Actualité

Investissements étrangers : plus de projets en France mais moins d'emplois

Investissements étrangers : la France reste le pays le plus attractif d’Europe titrait le quotidien Le Monde, Investissements étrangers : la France creuse l'écart avec le Royaume-Uni et l'Allemagne, renchérissait La Tribune. La publication du baromètre annuel de l’attractivité de la France par le cabinet EY est toujours l’occasion de se pencher sur les atouts de la France pour attirer des investissements étrangers, mais aussi ses faiblesses.

Les enseignements sont nombreux : plus d’implantations qu’en Allemagne ou au Royaume-Uni mais moins d’emplois créés par projet. En 2021, on compte 44 751 emplois créés en France par les investissements étrangers soit 38 emplois en moyenne par implantation contre 45 en Allemagne ou 68 au Royaume-Uni. Des relocalisations industrielles nombreuses mais qui pourraient être plus importantes encore si la pression fiscale (IS, impôts de production) et sociale (cotisations employeurs) était moins élevée. Enfin, des mises en garde : l’attractivité de la France repose aussi sur le prix de l’énergie, meilleur marché pour les entreprises grâce au nucléaire, une chance à ne pas gâcher.

La France compte déjà 20 000 investisseurs étrangers présents qui emploient 2,3 millions de personnes et représentent 20% du chiffre d’affaires de l’économie, plus de 14 % de l’investissement des entreprises et près du tiers des exportations. Cette question est donc cruciale surtout après la période de crise économique que nous avons connu en 2020. Assez logiquement, les investissements étrangers rebondissent en 2021 avec le sursaut économique suite à la crise du Covid. C’est vrai en Europe avec 5 877 implantations et extensions annoncées dans 44 pays, sans toutefois revenir au niveau d’avant crise.

Les 10 principaux pays d’accueil des IDE en 2021

Source : EY european investment monitor 2022

C’est tout particulièrement vrai pour la France avec 1 222 implantations ou extensions annoncées en 2021 (+24% par rapport à 2020). Le Royaume-Uni et l’Allemagne se maintiennent en deuxième et troisième position avec, respectivement, 993 et 841 projets. Au Royaume-Uni, le nombre de projets a augmenté de seulement 2 % en raison du Brexit et des pénuries de main d’œuvre. Néanmoins le pays conserve tout son attrait dans les secteurs technologiques, financiers et pour l’implantation de sièges sociaux.

En Allemagne, le nombre de projets a diminué de 10% en raison selon EY de la difficulté pour les investisseurs étrangers de pénétrer les chaînes industrielles du pays. Enfin, point intéressant à noter, les pays du Sud tirent profit du mouvement de relocalisation des chaînes de production et d’approvisionnement suite à la crise Covid, comme l'illustrent les très bons résultats de l’Espagne, du Portugal, de la Turquie, mais aussi de l’Italie.

Ce phénomène touche aussi la France : la réorganisation des chaînes logistiques explique la forte progression des projets industriels et logistiques en France (+18 % par rapport à 2020 et +37 % par rapport à leur niveau de 2019). Les entreprises veulent se protéger des aléas de l’approvisionnement mais aussi profiter du développement du e-commerce qui rend nécessaire la construction de nouveaux centres logistiques (655 en 2021 dans 34 pays différents, dont 10 % réalisés par le seul Amazon).

Sur les investissements dans des centres de décision et la R&D, notamment dans la santé, l’électronique ou la mobilité, ils progressent mais la concurrence reste rude avec les autres pays d’Europe et notamment d’Europe du Nord. En revanche, tous les pays européens subissent une diminution des implantations tertiaires : back-offices administratifs, centres de relation client, etc. Une évolution qui s’explique selon EY par le développement du travail à distance et la digitalisation des services.

