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15 mesures pour révolutionner l’agriculture

Alors que la colère des agriculteurs monte depuis plusieurs années, les pouvoirs publics ne semblent pas avoir pris la mesure de la lame de fond qui risque d'embraser la France. Le Premier ministre, pour l’instant, ne propose que des mesures de façade tandis que l’opposition de droite via Eric Ciotti appelle à une révolution… mais sans faire de proposition en ce sens. Pourtant une révolution, c’est bien ce dont a besoin l’agriculture française. 

Si on remonte dans le temps, on voit que l'agriculture, et avec elle les agriculteurs, ont été placés sous une sorte de tutelle et infantilisés par les bureaucrates dès 1944. Cette situation n'est plus tenable et il faut faire table rase des idées que celles développées à la sortie de la 2e Guerre mondiale par le ministre SFIO Tanguy-Prigent et les gouvernements de la IVe république.

Changer les mentalités

La première révolution nécessaire est un changement de mentalité : il faut que les pouvoirs publics, nationaux ou européens, commencent à considérer l'agriculture comme une activité économique normale et les agriculteurs comme des entrepreneurs.  Voici quelques règles simples à conserver en tête pour révolutionner les mentalités :

  • L'activité agricole doit être rentable et les entreprises agricoles doivent permettre de faire vivre leurs chefs d'entreprise et de donner une rentabilité à leurs associés en capital ;
  • L'activité agricole est une activité capitalistique très gourmande en capitaux qui doit être structurée pour investir ;
  • L'agriculteur est un chef d'entreprise responsable qui doit être considéré comme tel au même titre que tous les autres chefs d'entreprise ;
  • La liberté d'entreprendre doit être appliquée à l'activité agricole comme à toutes les activités économiques.

Toutes les règlementations qui portent atteinte à un de ces 4 axiomes devraient être annulées. Sans cela, il sera impossible de révolutionner (et de sauver) notre agriculture.

15 mesures pour révolutionner l’agriculture

Les mesures à prendre d’urgence :

  1. Permettre un report d'un à deux ans du paiement du principal des emprunts liés à l'exploitation ou à sa reprise.
  2. Faire appliquer la Loi Egalim 2 et imposer des sanctions drastiques avec dommages et intérêts payés aux agriculteurs lésés correspondant au manque à gagner avec intérêts capitalisés.

Supprimer les carcans : 

Tout d’abord, le système actuel est organisé pour maintenir les exploitations à une taille "familiale" qui n'est pas rentable : la disparition des entreprises agricoles et le manque de repreneurs sont dus principalement au fait que les seuils de rentabilité ne sont pas atteints pour permettre une rémunération normale des salariés et chefs d'entreprise. Dans ce cadre, il faut abroger l’article L333-3 du Code rural et de la pêche maritime introduit par le gouvernement à l'initiative de députés de la majorité et soutenu par les Républicains (autorisation préfectorale d'acquérir des parts sociales de société agricole - Loi dite Sempastous).

  1. Permettre l'agrandissement des exploitations sans autorisation, ni droit de préemption, ni effets de seuils afin qu'elles atteignent un seuil de rentabilité : il faut libérer le développement des exploitations agricoles en supprimant ou en multipliant par 10 la SAUP, en supprimant le droit de préemption de la Safer sur toute augmentation de surface ou de taille d'une exploitation, en supprimant les effets de seuils qui dans l'élevage par exemple obligent les entreprises, au-delà d'un certain nombre de tête, à réaliser des investissements dissuasifs et non rentables.
  2. Supprimer les charges sociales sur les heures supplémentaires : le coût faramineux des charges sociales en France, allié à l'obligation de réaliser des heures supplémentaires dans une activité sous pression météorologique et saisonnière, rend la concurrence impossible avec les autres entreprises agricoles européennes.
  3. Simplifier le carcan social des salariés agricoles et des saisonniers (travail de nuit, heures supplémentaires, 35 heures, grands déplacements, etc.)
  4. Annuler l'arrêté du 30 décembre 2022 soumettant le paiement de la PAC à une définition artificielle de l'"agriculteur actif" : cette règle va entraîner nombre d'exploitations au dépôt de bilan et des agriculteurs à la pauvreté. 

