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Grèves : préfets et maires, réveillez-vous !

Où sont passés les reporters de L214 ? Ils devraient tourner dans les RER, les métros, les bus, les transiliens. Ils devraient s'insurger sur les conditions de transport indignes que subissent nos compatriotes. Pourquoi ne dupliquent-ils pas leurs principes sur le bien-être animal au bien-être humain ? On ne les entend pas. Et sur le même registre, où sont passés les chantres des transports en commun pour notre bien ? On dirait qu'il n'y a personne. Nos libertés individuelles sont foulées aux pieds. Et ? Rien, encéphalogramme plat.

Pouvoir d'assignation

Que dire qui n'a pas été dit ? La honte de voir des enfants marcher plus d'une heure le matin pour aller à l'école ? La honte de voir les commerces à nouveau dans le rouge un an après les « gilets jaunes », alors même que les retraites des indépendants sont moitié moindre par rapport à celles des cheminots et que leurs temps de travail et âge de départ à la retraite n'ont rien à voir ?

En Italie, les grèves sont interdites à Noël, pendant les vacances d'été, au moment des grands départs… Partout en Europe, des systèmes de réquisition existent. En France, la situation frise le ridicule.

Rappelons tout de même que, même en France, certains agents publics n'ont pas le droit de faire grève : policiers, magistrats, militaires, gardiens de prison… A l'hôpital, le directeur a le devoir d'assurer la permanence des soins en cas de grève. Et le pouvoir d'assigner les agents hospitaliers à leur poste.

Automatisation des lignes

Alors, comment en sortir ? Il faudrait qu'une bonne fois pour toutes, quelques milliers de personnes ne puissent pas bloquer des millions d'autres. L'angle mort de la loi de 2007, dite abusivement du « service minimum » dans les transports publics, est qu'elle ne prévoit pas un droit spécifique de réquisition ou d'assignation des personnels grévistes. Et qu'elle n'assortit pas l'échec d'accords collectifs sur le service minimum de dispositions par défaut. Les personnes consultées à l'époque auraient étrangement considéré que les assignations n'étaient pas possibles en France.

Pour la suite, voici trois propositions pour éviter de se retrouver dans la nasse à nouveau dans les années qui viennent.

Donner le pouvoir aux dirigeants des sociétés de transports publics d'assigner à leur poste les grévistes, comme les directeurs des services hospitaliers. Arrêter dès 2020 d'embaucher sous statut non seulement à la SNCF mais aussi à la RATP. Enfin, mettre au point comme urgence nationale un plan d'automatisation des lignes de métro.

Salubrité publique

Bon d'accord, mais dans l'immédiat ? Deux leviers sont possibles. Actionner le préfet et son pouvoir de réquisition autonome face à l'urgence, à cause de l'atteinte grave à l'ordre public au regard de la situation. Quand la SNCF et la RATP déclarent : « Nous conseillons à nos voyageurs de limiter leurs déplacements », c'est bien pour une question de sécurité des personnes. Garantir l'ordre public, c'est garantir la sécurité, la salubrité et la paix publique. Force est de constater qu'avec les grèves, la sécurité publique est fortement mise à mal.

Quant à la salubrité publique, ce n'est pas mieux : les pics de pollution générés par les bouchons dans les grandes métropoles pourraient déclencher une réquisition des grévistes afin d'assurer la qualité de l'air (et sauver la planète). Or, cela rentre dans le champ du pouvoir de réquisition local du maire, qui découle de son pouvoir général de police.

Mesdames et messieurs les préfets, les maires, qu'attendez-vous ?

Cette tribune a été publiée dans les pages des Echos, le 19 décembre 2019.