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Augmenter les taxes sur l'héritage serait une hérésie

La France est un pays merveilleux. Tout au long de la vie, quoi que vous fassiez, on vous taxe au maximum de ce que vous pouvez supporter. Si, par hasard, et malgré les cascades fiscales que vous avez dû assumer, il vous reste quelque chose à transmettre à vos enfants (des économies, une assurance vie, une maison voire deux ou une entreprise) alors là on vous dit que ce n'est pas bien que vous faites partie des héritiers et… qu'il va falloir payer plus.

Cette tribune a été publiée dans les pages des Echos, le 3 janvier 2022. 

C'est cette antienne - déjà entendue des mêmes auteurs depuis 2015 - que reprend la nouvelle note du Conseil d'analyse économique (CAE) rattaché à Matignon.

La note ne dit malheureusement pas clairement que la France est, en part de PIB, le pays qui taxe le plus les donations et successions avec 0,7 % du PIB en taxes quand la moyenne européenne est à 0,2 % (comme aux Etats-Unis).

Ni que la France est aussi le pays où il demeure beaucoup trop cher de transmettre une entreprise. Le coût pour transmettre une grosse PME ou une ETI s'élève en moyenne entre 10 et 17 % de la valeur de l'entreprise alors que la moyenne européenne est de 5 %. Que la Suède, le Luxembourg, l'Australie ou le Canada aient mis à 0 % les droits de succession pour tous pour conserver leurs entreprises et leurs talents… Que l'Allemagne permette de transmettre une entreprise à un taux d'imposition 0, si la nouvelle génération s'engage à conserver l'entreprise, ne semble pas avoir inspiré les auteurs de la note.

Doubler les taxes

Au lieu de ces choix de bon sens adoptés par nos voisins européens, que nous propose la note du CAE, soi-disant car la valeur travail serait mise à mal par les héritages ? Tout simplement de quasi doubler la taxation des donations et successions en augmentant les recettes, selon les hypothèses simulées, entre 9 et 19 milliards d'euros par an !

La note a pêle-mêle dans le collimateur : le pacte Dutreil qui permettent (heureusement) un abattement de 75 % de la valeur de l'entreprise ; les assurances vie (si appréciées des Français) qui permettent de transmettre jusqu'à 152.000 euros par personne sans taxation ; le démembrement de propriété qui permet de transmettre la nue-propriété d'un bien tout en en conservant l'usufruit.

Les mesures esquissées dans la note sont tout proprement scandaleuses avec la mise en place d'une politique de taxation sur le flux successoral total perçu par l'individu tout au long de sa vie ou la réduction, voire l'élimination des principales exemptions ou exonérations : assurance-vie, régime des démembrements de propriété et exemptions Dutreil à 75 %.

Vieille lune

La note repropose, en outre, la vieille lune de faire verser par l'Etat à chaque citoyen à sa majorité un montant forfaitaire… sûrement pour restaurer la valeur travail ? À force de vouloir rendre tout égalitaire, de vouloir faire décider par l'Etat quel capital doit vous revenir, nous courons le risque d'arriver au résultat dramatique de tuer à la fois la valeur travail et nos entreprises.

Vouloir multiplier par deux les taxes sur les donations et successions est une hérésie totale. Surtout alors que tant d'épargne a été stockée pendant la crise. C'est plus que jamais le moment d'inciter à transmettre le capital entre générations. À l'aune de ce qui se pratique à l'étranger, il faudrait, a contrario, diviser par deux la pression fiscale sur les donations et successions. Mettre d'urgence à 0 le taux de taxation sur la transmission d'entreprises. Voire faire comme les Suédois : les supprimer. La France irait beaucoup mieux. Et nous avec.