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Face au risque d’écroulement de notre économie, le plan choc de l’iFRAP

Avec l’épidémie de Covid-19 et les 25 800 décès que nous comptons malheureusement dans notre pays, la France est entrée dans une crise nouvelle, à la fois sanitaire et économique. Le confinement et ses mesures inédites frappent et vont frapper très fortement le pays. La France a plongé en récession. L’économie est quasiment à l’arrêt. La Fondation iFRAP propose dans sa dernière étude mensuelle (et dans les pages du Figaro Magazine) un plan pour rebondir :

1. Sauver le plus d’entreprises possible

Sauver nos entreprises et nos emplois, c’est l’urgence d’aujourd’hui et surtout de demain. Nous avons la chance d’avoir en France des entrepreneurs formidables qui continuent d’entreprendre malgré tous les obstacles qu’ils ont sur leur route. Un véritable sacerdoce. Ces dernières années, ils ont tellement souffert, entre la pression fiscale française, les « gilets jaunes », les grèves à répétition... Et maintenant la crise du Covid-19. On entend que c’est quand même formidable d’avoir l’État dans ces moments-là, mais il n’est pas si présent dans cette crise.

Il a certes mis en place un dispositif favorable pour le chômage partiel, mais il pourrait faire beaucoup plus : porter à 100% la garantie de l’État pour les TPE et PME, permettre le remboursement sur dix ans comme en Allemagne avec deux ans sans acquittement, autoriser les dettes Covid des entreprises à être comptées à part dans les bilans, faire des étalements longs (5 à 6 ans) pour les reports de charges et d’impôts, et des abandons de créances pour les entreprises qui n’auront pas pu payer d’ici à cinq ans. Évidemment, dans le tourisme, l’hôtellerie, la restauration, il faut dès maintenant annoncer l’abandon des créances de l’État et des Urssaf.

2. Desserrer l’étau fiscal des entreprises

Le plan actuel ne suffira pas pour sauver nos entreprises et nos emplois. Il faudra rapidement aller plus loin et baisser massivement les impôts des entreprises si nous ne voulons pas rester durablement à 12% de chômage. Une baisse de 33 milliards permettrait la création de plus de 400.000 emplois et le retour à 8,5% de chômage en 2025. Il convient donc de prendre des mesures structurelles qui vont améliorer la compétitivité de nos entreprises et renforcer la croissance de l’économie française : baisse de la fiscalité de production, notamment de la fiscalité locale, baisse des cotisations sociales à la charge des employeurs, particulièrement sur les salariés qualifiés pour lesquels peu d’allègements sont actuellement à l’œuvre, allègement du forfait social…

Dépenser le même montant en aides ou subventions sociales ne ferait qu’aggraver la situation française à moyen et long terme. Cela fait trop longtemps que l’on connaît le différentiel de 100 milliards d’impôts qui pèse en plus sur nos entreprises comparées à l’Allemagne. Si on ne desserre pas maintenant cet étau, jamais nous ne pourrons réindustrialiser la France, jamais nous ne récupérerons un taux de chômage décent. Ne pas le faire est un passeport pour l’appauvrissement collectif, long et douloureux.

Il est important de préparer l’avenir et renforcer la croissance de l’économie française d’après-demain. Chacune des dernières crises a durablement affaibli ce potentiel : la capacité de l’économie française à créer de la valeur hors l’effet de la conjoncture est passée de 1,8% au début des années 2000 à 1,25% aujourd’hui. Rien que la crise de 2008-2009 l’a fait baisser de l’ordre de 0,5 point. Si un tel affaiblissement devait suivre la crise actuelle, l’économie française serait définitivement déclassée.

3. Travailler plus !

On n’a pas le droit de le dire, à cause de nos syndicats qui souhaitent secrètement que tous les Français travaillent pour l’État avec un emploi à vie - sauf que c’est impossible. Nos syndicats veulent le zéro risque dans les usines françaises pour reprendre le travail ? Nos entreprises auront toutes fait faillite avant que le virus ne cesse de circuler… Ce serait indigne de dire qu’il faudra travailler plus ? Au contraire, ce n’est que la réalité. Travailler plus et plus longtemps. Partir beaucoup moins en vacances ou en RTT dans les mois qui viennent.

