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Comment nos voisins européens évaluent la qualité des services publics

Les dépenses publiques représentent en France 56,6 % du PIB. Elles sont plus élevées que la moyenne des pays européens. Mais la qualité des politiques publiques est-elle au rendez-vous ? Aujourd'hui, la France ne dispose pas des outils pour répondre efficacement à cette question : la Fondation IFRAP a donc enquêté sur les mécanismes et plateformes mises en place chez nos voisins européens pour suivre, évaluer et améliorer la qualité de leurs services publics, notamment l'éducation et la santé.

Pourquoi et comment évaluer la qualité des services publics ?

Dans un contexte où le « quoi qu’il en coûte » est terminé, le Gouvernement semble déterminé à une meilleure gestion de l’argent public. Cette prise de conscience a déclenché plusieurs initiatives, dont le lancement au mois d’avril dernier de la plateforme « en avoir pour mes impôts ». Mais cette mesure concerne seulement le coût des services publics proposés aux Français. Autre initiative gouvernementale, la revue de dépenses qui doit permettre de formuler des économies budgétaires. Mais pour y parvenir, encore faut-il s’appuyer sur des données fiables de qualité et de performance des services publics. Pour cela, il faut avoir accès aux données et permettre une évaluation partagée des services publics. Chaque citoyen devrait pouvoir consulter les données de gestion : non pas seulement le montant des dépenses publiques, mais aussi la qualité et la performance des services permettant de comparer les établissements publics entre eux (hôpitaux, collèges, lycées, collectivités, guichets administratifs…) et de pouvoir choisir les offres les plus efficaces. Dans cette perspective, des classements tendraient à diminuer l’opacité de la dépense publique et à stimuler la qualité de services.

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Selon le baromètre de l’institut Paul Delouvrier publié en 2022, l’image des services publics auprès des citoyens français est en baisse, après une amélioration constante depuis 2015. Les opinions favorables atteignent 46 %. Cette baisse concerne tous les domaines d’action, mais elle est particulièrement marquée dans deux secteurs : l’Éducation nationale et la Santé.

En France, les pratiques actuelles comprennent principalement des études de satisfaction des usagers. On peut penser au baromètre Marianne mené par le service « Expérience Usagers » de la direction interministérielle de la transformation publique et qui, depuis 2009, fait le point sur la qualité de l’accueil et de la relation usager dans une sélection de services publics. En 2019, 600 sites ont été testés, dont 149 services des impôts aux particuliers (plutôt satisfaisant) ou 157 tribunaux de grande instance (pas vraiment satisfaisante). Aucun site de santé n’a été concerné et pour l’éducation, ce sont les rectorats (pas vraiment satisfaisant) et les bibliothèques universitaires (plutôt satisfaisant) qui ont été testés. Ces initiatives suffisent-elles pour informer les citoyens ? Pour aller plus loin, il est capital que le Gouvernement mette en place une politique d’open data ambitieuse et accessible, pour les principales administrations françaises, permettant à des acteurs externes à la vie politique d’accéder à ces données et de réaliser des études et des classements davantage tournés vers l’information des citoyens. En favorisant la transparence et en facilitant l’accès aux données des administrations, cela encourage l’émergence d’un débat informé et éclairé sur les politiques publiques et l’amélioration continue des services publics grâce à des mécanismes de responsabilisation. Cela peut contribuer à une meilleure allocation des ressources, à l’identification des pratiques exemplaires et à la correction des dysfonctionnements. Elle favorise une gouvernance ouverte et responsable, permettant ainsi de répondre aux attentes des citoyens dans le contexte de l’amélioration des services publics sans augmentation des impôts.

Que retenir des exemples pour améliorer l'évaluation de la qualité des services publics en France ?

