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Exploitation des données personnelles contre la fraude fiscale

Bercy en rêvait, c’est désormais chose faite et validée par le Conseil constitutionnel : toutes les données que vous mettez en ligne de manière publique sur les réseaux sociaux pourront être aspirées par un algorithme à des fins de contrôles fiscaux et douaniers.

Si vous êtes résident fiscal dans un pays étranger et que vous postez sur Instagram des photos de vous en France très régulièrement, vous pouvez être concerné. Si vous ne déclarez pas de revenus mais que vous mettez beaucoup d’annonces sur Le Bon Coin, vous pouvez aussi intéresser les services fiscaux pour fraude à l’impôt sur le revenu et à la TVA en devenant commerçant de fait…

Évidemment, cela ne concerne pas les données postées de manière personnelle, nécessitant des mots de passe. Sera donc exclue la collecte indirecte, par exemple via le moissonnage de commentaires ou du « tagage » sur photos, etc. Par ailleurs la reconnaissance faciale a dès le départ été exclue du dispositif.

Les résultats du contrôle fiscal en berne

Ce qui intéresse l’administration fiscale ? La mise en évidence d’activités occultes, les inexactitudes ou omissions relevées dans une déclaration (quelle qu’en soit la nature), résultant d’un manquement délibéré, d’un abus de droit ou de manœuvres frauduleuses ; le transport illicite de tabac, les infractions aux dispositions relatives aux contributions indirectes, la fabrication frauduleuse d’alcools, la détention et la vente frauduleuse de métaux précieux, les faits de contrebande ou toute opération financière entre la France et l’étranger portant sur des fonds provenant directement ou indirectement d’un délit…

Il faut dire que les résultats du contrôle fiscal avaient plutôt tendance à être en berne ces dernières années avec une baisse des montants redressés entre 2017 et 2018.

Les objectifs pour faire grimper les chiffres sont ambitieux. Le gouvernement compte en effet faire passer les contrôles fiscaux ciblés par l’intelligence artificielle de 13,8% en 2018 à 50 et plus en 2021.

Grâce à l’aspiration automatique de toutes ces données personnelles, les logiciels d’intelligence artificielle existants (CFRV pour Bercy et SARC pour les douanes) vont se roder afin de pouvoir repérer plus rapidement les fraudeurs. En effet, dans la mesure où ces logiciels de datamining sont autoapprenants, ils doivent s’exercer sur le champ de données le plus large possible durant la phase d’apprentissage pour augmenter la qualité des analyses prédictives fournies.

La fraude sociale, angle mort de la réforme

La mutation vers un contrôle fiscal « data orienté » constitue un infléchissement majeur dans la stratégie de lutte contre la fraude fiscale. Son enrichissement par les réseaux sociaux et les sites de vente en ligne, devrait en pratique concerner surtout des vérifications de domiciliation fiscale (via la géolocalisation) et la lutte contre les petits trafics. La grande fraude, contrairement aux éléments de langage du gouvernement, ne se détecte que rarement grâce aux réseaux sociaux.

Mais l’angle mort de la mesure concerne clairement la fraude sociale. Pourquoi tout mettre en œuvre pour traquer le non-résident qui passe plus de temps en France que permis et ne pas inclure dans le champ de la fraude le parent faussement isolé qui touche des allocations indues ou celui qui est en arrêt maladie mais en vacances, ou en maladie professionnelle tout en effectuant un travail non déclaré ? Pourtant, les réseaux sociaux et leurs petites annonces et photos sont le terrain de chasse idéal contre la fraude sociale…