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4e avis du comité de suivi des retraites : un rapport pour rien

Avec la 4e édition du rapport du comité de suivi des retraites (CSR) se pose encore une fois la question du pilotage de notre système de retraites dont il faut rappeler qu’il représente un quart de nos dépenses publiques. Déjà, les projections du conseil d’orientation des retraites (Cor) en juin dernier avait semé le trouble avec des perspectives beaucoup plus sombres que celles de 2016 et qui avaient amené les responsables politiques à déclarer que nos retraites étaient sauvées. Dans ce nouvel opus, le comité appelle le Gouvernement à agir pour ramener notre système à l’équilibre alors que le précédent avis se concluait un an plus tôt par ces mots : « ces évolutions peuvent renforcer la confiance globale dans le système qui est sans doute aujourd’hui plus solide financièrement et moins inéquitable que ne le pensent souvent nos concitoyens ». Combien de temps le comité de suivi des retraites (CSR), le conseil d'orientation des retraites (Cor) et le gouvernement vont-ils ignorer le nécessaire report de l'âge légal de départ à la retraite à 65 ans ?

Le 13 juillet, le comité de suivi des retraites a rendu son 4e avis. Dans ses trois précédentes éditions, le comité ne formulait pas de recommandations. Mais cette dernière édition, prenant acte des nouvelles projections du Cor, a conclu son rapport de la façon suivante :

« Le comité est conduit, en vertu des dispositions du décret du 20 juin 2014, à recommander au Gouvernement de prendre les mesures nécessaires, afin de ramener le système sur une trajectoire d’équilibre. Cependant, le comité ne fait pas de recommandation précise sur le calendrier qui dépend de divers arbitrages qui reviennent au Gouvernement. »

Un rappel à l’ordre qui avait été largement anticipé par le Gouvernement depuis la publication des perspectives financières du Cor publiées le 20 juin dernier qui laissent entrevoir que le système de retraites va rester durablement dans le rouge (voir notre note : Retraites : agir et vite !), quel que soit le scénarioEt ce pour 5 raisons : les hypothèses démographiques de l’Insee, moins favorables que par le passé, une population active moins dynamique, la révision des hypothèses économiques de court et moyen terme, la structure de la masse salariale, la réforme des retraites de 2014 avec le compte pénibilité et certains aspects de la réforme des régimes complémentaires Agirc-Arrco de 2015.

Aussi, ce 4e rapport a-t-il été peu commenté par le Premier ministre Edouard Philippe qui, par un communiqué de presse, indique que : « Le Premier ministre rappelle que le Gouvernement engagera la rénovation du système de retraite pour le rendre plus juste et plus transparent, tout en préservant les équilibres financiers. S’agissant des suites qu’il entend donner à la recommandation du comité de suivi des retraites, le Gouvernement en informera le Parlement dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018. »

Rappelons que le CSR a été mis en place dans le cadre de la réforme des retraites de 2014 présentée par le gouvernement Ayrault et portée par Marisol Touraine. Le site internet de la Direction de la Sécurité Sociale nous explique que « pour restaurer la confiance des Français dans nos retraites, la loi du 20 janvier 2014 a créé un dispositif de pilotage qui vise à garantir dans la durée le respect par le système de retraites de ses objectifs d’équilibre financier et de justice. Le Comité de Suivi des Retraites est situé au cœur de ce mécanisme. »

En pratique ce comité remet chaque année, avant le 15 juillet, à partir des analyses du conseil d’orientation des retraites (Cor) et après consultation d’un jury citoyen, son avis sur le respect des objectifs d’équité et de soutenabilité du système de retraites. S’il considère que le système s’éloigne de façon significative de ses objectifs, le Comité de Suivi des Retraites adresse au Gouvernement, au Parlement et aux régimes de retraites des recommandations publiques.

Mais si l’on regarde dans le détail les conseils préconisés par le CSR piloté par 5 experts du système de retraites français, on constate que les préconisations sont balancées au point d'être inopérantes, renvoyant le plus souvent à l’expertise du Cor.

