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Le report très politique de la loi de programmation des finances publiques

La note du Macronomètre de cette semaine : 3/10 sur le report de la loi de programmation des finances publiques

Le Premier ministre vient d’annoncer le report de la présentation du projet de loi rectificative de programmation des finances publiques « au printemps 2020 ». Cette mesure est inédite car traditionnellement le projet de loi de programmation intervient en automne. Elle est d’autant plus frappante qu’à la suite des mesures « gilets jaunes », cette loi de programmation a été demandée par de nombreux parlementaires.

La loi de programmation des finances publiques permet une prévision de trajectoire des finances publiques (dépenses/recettes/solde/dette) sur une base pluriannuelle qui atteint généralement cinq ans, et surtout, d’actualiser la précédente trajectoire. On peut alors vérifier les écarts intervenus entre la prévision et l’exécution. Alors, pourquoi repousser la présentation de la loi de programmation ?

Deux faux prétextes

Premier prétexte : il faudrait attendre que les grands arbitrages sur la réforme des retraites soient rendus (et sans doute renégociés de façon substantielle d’ici l’été 2020), ce qui pourrait modifier l’impact « budgétaire » de la réforme, y compris s’agissant des mesures de « convergence » préalables. Mais cela ne colle pas avec la position gouvernementale qui veut que la réforme commence… en 2025. À moins qu’une mesure de report de l’âge intervienne avant ?

Second prétexte : les effets du Brexit et la mise en cohérence avec les éléments qui seront communiqués par la France au printemps à la Commission européenne dans le cadre du semestre budgétaire européen via le programme de stabilité.

Et si ce report était plus politique ?

Ce report met « out » les critiques potentielles du Haut conseil des finances publiques et celles des parlementaires, repoussant tout débat à après les municipales.

En repoussant la publication de la loi de programmation des finances publiques à après janvier 2020, le gouvernement interdit au Haut conseil aux finances publiques d’effectuer une analyse actualisée de la situation par rapport à la loi de programmation 2018-2022. On sait d’ores et déjà que le déficit structurel sera maintenu au même niveau, soit 2,2% pour la deuxième année consécutive, et qu’un écart important a de fortes chances d’être soulevé. Il est d’ailleurs prévisible que le déficit effectif et le déficit structurel soient alignés pour 2020 à -2,2%.

Et quid du débat au Parlement sur la maîtrise des comptes publics ? En repoussant le dépôt du futur projet de loi de programmation, le gouvernement évite de braquer les projecteurs sur un manque éventuel de réformes structurelles et sur le fait que, hors service de la dette publique, la baisse des dépenses reste encore trop timide. Enfin, lors de l’examen de la loi de Finances 2020, l’absence de la loi de programmation évite de présenter une hypothèse de croissance trop conservatrice pour les années à venir, alors que des révisions substantielles interviendront sans doute début 2020. La construction du projet de loi de finances risque donc d’être un peu trop optimiste. À rebours en tout cas des députés de la majorité qui viennent de demander un débat annuel sur la programmation des dépenses de l’État sur trois ans, pour chaque politique publique, afin d’éviter les biais de construction. On n’en prend pas le chemin.