.ifrap.org/sites/default/files/publications/fichiers/etude_ifrap_finances_publiques_2021.pdf

[2] Voir par exemple mars 2021, https://www.lefigaro.fr/conjoncture/le-gouvernement-maintient-sa-prevision-de-croissance-de-6-pour-2021-20210319

[3] Pour les premières modélisations voir le rapport européen Debt Sustainability Monitor 2020, février 2021, même si la modélisation européenne s’effectue à politique constante et ne prend pas en compte les dernières statistiques disponibles depuis mars… https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/economy-finance/ip143_en.pdf#page=94

[4] Consulter sa dernière note d’étape sur le financement des dépenses sociales, 23 mars 2021, https://www.securite-sociale.fr/files/live/sites/SSFR/files/medias/HCFIPS/2021/HCFIPS-2021-Note%20d'%c3%a9tape%20sur%20les%20finances%20sociales%20apr%c3%a8s%20la%20crise.pdf

[5] Par exemple via l’impossibilité de lancer rapidement le plan de relance européen conjointement aux programmes de rachats de la BCE, si par hypothèse la Cour fédérale constitutionnelle de Karlsruhe venait à se prononcer contre la ratification de ses ressources par le Bundestag Allemand, https://www.lesechos.fr/monde/europe/coup-de-frein-de-la-cour-de-karlsruhe-au-plan-de-relance-europeen-1302010