  • L’allongement de l’espérance de vie ? Il pourrait justifier des mesures visant à rétablir l’équité entre générations au regard de la durée de retraite. Mais le comité ajoute « cette perspective n’apparait toutefois pas urgente d’autant que les augmentations de l’âge de départ à la retraite peuvent avoir des effets transitoires sensibles sur le taux de chômage ».
  • La dégradation du solde annoncée ? Le comité suggère « qu’une sous-indexation des pensions permettrait des économies assez rapides et se répercuterait sur les années suivantes. Elle pourrait cependant poser des difficultés d’acceptation au moment de la hausse de la CSG. »
  • D’autres mesures d’économies ? Le comité n’entend pas les passer en revue notamment la suppression des catégories actives de la fonction publique. Mais il ajoute « Il existe, en revanche, pour certaines catégories d’affiliés, des avantages particuliers dont le maintien n’est pas nécessairement justifié. »
  • Les bénéfices d’une élévation du taux d’emploi des séniors ? « L’exemple de pays étrangers montre que ces taux sont liés à divers facteurs et pas uniquement à des mesures relatives à l’âge de départ à la retraite. Comme cela a existé à d’autres moments, des actions concertées avec les partenaires sociaux peuvent faciliter l’adaptation du monde du travail à l’élévation de l’âge moyen des actifs. »
  • Le devenir du Fonds de réserve pour les retraites ? « Les perspectives sont aujourd’hui mal définies alors qu’il dispose de fonds prévus à l’origine pour aider à passer la bosse démographique ».
  • La très grande dépendance du système de retraites à la croissance et l’importance d’améliorer la transparence du système ? « Le comité ne s’est pour autant pas engagé dans des réflexions précises sur les diverses options de réformes possibles. Cette réflexion aurait été d’autant plus délicate qu’il n’ignore pas les difficultés réelles de changements importants. »

Bref, rien de bien concret. Mais le rapport s’attarde sur plusieurs débats méthodologiques au point que l’on s’interroge sur l’utilité de ce processus qui conduit un comité à se prononcer sur la soutenabilité du système de retraites sur la base d’indicateurs que lui-même juge discutables.

Ainsi toute la première partie intitulée « Objectif de pérennité financière du système de retraite » revient largement sur le solde des régimes de retraites projeté selon les différentes hypothèses du Cor sur les 25 prochaines années. Dans cette partie, un long développement méthodologique est consacré aux conventions retenues pour projeter l’équilibre financier du système de retraites, dont il ne ressort pas grand-chose si ce n'est que les perspectives démographiques passent au second plan, le CSR préférant s'attarder sur les hypothèses relatives à la fonction publique qui ont été revues.

Ce qui amène le CSR a cette conclusion surprenante : « La dégradation du solde, pour le système de retraite, serait ainsi, en partie, la contrepartie d’économies budgétaires. Plus précisément, de telles hypothèses comportent pour l’Etat et les collectivités des gains nets importants sur la masse salariale mais génèrent, à cotisations constantes, un besoin de financement pour les régimes concernés et donc pour l’ensemble du système. L’opération est au total bénéficiaire pour le budget de l’Etat et des collectivités, qui finance ces cotisations, mais apparaît comme un besoin de financement pour les retraites (avec la convention du Cor) ». En bref, le CSR veut dire que si l'Etat et les collectivités locales embauchaient de plus en plus de fonctionnaires, leurs  budgets seraient certes de plus en plus en déficit, mais la situation financière de leurs caisses de retraite serait améliorée grâce aux cotisations versées.

Les deuxième et troisième parties reviennent sur les objectifs du système de retraite au regard du montant des retraites et du traitement équitable entre retraités. Ces deux passages reviennent sur les inconvénients des indicateurs retenus. Ainsi on explique que l'équité va être mesurée par le taux de remplacement mais que le taux de remplacement est un mauvais indicateur, on explique que le taux de cotisation est un mauvais indicateur car il ne signifie pas nécessairement qu'il y a une différence d'effort contributif mais on se réfère aux travaux du Cor sur le taux de cotisation (qui montre que malgré tout il y a une différence), enfin on explique qu'il y a une convergence des âges moyens de départ mais que l'accord sur les retraites complémentaires avec l’introduction d’un bonus/malus pourrait introduire une divergence, etc.

- En troisième lieu, le comité observe que l’équilibre du système de retraite à long terme est dépendant de l’évolution d’un élément, les taux de remplacement, que la diversité des régimes et de leurs paramètres rend difficile à piloter de manière globale. De manière simplifiée, trois grands modes de calcul des pensions existent : en annuités et en fonction du salaire de référence des 25 meilleures années (salariés du privé pour la pension de base avec une indexation des droits à retraite sur les prix), sur le dernier salaire hors primes (régimes publics), sur la carrière avec un décompte en points indexés de manière variable (régimes complémentaires des salariés du secteur privé et des régimes alignés, régime des professions libérales). On comprend que si les rapprochements ont été nombreux entre les régimes, le maintien dans la durée de niveaux proches de taux de remplacement n’est pas assuré. (voir page 27 du rapport)

