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La scandaleuse proposition de l'annulation de la dette

Les tribunes fleurissent de dépensiers ataviques et anxieux de faire passer l'idée qu'il ne faudrait pas rembourser la dette voire (encore mieux !) tout simplement l'annuler. En tout cas pour la part détenue par la Banque centrale européenne (BCE), soit pour la France environ 600 milliards d'euros. Ils chérissent cette idée qui éviterait d'ouvrir la boîte de Pandore de la dépense publique et de l'évaluation de l'efficience de nos services publics. Cette proposition est tout simplement scandaleuse et mensongère. Voilà pourquoi.

Cette tribune a été publiée dans les pages des Echos, le lundi 15 février. A voir, en cliquant ici.

Comme l'a souligné Christine Lagarde, toute annulation ou réforme assimilée est inenvisageable puisqu'interdites par les traités européens : d'après les articles 123 et 124 du traité de fonctionnement de l'Union européenne, le financement de la dette publique des Etats de la zone euro doit s'effectuer auprès des institutions financières privées, soit de gré à gré, soit sur les marchés ou par l'intermédiaire de banques publiques.

Par ailleurs, l'opération serait inutile puisque le rachat de la dette publique par la BCE « neutralise » le coût de cette même dette pour l'Etat hors refinancement : les charges d'intérêts étant compensées par les dividendes et l'IS versés à l'Etat par sa propre banque centrale nationale.

Enfin, toute annulation aboutirait à supprimer l'autonomie de la banque centrale. Elle serait alors intégrée au sein des administrations publiques et la dette annulée serait recréée au niveau de la banque centrale vis-à-vis des banques commerciales et ajoutée au sein de la dette publique. Pour la financer, l'Etat devrait tout simplement augmenter les impôts des Français.

Les mêmes qui proposent l'annulation de la dette sont par ailleurs ceux qui proposent aussi sempiternellement d'augmenter les impôts. Sauf que… la France est à plus de 46 % de taux de prélèvements obligatoires par rapport au PIB, la championne d'Europe des impôts et des taxes !

Cette proposition vise à nous entraîner dans un déni du problème de la dette et à nous faire oublier que nous aurons besoin d'emprunter plus de 260 milliards d'euros rien que pour l'Etat en 2021 nets des rachats anticipés et sans doute 290 milliards d'emprunts bruts. Et que plus de 178 milliards d'euros de dettes anciennes devront être refinancés en 2023… Qui peut croire que, tous les ans, la BCE va racheter toutes les dettes de la France ? Cela n'a aucun sens ! Ce serait mensonger de faire croire cela aux Français. Le bilan de la BCE ne peut pas croître à l'infini sans mettre notre monnaie dans un grave péril.

De surcroît, réclamer l'annulation de la dette occulte le sujet des taux. Les prêteurs ne sont pas des idiots. Toute demande d'annulation crédible augmentera inévitablement nos taux d'intérêt obligataires. Ceux-là mêmes qui nous prêtent aujourd'hui à moyen long terme à taux négatif intégreraient immédiatement une prime de risque… rendant dès lors plus difficile le paiement des pensions, des salaires publics et des hôpitaux…

Ceux qui réclament cette annulation sont aussi parfois ceux qui assènent que cela ne coûte pas cher de s'endetter et que même cela rapporte ! On peut légitimement craindre un retour aussi soudain qu'inévitable de l'inflation après ces injections massives de liquidités dans la zone euro, obligeant la BCE à redresser ses taux. Ne mettons pas la tête dans le sable et plutôt que de nous laisser bercer par des annulations chimériques, anticipons les réformes structurelles qui nous permettront de reprendre notre destin en main. N'en déplaise aux dépensiers.