Top 10 des secteurs en nombre d’IDE en France entre 2019 et 2021

Les entreprises US ne représentent plus que 19% des investissements contre 32% en 2012. Les investissements européens progressent pour représenter 60% des investissements directs étrangers (IDE), avec en tête l’Allemagne. Les investisseurs chinois et indiens privilégient en Europe : l’Allemagne avec 14% des IDE, le Royaume-Uni avec 10% des IDE et moins la France qui ne représentent que 4% de leurs IDE.

Si la France est en tête en nombre de projets accueillis, les projets sont moins générateurs d’emplois. En 2021, on compte 44 751 emplois créés en France par les investissements étrangers : cela représente 38 emplois en moyenne par implantation contre 45 en Allemagne ou 68 au Royaume-Uni. Même si le nombre d’emplois créés augmente fortement par rapport à 2020, le Royaume-Uni et l'Allemagne parviennent à créer plus d’emplois par implantation.

Une des explications tient peut-être au fait que 69 % des projets d’implantation en France sont des extensions de sites existants contre 23 % outre-Manche et 19 % outre-Rhin. EY en conclue que la France fidélise les entreprises mais a plus de difficultés à attirer de nouveaux projets. Dans l’enquête qualitative menée par le cabinet, les dirigeants d’entreprises non implantées en France ont une perception plus négative de l’attractivité du pays : 31 % d’entre eux pensent que l’attractivité de la France va se détériorer au cours des trois prochaines années, contre 4 % de ceux qui y sont déjà présents.

Ces défauts sont en partie compensés par le fait que toutes les régions françaises profitent de ces investissements, même si l’Île-de-France conserve la tête, devant l'Auvergne-Rhône-Alpes et le Grand Est. Et l’étude relève que près d’un projet industriel sur deux a été localisé dans un territoire de moins de 50 000 habitants. Les implantations ou extensions dans ces territoires sont des projets industriels dans 72 % des cas.

Qu’est ce qui explique les bons résultats français ?

Pour EY, l’impact de la crise sanitaire y avait été plus marqué qu’ailleurs en Europe, le rebond est logiquement plus fort et les nombreuses réformes (fiscalité, marché du travail, simplification, etc.) continuent de produire leurs effets. La France bénéficierait d'un mouvement de « rattrapage » après une première décennie 2000 marquée par de mauvaises performances.

Si les dirigeants interrogés estiment que la France est désormais une destination plus attractive, ils pointent la pression fiscale comme un des motifs de préoccupation majeure concernant leur implantation. Cette préoccupation grimpe chez les PME et ETI qui sont moitié moins nombreuses que les grandes entreprises à considérer la fiscalité française comme attractive. Les décideurs interrogés citent le crédit d’impôt recherche et développement (CIR)et le crédit d’impôt innovation (CII) comme des facteurs essentiels d’implantation d’activités à haute valeur ajoutée.

Enfin, le poids des impôts de production (CVAE, CFE, etc.) est beaucoup plus lourd en France que dans la plupart des pays européens. Ils représentaient en effet 4,4 % du PIB en 2020 contre 1,1 % au Royaume-Uni et 0,7 % en Allemagne. En dépit de la récente baisse de 10 milliards d’euros des impôts sur les facteurs de production, l’écart reste de 35 milliards d’euros par rapport à la moyenne de l’UE 27 et de 64 milliards d’euros par rapport à l’Allemagne.

Le coût du travail suscite moins d’attention que les années précédentes, passant de la cinquième à la neuvième place entre 2020 et 2021 dans le classement des priorités citées pour la France grâce aux réformes menées ces dernières années. En revanche, la recherche de compétences et de qualification est un sujet de préoccupation qui dépasse la quête de gains de compétitivité-coût, même si 1 investisseur sur 5 interrogé estime que la baisse des cotisations patronales doit être poursuivie.

Le bénéfice des réformes est donc là et les investisseurs qui envisagent d’investir ou d’étendre leurs opérations en France en 2022 sont plus nombreux qu’en 2021. Un optimisme qu’il faut malgré tout tempérer par le conflit en Ukraine.