Débloquer le temps de travail hebdomadaire, débloquer les heures supplémentaires, repousser l’âge de départ à la retraite. Tout simplement nous retrousser les manches pour reconstruire notre économie. Cela ne fera pas peur aux Français qui sont volontaires pour travailler si leurs syndicats ne leur mettent pas des bâtons dans les roues avec des demandes exorbitantes. En temps normal, la France perd plus de 100 milliards de valeur ajoutée en faisant travailler moins, et moins longtemps ses salariés.

C’est le moment de se réveiller. Les pays qui nous entourent, même l’Italie, ont plus rouvert leurs usines que nous! L’Allemagne tourne déjà à 70% de la normale dans la construction, par exemple. Les salariés du privé ont intégré le fait qu’ils vont majoritairement perdre en revenus cette année. Permettons-leur de sauver leurs emplois et leurs futurs revenus. Que le réveil ne ressemble pas à un tsunami de licenciements dont les syndicats, qui pour certains freinent la reprise, seraient coresponsables.

4. Verrouiller la dette dans la Constitution

La France fonce droit dans un mur de la dette. D’ici à la fin du quinquennat, nous aurons atteint la barre fatidique des 3.000 milliards d’endettement. En 2023, plus de 599 milliards d’euros de dette arrivent à échéance qu’il va falloir refinancer. Non pas à cause des 100 milliards de dette que nous accumulons durant cette crise du Covid, mais à cause de notre incapacité à gérer correctement nos finances publiques. Non seulement le gouvernement n’a pas réduit la dette, mais il a joué dangereusement au jeu des primes d’émission. Un jeu qui permet de récupérer du cash pour faire baisser la charge de la dette en plaçant des obligations à des taux plus élevés que le marché.

À ce jeu-là, la France a « gagné » 20 milliards en 2019 selon la Cour des comptes. Nous avons surtout gagné plus de dette pour les années à venir! Cette situation mine la France, nous coupe des marges de manœuvre face à la crise et nous emmène vers l’écroulement de nos finances publiques si nous ne faisons rien. Pour empêcher la dette de nous submerger, nous devons la verrouiller avec un système de frein à l’endettement comme en Allemagne, en Suisse ou en Suède. Ce dispositif impliquera que, quand nous aurons retrouvé un PIB et un déficit public au niveau de 2019, la France ne puisse plus enregistrer des déficits quand elle est en croissance. C’est dès 2021 qu’il faut acter ce principe dans la Constitution pour éviter que le quinquennat suivant soit celui de la faillite de nos finances publiques.

5. Rembourser le plus tard possible pour éviter l’effet boule de neige

Nous sommes face à la vague de déficits. Notre dette a une maturité à moyen-long terme actuellement d’environ onze ans. C’est dans notre intérêt à tous d’augmenter largement la maturité de cette dette pour éviter d’avoir des refinancements énormes à faire tous les ans dans les prochaines années. Il est inquiétant de voir que la politique du gouvernement est encore de contracter massivement des dettes à court terme ou indexées sur l’inflation comme si les reports de charges des entreprises allaient être intégralement payés, comme si la crise n’allait pas durer…

La France doit emprunter maintenant à long terme (50, 80 ans, voire 100 ans), afin que les futurs gestionnaires de la France ne soient pas dans une impasse vertigineuse si les taux devaient flamber, entraînant une charge de la dette qui explose et l’impossibilité de payer les retraites ou les agents publics…

6. Baisser les impôts sur la transmission

Beaucoup s’inquiètent en ce moment du fait que les Français (à juste titre, nous ne savons pas de quoi demain sera fait) épargnent à hauteur de 20% de leurs revenus. Pour débloquer cette épargne et doper notamment l’investissement immobilier, plusieurs actes peuvent être décidés rapidement : moratoire sur la taxation des donations pour permettre de faire circuler le patrimoine entre générations.

Poser un moratoire aussi en 2020 et 2021 sur les droits de mutation (frais de notaire) immobiliers afin de faire repartir le marché plus vite. Dans un second temps, il faudra penser à mettre à zéro les droits de succession comme en Suède, c’est la meilleure idée pour conserver et transmettre nos entreprises familiales en France et réindustrialiser notre pays. Les Suédois l’ont bien compris, nous pas encore.