Dans toutes les branches d'activité, une société est considérée comme une entité économique en soi bénéficiant d'aides non en fonction de son ou ses mandataires sociaux, mais en fonction de son activité réelle : pourquoi cette exception pour l'agriculture ? Encore une fois l'idée d'avoir des entreprises agricoles de type familial, a guidé le ministère de l'Agriculture dans la rédaction de ce texte sans prendre en considération la liberté pour un retraité d'avoir un autre emploi y compris dans l'agriculture ou pour un agriculteur d'avoir un emploi d'appoint.

  1. Interdire toute surtransposition des règles européennes en droit français par l'administration française et interdire la mise en place de toute règle française qui serait plus contraignante que le droit européen.
  2. Faire pression sur la Commission européenne pour interdire les importations de pays tiers de produits agricoles dont les producteurs ne respectent pas ou ne sont pas soumis à la règlementation européenne ou à une règlementation identique. Ce qui est fait pour l'automobile ou l'acier doit pouvoir être fait pour les produits agricoles.
  3. Réformer le statut du bail à ferme trop protecteur du fermier afin de voir apparaître un véritable marché des terres agricoles données en fermage comme l'est par exemple l'investissement immobilier commercial.
  4. Fusionner la MSA dans le régime général : la MSA est un organisme de droit privé chargé d'une mission de service public créé en 1930 en un temps où les agriculteurs représentaient 25% de la population active. Ce n'est plus le cas aujourd'hui.

La MSA est devenue obsolète, bureaucratique, opaque et est un stress constant pour les agriculteurs : calculs de charges faux, prélèvements sans date précise, corrections de charges sans préavis avec plusieurs mois de retard, mauvaise gestion, impossibilité d'avoir un interlocuteur... La disparition de la MSA sera un soulagement pour beaucoup d'agriculteurs et une mise à égalité des salariés du régime général et du régime agricole.

  1. Fusionner le régime de retraite agricole (toujours la MSA) dans le régime général : la retraite par répartition ne peut plus fonctionner puisque le nombre d'agriculteurs continue de diminuer : résultat, la retraite moyenne agricole est de 1.194 euros bruts par mois c'est-à-dire sous le seuil de pauvreté à 60% du niveau de vie médian. La fusion avec le régime général permettra de réévaluer les retraites agricoles.
  2. Soumettre aux contrôles des directions françaises et européennes de la concurrence, les concentrations des industriels du machinisme agricole et les ententes sur les prix des équipements et des intrants agricoles.

Réinvestir dans les infrastructures :

  1. Lancer un grand plan d'irrigation comme cela a été fait en Aquitaine en 1976-1977, consistant à créer des retenues collinaires ou des retenues sur des rivières, des infrastructures souterraines d'irrigation et des gouttes à goutte. Modifier pour ce faire les Lois sur l'eau qui sont des surtranspositions en droit français du droit européen sans définition précise du "cours d'eau" et supprimer la police de l'Eau.
  2. Favoriser les investissements en R&D pour le développement de moteurs qui soient en mesure de remplacer les moteurs thermiques de tracteurs et du machinisme agricole.
  3. Favoriser les investissements en R&D pour le développement de la robotique en agriculture.

Autant de pistes de réflexion qui renverseront vraiment la table et qui pourront faire changer les choses. Il est essentiel que l'administration cesse de considérer l'agriculture comme une activité collectivisée et sous tutelle : les agriculteurs sont des entrepreneurs comme les autres, responsables et plus capables de prendre des décisions cohérentes que les fonctionnaires qui veulent les contrôler. Il faut toutefois les protéger de la mondialisation excessive si on ne veut pas voir disparaître l'agriculture comme on a vu disparaître l'industrie.