Relocation, réindustrialisation

La crise de 2019-2020 a conduit à un ample mouvement de relocalisations qui se multiplient, tout particulièrement dans le secteur industriel. EY rappelle que le cabinet Trendeo qui recense les implantations d’usine, les évalue à 87 en 2021 contre 30 en 2020. Un mouvement soutenu par le programme France Relance. Un mouvement qui pourrait s’essouffler en 2022 du fait des incertitudes économiques.

Les extensions industrielles portées par les entreprises à capitaux étrangers ont rebondi de 41 % pour atteindre 482 projets industriels étrangers ont fait le choix de la France en 2021. La France conserve la tête du classement européen des investissements manufacturiers étrangers devant la Turquie (230 projets), le Royaume-Uni (145 projets) et l’Allemagne (106 projets).

Les atouts mis en avant dans le choix de ces localisations industrielles sont la présence d’une main d’œuvre qualifiée et par la disponibilité de l’énergie décarbonée, issue notamment du nucléaire qui permettent aux entreprises de bénéficier de prix de l’électricité plus compétitifs que chez nos principaux concurrents européens, en particulier le Royaume-Uni.

Au titre des handicaps à la localisation de projets industriels, les décideurs interrogés soulignent le coût et la disponibilité des terrains industriels, citée par 42 % des répondants, et la qualité des infrastructures d’éducation (31 %). Vient ensuite le faible taux d’automatisation et de robotisation. La France se classe en effet au 16e rang mondial des pays les plus automatisés, avec 194 robots pour 10 000 employés. En Europe, si elle fait plus ou moins jeu égal avec l’Espagne (203 unités), l’Autriche (205) et les Pays-Bas (205), elle est en revanche dépassée par l’Italie (224), le Danemark (246), la Suède (289) et l’Allemagne (371). Les trois pays les plus robotisés au monde sont la Corée du Sud (932 unités), Singapour (605) et le Japon (390).

Dernier point abordé par l’étude, la place de la France en matière de high-tech : en accueillant 133 centres de R&D en 2021 (soit 18 de plus qu’en 2020), la France affirme son rôle central dans l’économie européenne de l’innovation. En revanche, la France est toujours boudée par les centres de décisions, la France n’a attiré « que » 93 sièges, moins que les britanniques malgré le Brexit.

Quelles seront les métropoles européennes les plus attractives au cours des 3 prochaines années ?

Source : enquête auprès de 501 dirigeants internationaux (printemps 2022)

Le recensement des implantations internationales en France et en Europe

Depuis 1997, l’EY European Investment Monitor (EIM) recense le nombre de projets d’investisseurs étrangers dans une quarantaine de pays européens.

Le recensement prend en compte les annonces publiques et fermes d’investissements porteurs de créations d’emplois et les vérifie.

Ces flux d’implantation et d’extension se situent dans une très grande variété de secteurs, mais en excluent certains (tels que les hôtels, les surfaces de ventes ou de restauration).

D’autres méthodes peuvent être utilisées pour le recensement de ce type de projets : Business France intègre, en plus des emplois créés, les emplois maintenus par les investisseurs étrangers en France, ainsi que les créations et les sauvegardes d’emplois projetés sur 3 ans ; à l’inverse, l’EY

European Investment Monitor se concentre sur les données au démarrage des projets, et ce de la même manière dans tous les pays européens.

Les montants publiés par la CNUCED

Le dernier Tableau de bord de l’attractivité de la France, publié par la Direction du Trésor et Business France donne les montants des IDE 2020, une année particulière. Le stock d’investissements entrants en France a atteint 785 Md€ en fin d’année 2020, en hausse de 3 % par rapport à 2019 d’après les estimations de la Banque de France. La France accueille le 10e stock d’IDE dans le monde et le 6e en Europe, derrière les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Suisse, l’Irlande et l’Allemagne (classements stables par rapport à 2019) selon les données de la CNUCED.