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Le budget de tous les dangers

Nous voici face au budget et à l'année de tous les dangers. La France continue d'additionner les handicaps et cela commence à se voir. Les façades du village Potemkine se fissurent. Dépenses publiques maximum, taux de prélèvements obligatoires à plus de 45 % en 2022, déficit commercial record à plus de 150 milliards et spectre de récession ou d'une croissance zéro.

Cette tribune a été publiée dans les pages des Echos, le lundi 3 octobre.

Déjà, les taux sur la dette à 10 ans s'approchent des 3 %… La charge de la dette est devenue le deuxième budget de l'Etat, juste derrière l'Education. Est-ce que la charge de la dette va devenir le premier budget de l'Etat en 2023, voire en 2024 ? Cela se rapproche.

Faudra-t-il attendre que cela soit le cas pour que nous nous réveillions ? C'est malheureusement à craindre. On tergiverse encore sur le sujet du report de l'âge de départ à la retraite alors que cela devrait déjà être voté pour rassurer dare-dare sur la crédibilité de la signature de la France.

Les recettes fiscales supplémentaires sont mal utilisées

En 2023, le besoin de financement de l'ensemble de nos administrations publiques va encore dépasser largement les 300 milliards d'euros alors que le déficit de l'Etat ne se résorbe pas. Certains minimisent l'enjeu en soulignant que, même si la charge de la dette augmente sous les effets de l'inflation et de la remontée des taux, il y a aussi des recettes publiques supplémentaires grâce à l'inflation (la recette de TVA va dépasser les 200 milliards en 2022).

Mais les recettes fiscales supplémentaires n'ont pas été utilisées pour amortir plus rapidement la dette publique. Au contraire, la cigale France a tout consommé en dépenses nouvelles et va continuer en 2023, l'endettement public servant à payer les intérêts de la dette elle-même.

La charge budgétaire de la dette de l'Etat affichée pour 2022 à 51,4 milliards est probablement sous-évaluée et celle de 2023 à 51,7 milliards d'euros, encore plus. Déjà, on a pu observer en 2022 un dérapage de 12 milliards d'intérêts (39,5 milliards de coût de la dette étaient inscrits en loi de finances initiale). Ce dérapage est, pour presque 10 milliards, imputable aux 10 % d'obligations indexées sur l'inflation. Cerise sur le gâteau : les deux tiers de la dette indexée sur l'inflation le sont sur l'inflation en zone euro, plus élevée, ce qui nous coûte encore plus cher.

Nous avons mangé notre pain blanc

Après avoir bénéficié des années de faible inflation tant sur le niveau de dette totale que sur les charges d'intérêts (presque 2,5 milliards de baisse de charge de la dette grâce aux OAT indexées en 2020), la mécanique s'est inversée. Dorénavant, la dette indexée nous coûte. Les « économies » sont derrière nous et nous nous dirigeons vers la zone rouge.

Sans argent, sans énergie, nous avons mangé notre pain blanc en répétant à l'envi que c'était le moment de nous endetter collectivement, y compris à taux variable pour diversifier les types de prêteurs, sans jamais prévoir la suite de l'histoire. Si l'inflation se maintient dans les prochaines années, la charge imputable à la dette indexée pourrait nous coûter 30 milliards de plus sur le quinquennat.

Notre dette pourrait basculer de soutenable à insoutenable et les taux s'envoler. Personne ne le dit tout haut mais tout le monde le craint tout bas : une attaque des marchés sur notre dette nous ferait très très mal. Avec une cohorte de conséquences néfastes : engagements financiers intenables, difficultés à payer les salaires des fonctionnaires et chute générale de la valeur de l'épargne des Français. Il est plus que temps de se réveiller avec un vrai plan de réformes.