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Danemark : un taux de chômage très faible grâce à des sanctions fortes

... sur l'assurance chômage et les aides sociales

Selon l’OCDE, le Danemark se place en 5ème position en termes de générosité (taux de remplacement de l’ancien salaire)…. Mais derrière cette générosité, il y a un système très strict puisque les demandeurs d’emploi doivent suivre des règles claires et des contrôles tout en étant durablement accompagnés et sanctionnés en cas de manquement. Par exemple, le bénéficiaire est dans l’obligation de décrocher 8 entretiens d’embauche dans les 6 mois qui suivent son inscription, le bénéficiaire doit pointer dans son job center tous les mois et en cas de défaut, il sera contrôlé à l’aéroport s’il souhaite prendre l’avion.

Cette doctrine est appelée “workfare”, soit un mot-valise entre welfare state (Etat-providence) et work (travail). Comment fonctionne ce système en détail, et en quoi permet-il au Danemark d’afficher un si faible taux de chômage (4,2% en 2022) ?

Au Danemark, le taux de chômage est à 4,2% (contre 7,1% en France pour rappel). 74% des 15-64 ans ont un travail rémunéré, soit huit points au-dessus de la moyenne de l’OCDE et les Danois entre 60 et 64 ans sont parmi ceux qui travaillent le plus en Europe (61%), de même que les jeunes Danois (15-24 ans, avec 57%).

Les règles générales

Au Danemark, le demandeur d’emploi dépend d’un job center pour sa recherche d’emploi… mais il doit souscrire à une caisse privée agréée par l’État, une a-kassen, non obligatoire pour percevoir une allocation chômage. Ces caisses sont ouvertes à toutes les personnes âgées de 18 à 65 ans (soit deux ans avant l’âge de départ à la retraite) et permettent de souscrire soit à une assurance à plein temps ou une assurance à temps partiel. Elles sont composées d’organisations de salariés ou de travailleurs indépendants et doivent assurer un revenu de remplacement aux adhérents de la caisse sans emploi.

D’abord, penchons-nous sur le cas du “chômage total”. Pour bénéficier des prestations de l’assurance chômage, la personne doit :

  • résider au Danemark ;
  • avoir entre 18 ans et l'âge de la retraite ;
  • ne pas travailler ni poursuivre d'études à temps plein ;
  • être affilié à une caisse d’assurance chômage depuis au moins 1 an ;
  • être inscrit dans un bureau local de placement (job center) ;
  • être apte au travail et rechercher activement un emploi ;
  • justifier de revenus professionnels d'au moins 254 328 couronnes danoises (soit 34 153 euros) sur les 3 dernières années (169 548 DKK, soit 22 768 euros, en cas d'assurance partielle), sachant que les revenus ne sont pris en compte que jusqu'à 21 194 DKK par mois (soit 2 846 euros, pour l’assurance complète).
  • être disponible (avoir un CV approuvé par jobnet.dk, être disponible pour commencer un travail le jour suivant, être activement à la recherche d’un emploi).

En outre, les personnes qui ont déjà été au chômage et qui ont épuisé leurs droits à l’indemnisation doivent reprendre un emploi pendant au moins un an au cours des 3 dernières années depuis leur dernière période de chômage (34 semaines en cas d'assurance partielle). Et si le chômage a été provoqué par le demandeur d’emploi, il doit s’attendre à trois semaines de carence avant de percevoir cette indemnité. De plus, les indemnités sont versées chaque mois et pendant au maximum 2 ans sur une période de 3 ans, tout pouvant être prolongées jusqu’au double de la période d’emploi.

Concernant le taux de remplacement, il est de 79% de l’ancien salaire selon l’OCDE, soit en 5ème place derrière la Lituanie, la Belgique, le Luxembourg, l’Islande et le Japon. Longtemps, le Danemark était même à la première place. Néanmoins, l’OCDE calcule le replacement rate pour un bénéficiaire gagnant 67% du salaire moyen : or, lorsqu'on calcule vis-à-vis du salaire moyen, on tombe à un taux de remplacement à 56%. D’ailleurs, il faut noter que les indemnités d’assurance chômage ne sont pas indexées sur l’inflation, ce qui peut abaisser davantage le taux de remplacement.