7. Faire revenir les exilés fiscaux

Avec Sarkozy, ils ne sont pas revenus, avec Hollande non plus et seulement très timidement avec Macron. Nous avons pourtant à nos portes (Belgique, Suisse, Luxembourg, Royaume-Uni…) des forces vives expatriées, que nous avons fait partir avec une fiscalité stupide et confiscatoire. Rien que l’ISF a fait partir 173 milliards d’euros de France. Aujourd’hui, nous avons besoin de ces citoyens qui aiment leur pays pour investir dans notre appareil productif.

Nous devons privilégier ces investisseurs français de l’étranger et leur aménager la fiscalité : pas de taxation des plus-values de cession, pas de taxation des dividendes, suppression de l’IFI, amnistie fiscale sans taxation avec abandon immédiat des redressements et des poursuites fiscales en cas de rapatriement de leurs capitaux, c’est maintenant qu’il convient de marquer un grand coup pour donner envie d’investir dans notre tissu entrepreneurial. Ce n’est plus le temps des mots, c’est celui des actes.

8. Décentraliser et décloisonner la santé

On disait du système français que c’était le meilleur système de santé au monde ? Les hommes et les femmes qui le servent certainement mais pour l’organisation, c’est clairement non. Avec les mêmes dépenses par rapport au PIB que l’Allemagne en santé, la France a montré ses limites pendant la crise. Hypercentralisé, hyperadministratif, manquant d’agilité, ne faisant pas travailler public et privé de concert, notre système est au bout de sa logique. Le sujet n’est pas plus de lits ou plus de moyens mais mieux de lits et mieux de moyens.

Pour cela, il faut décentraliser et décloisonner la santé, cela passe par la prise de pouvoir des régions sur la politique publique de santé en sortant des idées reçues et en suivant le modèle allemand : concurrence entre les assureurs, autonomie des établissements, délégation de service public, y compris pour les hôpitaux, investissements dans les technologies, prévention, revalorisation de la médecine de ville avec système de gardes au niveau local, suppression du statut de la fonction publique hospitalière, contractualisation, téléconsultation déréglementée… Si on veut un système de santé agile, c’est cela qu’il faut faire.

9. Décentraliser aussi l’éducation

La fin du confinement va marquer la fin de la politique unique d’enseignement pour tout le territoire. Certaines écoles se sont très bien adaptées à l’enseignement à distance, d’autres moins, certaines écoles rouvriront, d’autres pas. On a pu comparer les écarts d’agilité numérique entre les écoles publiques et les écoles privées. C’est l’occasion de se dire que l’enseignement aussi doit être géré plus au niveau local et pas depuis Paris. Les enjeux ne sont pas du tout les mêmes d’une ville à l’autre, d’un village à l’autre, d’une région à l’autre. Du choix, de la flexibilité, des expérimentations locales, l’Éducation nationale gagnera (et nous et nos enfants avec) à devenir régionale et se réinventer.

10. Faire maigrir l’administration

Ou était passée la e-administration pendant le confinement ? Pourquoi dans autant de ministères a-t-on vu les services quasiment à l’arrêt alors que dans la justice ou les finances rien n’empêche le télétravail ? Alors que l’on nous dit qu’une grosse partie des agents télétravaillent déjà en temps normal ? Cela ne semble pas cohérent. La crise sanitaire l’a montré, notre administration n’est pas prête. Elle l’est beaucoup moins que les entreprises qui ont basculé dans le télétravail plus facilement. Nous n’avons pas besoin d’une administration avec les repères et les réflexes des années 1980, mais d’une administration qui réagit vite avec tous les outils de connexion et de communication à distance.

Pourquoi les contentieux sont-ils bloqués, pourquoi ne peut-on plus déposer de permis de construire ? Pourquoi a-t-on le sentiment d’une administration à l’arrêt (sauf pour les déclarations d’impôts) ? Après avoir sauvé nos entreprises, le déficit public sera encore abyssal et la dette devra baisser, il faudra moderniser et faire maigrir nos administrations, car nous aurons besoin de faire baisser les dépenses de fonctionnement de notre pays qui asphyxient les investissements publics et privés. Réduction du nombre d’administrations, recentrage de l’État sur ses missions régaliennes, développement du numérique, évaluation de l’efficience de chaque euro dépensé par un Parlement contrôleur des politiques publiques pas juste en mots. À partir de 2022, pour faire face à la dette, ce chantier sera prioritaire.