Les rapports de la Cour des comptes abondent de données sur la performance de notre système éducatif. L'association 60 millions de consommateurs a enquêté en 2022, sur la qualité de l’accueil téléphonique de l'Assurance maladie, l'Assurance retraite, Pôle emploi et la Cnaf. Tous les ans, Le Figaro ou Le Parisien proposent des classements des meilleurs lycées ou collèges. En 2021, Les Échos inaugurait un palmarès des maisons de retraite. Des initiatives existent pour évaluer la qualité de nos services publics mais des réglementations qui ne favorisent pas la transparence des données et la mauvaise volonté de l'administration empêchent de dresser des plateformes d'informations. Et ce, alors que l'insatisfaction des Français à l'égard d'un service public qui demande de plus en plus d'argent public, est grandissante. Pour y remédier, la Fondation IFRAP formule les propositions suivantes :

En matière de santé :

Les hôpitaux détiennent une multitude de données révélatrices de la qualité des soins, telles que les temps d’attente ou les résultats d’interventions chirurgicales.

  • S’inspirer de ce qui se fait au Royaume-Uni : publier sur un seul site et un seul listing les données suivantes : demande de soins hospitaliers d’urgence et planifiés, mesures de la capacité des hôpitaux, temps d’attente, effectifs et postes vacants.

  • Aller plus loin en mettant en place une obligation, comme en Allemagne, de publier sur le site de chaque hôpital un recueil de données statistiques : en premier lieu, les comptes financiers et RSU de l'établissement, mais aussi les rapports qualité où les hôpitaux indiquent le nombre d’interventions qu’ils effectuent, l’équipement technique dont ils disposent ou encore le nombre de personnels disponible par rapport aux patients. Ensuite, les mesures de certification par service. 

L’évaluation serait résumée enfin par un indicateur de moyens : nombre d’opérations/médecins par spécialité, un indicateur de satisfaction des patients, et enfin un indicateur de qualité médicale (taux d'infections, de réopérations, indicateurs de progès de l'état de santé) et une référence à la moyenne nationale. Sur ce dernier point, les hôpitaux français pourraient se rapprocher de ce qui se fait aux Pays-Bas.

En matière d'éducation :

Il est essentiel de réaliser un classement des collèges, lycées et universités en fonction d’indicateurs plus pertinents. Ces indicateurs pourraient inclure plusieurs aspects tels que le bien-être des élèves à l’école, la gestion financière de l’établissement, l’évolution académique des élèves pour chaque niveau scolaire, en mettant l’accent sur des matières clés telles que le français, les mathématiques et l’anglais. En outre, il serait judicieux d’analyser le taux d’absentéisme, ainsi que l’ancienneté des professeurs. Ces données pourraient servir de base pour élaborer des outils de comparaison permettant aux élèves et aux parents de juger les établissements et de choisir celui qui correspond le mieux à leurs attentes. En prenant en compte ces indicateurs, il serait aussi possible de fournir aux parties prenantes de l’éducation des informations essentielles pour évaluer la qualité des méthodes d'apprentissage des établissements scolaires et permettre de les piloter davantage.

  • On peut s’inspirer du Danemark et des Pays- Bas qui ont mis en place, institutionnellement ou via des associations, des cartes interactives qui permettent de consulter les données financières et le climat social de chaque établissement scolaire.

  • Comme en Italie, il est également possible de proposer une plateforme équivalente pour comparer les cursus de l’enseignement supérieur et leurs débouchés

  • Enfin, comme en Allemagne, il faut encourager la création de prix et concours décernés par des associations avec, à la clé, des récompenses financières pour les établissements les plus innovants et les plus performants.

Au niveau local : 

Il faut permettre aux citoyens de se doter des outils pour s’informer sur la qualité de gestion de leur collectivité :

  • Cela nécessite la mise en ligne d'un portail centralisé regroupant toutes les données concernant la gestion des services publics, données financières, administratives ou managériales. Ce portail permettrait la comparaison entre les communes et les ménages pourront évaluer comment les représentants politiques gèrent les finances publiques du territoire. De même, ce portail permettrait aux responsables d’améliorer leurs services en fixant des objectifs de convergence vers la moyenne.