A noter que les jeunes diplômés et les moins de 25 ans touchent moins. Par exemple, si un jeune demande des indemnités de chômage juste après avoir terminé ses études, sans premier emploi, il ne pourra percevoir de prestations qu’à partir d’un mois. Concernant le montant maximal de l’indemnité, il varie selon les situations :

Montant maximal de l’indemnité chômage par mois (en brut) :

Situation

Activité à temps plein

Activité à temps partiel

Base

19 351 DKK (2 598€)

12 901 DKK (1 732€)

Vous venez de terminer vos études ou formations

13 836 DKK (1 858€)

9 224 DKK (1 239€)

Vous venez de terminer vos études ou formations + un enfant à charge

15 868 DKK (2 131€)

10 579 DKK (1 421€)

Moins de 25 ans

9 676 DKK (1 299€)

6 454 DKK (867€)

Travailleur indépendant

19 351 DKK (2 598€)

19 351 DKK (2 598€)

Chômage partiel et pré-retraite

Pour toucher le chômage partiel au Danemark, le salarié doit travailler 14,8 heures de moins par semaine par rapport au temps plein. Le montant des indemnités du chômage partiel est proportionnel à la réduction du temps de travail. Ces dernières sont versées pendant 30 semaines.

Le bénéficiaire de la pré-retraite doit remplir les conditions suivantes :

  • être affilié à une caisse d'assurance chômage depuis au minimum 30 ans et avoir commencé le versement de cotisation au plus tard le jour de son 30e anniversaire (des conditions d'affiliation plus souples s'appliquent aux personnes nées avant 1978) ;
  • se trouver à moins de 4 ans de l'âge légal de la retraite ;
  • être éligible aux indemnités de chômage, notamment remplir la condition de revenus ;
  • déclarer à sa caisse chômage les sommes accumulées dans un fonds de pension privé ;
  • résider au Danemark, dans un autre État de l'UE/EEE ou en Suisse.

Rappelons que le Danemark présente l’un des taux d’emploi des 60-64 ans les plus élevés en Europe : 61%, contre 33% en France.

Le système danois est assez généreux, avec en moyenne près de 80% du salaire qui pourra être perçu en assurance chômage pendant deux ans. Mais comment fait le Danemark pour afficher un taux de chômage si bas (4,2%) ?

En fait, les Danois ont mis en place un régime de “flexisécurité” depuis les années 1990.  L’embauche et les licenciements se font de manière simplifiée, et les bénéficiaires de l’assurance-chômage font l’objet de contrôles concernant leur insertion professionnelle. À l’origine au-dessus de 10%, le chômage a été divisé par deux en quelques années.

Ils parlent aussi de “Workfare” pour désigner l’ensemble des mesures d’activation pour le retour à l’emploi.

Pour être en règle, le chômeur doit se présenter à l’assurance chômage de son choix lors des deux semaines qui suivent le terme de son dernier emploi. Ensuite, il doit candidater dans des “jobs centers”, qui sont prévus à cet effet. Le demandeur d’emploi doit avoir décroché huit entretiens d’embauche dans les six mois qui suivent. L’efficacité de sa recherche est également scrutée : il doit se prévaloir de minimum deux lettres de motivation envoyées par semaine. De plus, il ne peut pas décliner des offres au motif qu’elles sont situées trop loin : un demandeur d’emploi non diplômé doit chercher dans tout le pays, et un diplômé dans une zone géographique correspondant à quatre heures de transport.