- La grande disparité des structures de ressources dont disposent les régimes rend en effet inopérante la seule comparaison des taux de cotisation sociales (salariales et patronales). En effet, de nombreux régimes sont intégrés financièrement avec le régime général, ou disposent de ressources fiscales, de subventions de l’État ou de transferts (notamment au titre de la compensation démographique). Par ailleurs, la divergence des assiettes de cotisation, particulièrement forte concernant les professions indépendantes ou les fonctions publiques (absence de prise en compte des primes, régime additionnel – RAFP – excepté), crée une seconde difficulté car un taux de cotisation plus élevé dans un régime ne signifie pas nécessairement un effort contributif supérieur pour ses assurés si ce taux est appliqué à une assiette plus étroite. (voir page 45)

- Désormais, les règles concernant les âges de départ, exception faite des règles d’âge relatives aux militaires, aux catégories actives de la fonction publique et des régimes spéciaux, les durées de cotisation, les taux de cotisation salariale sont aujourd’hui largement harmonisées. Des écarts subsistent substantiellement en matière de droits familiaux et conjugaux. L’annexe n°1 détaille, pour sa part, les règles relatives aux départs anticipés dans les différents régimes. On soulignera néanmoins que l’accord AGIRC-ARRCO d’octobre 2015 pourrait contribuer à terme à la résurgence d’un écart sur les âges effectifs de départ entre public (sédentaires) et privé. En créant un dispositif de bonus-malus visant à encourager les salariés à décaler la liquidation de leur pension au régime complémentaire, l’accord AGIRC-ARRCO pourrait pousser une partie des salariés du secteur privé à se maintenir en activité et donc à décaler, de ce fait, leur date de liquidation de pension au régime de base. (voir page 46)

Comme dans les précédentes éditions, le comité conclut sur l’équité entre régimes public et privé et revient sur l’étude réalisée par le Cor en 2015 montrant que l’application des règles du privé serait, contrairement à ce que l’on peut penser, profitable aux fonctionnaires. En particulier l’étude compare le taux de remplacement pour le cas-type d’un fonctionnaire de catégorie B qui passerait de 68% à 73% avec l’application des règles du privé.

Le rapport indique que de nouvelles projections ont été effectuées par le Cor car la part des primes pour le cas-type du fonctionnaire de catégorie B était plus forte qu'on ne le pensait. Du coup la différence est encore plus grande puisqu'il ne touche en réalité que 63% dans le système public contre 73% avec les règles du privé. Et le comité de conclure sur l’iniquité qui pénalise violemment les fonctionnaires, oubliant de mentionner que ce chiffre est calculé par rapport à une rémunération primes comprises sur lesquelles les fonctionnaires ne paient pas de cotisationsSauf la RAFP mais qui n’est pas prise en compte au numérateur dans la pension perçue..

Pourtant, malgré la différence, le comité ne fait pas sienne la proposition du président de la République pour uniformiser les règles de calcul de la retraite et créer un système universel, et recommande plutôt de poursuivre les études... Au passage, le comité souligne que les retraites des salariés du privé risquent elles aussi de diminuer.

L’indexation sur les prix a pour conséquence de creuser, cumulativement, année après année, les écarts entre les droits acquis et portés au compte et les revenus d’activité ; ces écarts sont d’autant plus importants que les scénarios économiques sont favorables et les revenus d’activité dynamiques. (…)

Compte tenu des modalités de calcul du taux de remplacement à la liquidation (sur les six derniers mois de traitements), ce taux n’est pas sensible, contrairement au secteur privé, à la question de l’indexation des salaires portés aux comptes et donc aux différents scénarios du Cor en matière d’évolution de la production du travail.

Le passage qui suscite le moins de commentaire est le quasi-franchissement du plafond de cotisation : autrement dit, on avait dit en 2014 que pour être soutenable il ne faut pas que les cotisations dépassent 28% du plafond annuel de la Sécurité Sociale (PASS), cette année, les cotisations atteignent 28% mais n’appelle aucune mise en garde particulière !

Finalement, les recommandations du comité tombent à plat. Ses préconisations plus que prudentes, se bornent à un rapprochement des droits familiaux et des pensions de réversion (ce que la Cour des comptes avait déjà recommandé à l’automne dernier dans son rapport sur les pensions de la fonction publique). Il va falloir se mouiller un peu plus et dire clairement (et le plus vite possible) qu'il faut repousser l'âge de départ à la retraite à 65 ans. Sinon, impossible d'équilibrer les comptes du système de retraite dans les prochaines années. Impossible aussi d'atteindre les objectifs d'économies du gouvernement.