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En 6 mois, la charge de la dette de l’Etat 2022 dépasse déjà celle de tout 2021

La situation mensuelle budgétaire de l’Etat de juillet 2022 vient d’être publiée début septembre. Ce qui étonne outre l’explosion des recettes fiscales (+28,36 milliards de recettes nettes, soit +19,7% à périmètre courant) c’est le niveau record atteint par la charge de la dette de l’Etat : 39,382 milliards d’euros, soit +48,9% par rapport à juillet 2021 (26,457 milliards d’euros). Et ce niveau record dépasse désormais le niveau atteint par le service de la dette de l’Etat en 2021 (38,496 milliards) de près de 1 milliard d’euros (+886 millions d’euros).

Ce rehaussement de la charge de la dette tient à plusieurs phénomènes cumulés : l’impact des OATi (indexés) dont plus de 60% sont indexés sur l’inflation européenne (OATi€) ce qui rajoute une charge supplémentaire par rapport aux titres indexés sur l’inflation nationale (plus basse à cause des mesures de pouvoir d’achat relatifs au contrôle de certains prix). Joue également l’effet taux avec la remontée des taux directeurs de la Banque centrale européenne (déjà depuis juillet +0,5% et bientôt sans doute en septembre +0,75%).

En comptabilité budgétaire la charge de la dette de l’Etat et son évolution se distribue comme suit en cumulé :

Source : Situation mensuelle budgétaire de l’Etat (SMBE), janvier-juillet 2022 et années précédentes.

Si l’on veut suivre les dépenses mensuelles, l’explosion de la charge de la dette est encore plus explicite avec un pic de 16,7 milliards d’euros :

Source : Situation mensuelle budgétaire de l’Etat (SMBE), janvier-juillet 2022 et années précédentes.

Etat donné le séquençage des dépenses sur base mensualisée, il est fort probable que la charge de la dette de l’Etat dépasse les 50 milliards d’euros en fin d’année : le niveau budgétisé en LFI 2022, était prévu à 38,656 milliards d’euros en LFI 2022 ; le collectif budgétaire du 16 août 2022 y ajoute 11,886 milliards de crédits supplémentaires (crédits évaluatifs), soit une charge totale d’endettement prévue de l’Etat de 50,54 milliards d’euros.

Par ailleurs en comptabilité nationale, le Programme de stabilité 2022-2027[1] permet d’ajuster la trajectoire de la charge de la dette pour les années à venir :

 

En comptabilité nationale

 

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Charges d'intérêt (en % du PIB) toutes APU

1,4

1,3

1,4

1,8

1,6

1,7

1,9

2,0

2,1

Charges d'intérêt (en Mds €) toutes APU

35,3

29,6

34,7

46,3

43,9

48,2

55,6

60,5

65,7

Charges d'intérêt (en Mds €) de l'Etat

30,1

24,3

30,1

42,2

 

 

 

 

 

Charges d'intérêt (en Mds €) des ODAC

0,5

1,5

1,2

 

 

 

 

 

Charges d'intérêt (en Mds €) des APUL

1,3

1,1

0,9

1,3*

 

 

 

 

 

Charges d'intérêt (en Mds €) des ASSO

3,5

2,8

2,6

2,8*

 

 

 

 

 

Source : Programme de stabilité 2022-2027 et calculs de la Fondation iFRAP. Note : p.35, la charge de la dette de l’Etat est à comprendre comme Etat + ODAC, il s’agirait plutôt de la dette des APUC. * Calculs de la Fondation iFRAP septembre 2022.

On relève qu’entre 2021 et 2022 la charge de la dette publique devrait augmenter de son côté de près de 11,6 milliards d’euros (passage de 34,7 milliards à 46,3 milliards d’euros). La charge de la dette publique « baisserait » en 2023, par divers facteurs non mentionnés à ce stade (inflation européenne mieux maîtrisée par la Banque centrale, surcompensant le coût de la hausse des taux d’intérêt, mobilisation de la trésorerie de l’Etat etc.).  Le gouvernement prend date pour une charge de la dette attendue en 2027 à près de 65,7 milliards d’euros, notamment à cause de la remontée des taux d’intérêt. Il faut cependant accueillir cette dernière perspective avec grande prudence car elle repose sur l’efficacité rapide de la politique monétaire déployée par la BCE, et notamment pour lutter contre l’inflation et ses divergences dans les différents pays de la zone euro[2].

Précisons enfin que la charge de la dette des administration publiques locales est sujette à plusieurs lecture (suivant que l’on inclut ou non les coûts d’intermédiation bancaire (prêts bancaires)) à cause de sa grande bancarisation.

 

En comptabilité nationale

 

2019

2020

2021

2022

Charges d'intérêt (en Mds €) des APUL

1,3

1,1

0,9

1,3

Charges d'intérêt (en Mds €) des APUL y compris coût de l'intermédiation bancaire

4,4

4,3

4,0

4,4

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : INSEE et calculs Fondation iFRAP septembre 2022.


[1] https://www.budget.gouv.fr/files/uploads/extract/2022/programme_stabilite/PSTAB%202022.pdf#page=35

[2] https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/inflation-la-bce-condamnee-a-avoir-la-main-lourde-1784907