En échange de toutes ces contraintes, les demandeurs d’emploi disposent d’un suivi très important dans l’aide à l’insertion professionnelle : formations (jusqu’à six semaines pour des métiers en tension), entretiens réguliers (une fois par mois dans le job center), vérification par un conseiller de la cohérence des candidatures vis-à-vis du marché du travail… Mais en échange, le chômeur n’a pas le droit de “sécher” des rendez-vous avec son conseiller, s’il veut continuer à percevoir son indemnité. Et de toute façon, il est possible qu’il se fasse interpeller à l’aéroport s’il n’a pas pointé une fois par mois au job center.

Le bilan de cette politique de workfare : Le taux de sanction des chômeurs est de 46,3%. En France, il n’est que de 11,3%, alors que le chômage y est bien supérieur.

Liste des sanctions :

  • Si un chômeur ne se présente pas au job center ou à la caisse d’assurance chômage alors qu’il avait rendez-vous, il perd ses droits au chômage jusqu’à ce qu’il reprenne contact.
  • Si un chômeur ne se présente pas aux cours de “coaching” pour sortir du chômage, ou s’il interrompt un de ces cours, il peut être mis en quarantaine de trois semaines (c’est-à-dire ne rien toucher pendant cette période).
  • S’il annule systématiquement, ou s’il ne justifie pas régulièrement ses absences pour raisons médicales, une enquête sur sa disponibilité peut être menée par la caisse sur son profil. Les absences justifiées sont : entretien d’embauche, maladie, etc.
  • S’il ne prouve pas de recherche active sur un mois entier, il peut aussi être mis en quarantaine de trois semaines (voir ci-dessus). Cette quarantaine est en quelque sorte un carton jaune : à la deuxième quarantaine, les droits au chômage sont suspendus. Dans ce cas, si la personne veut revenir dans le système d’assurance chômage, elle doit remplir des nouveaux critères.
  • Les personnes qui ont accepté une offre doivent être particulièrement vigilantes lors de l’embauche : un abandon de poste après signature du contrat peut être synonyme de quarantaine également, de même qu’un licenciement dû au salarié.

L’aide financière au Danemark, également soumise à des contrôles réguliers

Au Danemark, les personnes qui ne peuvent pas subvenir à leurs besoins (souvent parce qu’ils ont épuisé tous leurs droits à l’assurance chômage) peuvent demander le kontanthjaelp. Cette aide financière va de 3 644 couronnes danoises (soit 489 euros, pour une personne de moins de 30 ans vivant chez ses parents) à 15 570 couronnes par mois (soit 2 091 euros, pour un parent de 30 ans ou plus).

Pour toucher cette aide, il faut que les conditions sociales aient évolué. La personne doit se montrer disponible sur le marché du travail, comme si elle était enregistrée dans une a-kasse. La personne doit avoir plus de 30 ans. Si elle est plus jeune, elle doit prouver qu’elle a fait une formation. Enfin, le bénéficiaire doit résider au Danemark depuis au moins sept ans. Enfin, l’allocataire ne peut toucher d' autres revenus.

Quelles sont les sanctions si le bénéficiaire ne respecte pas ces conditions ?

D’abord, les municipalités, en charge de ce contrôle, peuvent appliquer des sanctions financières et suspendre une partie ou le total de l'aide. Ces sanctions financières auraient un effet positif : les sanctions conduisent les citoyens à devenir autosuffisants – du moins les citoyens les plus proches du marché du travail.

Les bénéficiaires de cette aide ne peuvent pas non plus voyager librement, sans le mentionner à la municipalité. Par exemple, un bénéficiaire a perdu un tiers de ses prestations sur une durée de vingt semaines, parce qu’il s’était rendu dans la ville allemande de Flensburg, située à la frontière avec le Danemark sans tenir au courant sa commune. Les bénéficiaires doivent informer la municipalité s’ils partent à l’étranger et donner une date de retour, pour être sûr que la personne réside bien au Danemark. En cas de non-respect, la municipalité peut aussi demander le remboursement de l’aide versée pendant la période où le bénéficiaire n’était plus en règle.