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Vive le modèle allemand !

Remettre la France au travail

Le directeur de la Fondation iFRAP explique pourquoi l'Allemagne est un modèle dont la France peut s'inspirer dans le contexte actuel.

Une tribune parue dans l'édition du 21 février du Monde.

Jamais la France ne sera l'Allemagne, elle ne sera pas non plus la Suède ni la Finlande. Ce serait d'ailleurs catastrophique puisqu'un des atouts de l'Europe est sa diversité. S'inspirer des modèles étrangers signifie étudier et adapter intelligemment leurs réformes réussies.

Il est facile de moquer en brandissant l'histoire et des cultures différentes pour soutenir que jamais les réformes pratiquées dans d'autres démocraties ne pourraient être transposées en France. La question n'est en fait pas celle des modèles mais celle des réformes. Et, en France, trop rares sont ceux qui ont la volonté et le courage de débattre et de défendre de vraies idées de réformes.

On évoque en ce moment le modèle allemand. Certains le portent aux nues, d'autres le rejettent avec véhémence. Mais il faut aller au-delà des postures politiques. Si l'Allemagne est devenue un modèle, c'est qu'elle a réussi à "éponger" ses déficits publics et sociaux, à réduire le nombre de chômeurs et à avoir une balance commerciale excédentaire. Comment ? En baissant ses dépenses publiques, en réformant le statut de sa fonction publique, en encourageant la création d'entreprises, en flexibilisant son marché du travail, en dynamisant les universités encouragées à coopérer avec le secteur marchand et tout cela en quelques années.

Le chancelier Gerhard Schröder, avec son agenda 2010, a réformé l'Etat-providence. La réforme la plus forte a concerné le chômage, avec la réduction de la durée d'indemnisation (entre 60 % et 67 % du salaire antérieur) de 32 à 12 mois (ALG I), après quoi subsiste seulement une allocation semblable au revenu de solidarité active (ALG II), qui est fonction du degré de nécessité avec obligation de reprendre tout emploi proposé.

Cette réforme a eu deux effets, l'un sur l'amélioration des finances publiques et l'autre sur l'amélioration du taux de chômage par rapport à la situation antérieure, où les prestations étaient généreuses ; les personnes considérées comme inaptes au travail parmi les 15-64 ans sont passées par exemple de 3,4 % à 0,7 % en six ans.

S'inspirer de ces réformes est souhaitable, tout en reconnaissant qu'il n'est guère envisageable de copier en France la soudaineté avec laquelle elles ont été appliquées, d'autant que la multiplication des "minijobs" qui est la conséquence des réformes Hartz fait toujours problème en Allemagne pour les personnes en situation d'exclusion. Mais le succès allemand le plus certain se place sur le plan de la compétitivité, c'est la modération salariale générale qui a fait l'objet d'un consensus auquel les syndicats ont pris une part remarquable, et qui a, en quelques années, effacé l'écart de coût du travail avec la France et amélioré cette compétitivité.

C'est ainsi que des dérogations aux accords de branche ont été autorisées aux entreprises à la fois sur les salaires, la durée et les horaires de travail. Ces accords ont introduit la flexibilité sur le marché du travail allemand. Résultat : chez Siemens et Daimler, la durée du travail est repassée de 35 à 40 heures sans compensation salariale. Le système des retraites a été aussi réformé avec baisse du taux de remplacement (46 % jusqu'en 2020, 43 % jusqu'en 2030), recul de l'âge de la retraite de 65 à 67 ans de 2012 à 2029.

La force de l'Allemagne est d'avoir réformé avant la crise, d'avoir perçu que l'endettement public risquait de devenir le destructeur de la croissance. Pendant ce temps-là, la France continuait à dépenser chaque année une cinquantaine de milliards au-dessus de ses recettes sans se préoccuper un instant du déficit et de la dette. Les derniers gouvernements ont bien tenté par des audits de modernisation ou la révision générale des politiques publiques (RGPP) d'entamer une baisse des dépenses de l'Etat, mais c'était compter sans le fait que nos administrations et leurs dirigeants n'étaient pas favorables à l'idée d'économiser les deniers publics.

En Italie, le président du conseil Mario Monti réforme avec conviction son pays pour créer des emplois : il déréglemente les corporations, flexibilise le droit du travail, ouvre à la concurrence, évalue les enseignants, autorise l'ouverture des commerces sept jours sur sept. M. Monti vise deux points de PIB de création de richesse et tout porte à croire qu'il va y arriver.

La question qui se pose à la France et à ses partenaires européens est en définitive la suivante : transformer notre welfare (aide sociale) en workfare (recherche active d'emploi). Ceux qui voudront éluder ce choix ne pourront que s'enliser dans les déficits publics. Reste une question de société : préférons-nous, pour le même montant, permettre aux exclus du travail de retrouver la dignité dans un emploi même mini ou, pour des raisons idéologiques, choisirons-nous de les indemniser sans incitation à la reprise d'emploi ?