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En luttant contre le « sous-travail » dans la fonction publique, l'État pourrait économiser 1,5 milliard

Tous les mercredis, avant le Conseil des ministres, Le Macronomètre, l'observatoire des réformes du gouvernement, lancé par la Fondation iFRAP, attribue une note aux réformes d'Emmanuel Macron. La note de la semaine du Macronomètre est présentée dans le Figaro. Cette semaine : 9/10 sur l'harmonisation du temps de travail dans la fonction publique.

Dans son projet de loi pour la transformation de la fonction publique, le gouvernement prévoit l'harmonisation des temps de travail… Un terme qui peut paraître étonnant, le temps de travail étant encadré par le statut de la fonction publique. Il existe cependant une nuance : encadré, oui, uniforme, non. Pour rappel, si la durée légale des 35 heures figure dans le Code du travail, aucun texte législatif ne fixe de durée légale pour la fonction publique. Ainsi, c'est par trois décrets, respectivement applicables à la fonction publique d'État, à la fonction publique territoriale et à la fonction publique hospitalière que la question a été réglementée, en fixant une durée, non pas hebdomadaire mais annuelle, de 1.607 heures de travail.

Problème ? Cette durée annuelle de 1.607 heures pour un temps plein n'est pas respectée, particulièrement dans la fonction publique territoriale où les administrations ont décidé de conserver les jours de congé supplémentaires et les régimes dérogatoires dont les agents territoriaux bénéficiaient avant l'instauration des 35 heures, et ce, bien que ceux-ci ne reposent sur aucune base légale. D'après le rapport de Philippe Laurent, président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale et maire UDI de Sceaux, les exécutifs locaux cumuleraient près de 40 motifs différents de congés dérogatoires dont les jours du maire, des congés donnés pour le mariage d'un agent (jusqu'à 5 jours) ou le mariage d'un proche (jusqu'à 3 jours), des jours de congés pour déménagement ou encore des jours pour « rentrée scolaire »...

Lutter contre le travail payé mais pas effectué

La Cour des comptes estime ainsi que le temps de travail dans la fonction publique territoriale tourne autour de 1.567 heures annuelles et de nombreux rapports des Cours régionales des comptes épinglent ce problème, comme le département de Seine-Saint-Denis, où les agents ont un service variant de 1.463 à 1.519 heures par an. Pour la collectivité, les pertes représenteraient, chaque année, près de 22 millions d'euros.

Pour lutter contre ce phénomène de sous-travail, payé mais pas effectué, le projet de loi du gouvernement prévoit une « harmonisation » des temps de travail et demande le réexamen de tous les accords locaux et des régimes dérogatoires. Pour cela, un délai d'un an sera accordé aux collectivités, à compter des prochaines élections locales. Les échéances sont donc fixées à mars 2021 pour les agents des communes, mars 2022 pour les agents des départements et décembre 2022 pour les agents des régions. L'objectif du gouvernement est clair : remonter le temps de travail des agents territoriaux au minimum légal de 1.607 heures annuelles. Le gain, si tous les agents territoriaux effectuaient réellement les 1.607 heures, représente le travail de 50.000 agents à temps plein, soit 1,5 milliard d'économie potentielle.

Avec cette mesure, le gouvernement s'attaque à un véritable tabou… mais il ne peut s'agir que d'une première étape pour moderniser notre fonction publique. La délicate question du temps de travail des enseignants (1.350 heures annuelles) n'est pas abordée, ni celle des 1.607 heures pour un temps plein qui apparaît être un temps de travail extrêmement bas. En Allemagne, les agents publics travaillent pour un temps plein 1.807 heures par an, soit 200 heures de plus : appliquer ce temps de travail dans la fonction publique d'État et territoriale représenterait, a minima, le travail de 400.000 agents à temps plein en France... Et une économie de près de 15 milliards d'euros.