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La France, lanterne rouge de la zone euro en déficit public l'an prochain ?

Les finances publiques de la France rentrent clairement dans une zone de turbulence. Les taux à 10 ans sur la dette sont en train de retrouver leur niveau de 2011… 2011, année qui avait été marquée par la crise des dettes souveraines. 

Plus de 3,5% sur la dette à 10 ans déjà en ce moment et cela va continuer de monter alors que le gouvernement table sur le fait que les taux ne vont pas dépasser les 3,6% d’ici 2027… Déni ou stratégie de l’autruche ? On pourrait se demander ce qui se passe au ministère des Finances : même si les ministres de la rue de Bercy ont compris que la charge de la dette allait devenir un des sujets majeurs des prochaines années, ils semblent étrangement démunis face au tsunami qui nous arrive dessus. 

L’agence France Trésor a, certes, très bien géré le coût de la dette publique ces dernières années avec toute la technicité qu’on lui connaît, mais elle est arrivée au bout de ce qu’elle peut faire. Les années qui viennent vont voir la France rentrer dans une spirale dans laquelle nous aurons des niveaux de dette arrivant à échéance qu’il faudra refinancer, de plus de 200 milliards par an en 2025 et 2026… 

Selon les estimations de la Fondation IFRAP, alors que la part de coût de la dette dans le déficit de l’État en représentait 13% en 2019, elle pèserait plus de 50% en 2027 avec plus de 80 milliards de coût annuel en comptabilité budgétaire en 2027 ; et cela si les taux à 10 ans ne montent pas au-dessus de 4,5%, ce qui n’est plus improbable du tout ! 

Quelques prises de paroles, notamment de Bruno Le Maire, montrent qu’à Bercy, les ministres savent que les piètres économies qu’ils avancent dans la loi de Finances 2024 n’en sont pas pour la plupart (fin des dispositifs exceptionnels, suppressions de niches fiscales…) et qu’il va falloir revoir de fond en comble les missions publiques… Mais où est l’agenda de cette réorganisation ? Nulle part ! 

Pire, on a l’impression que la seule manière qu’a trouvée Bercy pour camoufler le fait que le déficit et la dette ne baissent pas par rapport au PIB est de surévaluer la croissance à 1,4% au lieu de 0,8% qui est le consensus des économistes. Cela permet, vis-à-vis de Bruxelles, d’afficher une dette stable à 109,7% du PIB alors que, si l’on applique 0,8% de croissance, la dette repart à la hausse.  

Côté déficit, ce n’est pas mieux puisque le déficit ne baissera pas si on est à 0,8% de croissance comme attendu et qu’on resterait à -4,9% en 2024. Cela ferait de la France, si on prend les prévisions 2024 Eurostat, la lanterne rouge de la zone euro avec le niveau de déficit le pire de la zone. Clairement, on peut avoir un énorme doute sur la capacité de la France à passer en dessous de 3% de déficit public d’ici 2027 alors que c’est ce qu’affiche le Gouvernement pour essayer d’éviter d’être en procédure pour déficit excessif … 

En effet, les dérogations au pacte de stabilité et de croissance, qui ont permis aux États de s’écarter des exigences budgétaires normalement applicables, dans le contexte de la pandémie de COVID-19 puis de la crise énergétique, vont cesser à la fin de 2023. Dès l’année prochaine, la France va devoir rendre des comptes à la Commission européenne sur l’état alarmant de ses finances publiques. 

C’est d’ailleurs ce qu’a souligné le Haut Conseil des Finances Publiques, qui a jugé la prévision de croissance du Gouvernement « un peu trop optimiste ». Dommage, le Haut Conseil n’a pas demandé au gouvernement de recalculer sa trajectoire en baissant sa perspective de croissance pour la rendre plus crédible… Cela aurait permis de faire très nettement apparaitre à quel point nos finances publiques jusqu’en 2027 seront fragiles.

Le trompe-l’œil ne pourra pas tenir longtemps côté dépenses publiques mais aussi côté recettes. D’où le second réflexe pavlovien bien connu : l’augmentation des prélèvements obligatoires. Avec des propositions caricaturales : rapport Guedj, rapport Mattei, qui proposent de taxer plus à l’IFI ou d’augmenter la fiscalité sur l’assurance vie, la taxation des transmissions d’entreprises ou de supprimer les allégements de charges entre 2,5 et 3,5 SMIC.

Tout en affichant un objectif de stabilité fiscale, on voit bien que la chasse aux recettes fiscales supplémentaires est ouverte et que le Gouvernement y a succombé en annonçant des « économies » qui sont pour la plupart des suppressions ou de rabotages de niches fiscales (Pinel, PTZ, …), voire des taxes exceptionnelles (autoroutes…).

Cette fuite en avant fiscale est particulièrement choquante lorsqu’elle frappe les entreprises qui ont choisi de développer en France, sur le très long terme, des infrastructures. Malheureusement, la hausse des taxes par exemple sur les « surprofits » des autoroutes alors que l’État s’était engagé à ne pas le faire sous conditions d’investissements, aboutira inévitablement une hausse des tarifs des péages… et une multitude de contentieux, les contrats passés prévoyant la stabilité de l’environnement fiscal.

Il est à craindre que cette chasse aux recettes ne fasse que commencer et que le taux de prélèvements obligatoires anticipé pour les prochaines années ne soit pas totalement sincère.  La boule de neige de la dette pourrait encore bousculer à la fois nos finances publiques et la potentielle réindustrialisation de la France qui a besoin de baisse de la pression fiscale sur les entreprises et les investisseurs et non de hausse ne serait-ce que pour baisser leur dépendance aux financements bancaires. 

L’urgence devrait donc être, maintenant avec une charge de la dette publique anticipée par le Gouvernement à 84 milliards d’euros en 2027 (sans doute minorée) de parvenir à l’équilibre primaire le plus vite possible.

Il s’agirait alors d’un signe fort matérialisant notre détermination à assainir nos finances publiques et à nous désendetter en baissant vraiment le déficit public. Puisque pour y parvenir le levier des recettes publiques ne peut être actionné sans détruire notre compétitivité, il reste celui des économies. Au trompe l’œil, il conviendrait de préférer l’action…