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Rationalisation des moyens navals affectés à la fonction « garde-côtes »

La France avec son territoire métropolitain et ultramarin dispose du 2ème espace maritime au monde pour lequel sont conduites les missions dans les domaines suivants  :

  • sécurité publique : police du trafic maritime, lutte contre les produits stupéfiants, la pêche illicite et l’immigration illégale par voie de mer ;
  • salubrité publique : protection de l’environnement en mer ;
  • tranquillité publique : police de la piraterie maritime.

En vue de faire face à ces enjeux a été décidé lors du comité interministériel de la mer du 8 décembre 2009 de créer la fonction « garde-côtes » devant répondre aux exigences et priorités de l'action de l’État en mer (AEM) qui ont été définies dans le cadre de la stratégie nationale pour la mer et les océans (Livre Bleu du 8 décembre 2009). Cette fonction « garde-côtes » ne conduit pas actuellement à une fusion des dispositifs qui conservant chacune leur spécificité et leur savoir-faire sont les suivants1 :

  • ministère de la Défense : marine nationale et gendarmerie maritime2 ;

  • ministère de l'Intérieur : gendarmerie départementale, police nationale et sécurité civile ;

  • ministère des Finances : service des douanes ;

  • ministère de l'Environnement, de l'énergie et de la mer : administration des Affaires maritimes.

Dans le cadre de la mission et la fonction « garde-côtes », ont été créés :

  1. le comité directeur de la fonction « garde-côtes »3 présidé par le Secrétaire général de la Mer (SGMer)4 réunissant les directeurs des dispositifs cités supra qui a pour mission d'élaborer un schéma directeur d'évaluation des moyens, d'améliorer les procédures communes et les réseaux d’information et de communication, de mutualiser le MCO des moyens et la formation des personnels ;

  2. le centre opérationnel de la fonction « garde-côtes »5 placé sous l’autorité du SGMer et réunissant les principaux dispositifs cités supra, qui a pour mission de lui transmettre toutes les informations dans son domaine de compétence visant à améliorer leur fonctionnement dans le cadre d'une coopération nationale, européenne et internationale.

Pour assurer cette mission « garde-côtes », les dispositifs cités supra sont équipés de différents moyens notamment navals6 (notamment : patrouilleurs et vedettes) avec des capacités opérationnelles et d'origines diverses (publique et civile), voire obsolètes qui sont les suivants : 

Flotte de la Marine nationale participant plus particulièrement à la fonction « garde-côtes ».

Conclusion partielle : le tableau présenté supra met en évidence :

type de navire de la marine nationalenomdéplacement à pleine charge en tonnesdistance franchissable en nautiques avec vitesse en nœuds ou vitesse en nœudsautonomie en jourséquipagemis en servicedurée de service actif en 2017port d'attacheAtelier de construction ou de modification
Patrouilleur de haute-mer  : ancien bâtiment hydrographique (BH2)Argo9705200 à 12 nœuds2030199126PolynésieChantiers de l'Atlantique (Saint-Nazaire)
Patrouilleur de haute mer mis à la disposition gratuite par DCNS à la marine dans le cadre du soutien à l'exportAdroit1500 avec capacité de transport de 23 passagers et d'1 hélicoptère21 nœuds303220116ToulonDCNS
Patrouilleur de haute-mer – ancien palangrier hondurien saisi pour pêche illicite en 1997 dans les TAAFLe Malin1330 pouvant accueillir 27 passagers15 nœuds2016200512La réunionChantiers de Concarneau en 2011
Patrouilleur de haute mer – ancien aviso déchargé de leur armement lourdLV Le Hénaff12504500 à 15 nœuds1589197839BrestDCN Lorient
LV Lavallée12504500 à 15 nœuds1589197938Brest
CDT L'Herminier12504500 à 15 nœuds1589198136Brest
PM l'Her13304500 à 15 nœuds1589198136Brest
CDT Blaison13304500 à 15 nœuds1589198235Brest
EV Jacoubert14104500 à 15 nœuds1589198235Toulon
CDT Ducuing14104500 à 15 nœuds1589198334Toulon
CDT Birot14104500 à 15 nœuds1589198433Toulon
CDT Bouan14104500 à 15 nœuds1589198433Toulon
patrouilleur de service public type OPV 54Pluvier3904500 à 12 nœuds2121199720CherbourgConstructions mécaniques de Normandie
Cormoran3904500 à 12 nœuds2121199720Brest
Flamant3904500 à 12 nœuds2121199720Cherbourg
Patrouilleur P400La Moqueuse4804500 à 15 nœuds2130198730Nouvelle CalédonieConstructions mécaniques de Normandie
La Gracieuse4804500 à 15 nœuds2130198730Guyane
La Glorieuse4804500 à 15 nœuds2130198730Nouvelle Calédonie
La Capricieuse4804500 à 15 nœuds2130198730Guyane
Embarcation relève filets sur les eaux fluvialesLa CaouaneNavire de 23 mètres avec une vitesse de 12 nœuds : en cours d'essais, de validation et de qualification des équipagesGuyaneChantier Glehen

1/ la faiblesse du dispositif naval prépositionné outre-mer assuré en partie par les patrouilleurs P4007 qui présentaient l'avantage d'une monotypie et qui seront remplacés par une flotte de navires de type hétérogène, insuffisante et moins armée :

  • bâtiments multi-missions (B2M)  :

B2Mdéplacement à pleine charge (en tonnes)capacité de transportéquipagedistance franchissable en miles nautiquedate de mise en service actifDOM/COM de base
Soit en personnelsSoit en matériels en tonnesofficier
D'Entrecasteaux230017220255000 à 12 nœuds2016Nouvelle-Calédonie
Bougainville230017220255000 à 12 nœuds2016Polynésie
Champlain230017220255000 à 12 nœudsprévu en 2017Réunion
Dumont d'Urville230017220255000 à 12 nœudsprévu en 2018Antilles-Guyane
  • patrouilleurs hauturiers légers guyanais :

nomdéplacement à pleine charge en tonnesdistance franchissable en nautiques avec vitesse en nœuds ou vitesse en nœudsautonomie en jourséquipagemis en servicedurée de service actif en 2017port d'attacheAtelier de construction ou de modification
La Confiance700 avec capacité de transport de 14 passagers3500 à 12 nœuds122420162GuyaneSocarenam– Saint-Malo et Boulogne
La Résolue20171

2/ l'obsolescence des patrouilleurs de haute-mer8 qui nécessite un remplacement dans les plus brefs délais9 par les bâtiments de surveillance et d'intervention maritime (BATSIMAR) dont la livraison des premiers exemplaires ne devrait intervenir, au mieux, qu'au début des années 2020.

Flotte de la Gendarmerie maritime.

type de navire de la gendarmerie maritimenomdéplacement à pleine charge en tonnesdistance franchissable en nautiques avec vitesse en nœuds ou vitesse en nœudséquipagemis en servicedurée de service actif en 2017port d'attacheAtelier de construction ou de modification
Patrouilleur : ex-chalutier dunkerquois acheté en 1996Fulmar5501211199621Saint-Pierre et MiquelonChantier LNI et DCN
Patrouilleur côtierGéranium982814199720LorientChantier DCN
Patrouilleur côtierVioletteMartinique
Patrouilleur côtierJonquilleCherbourgChantier Couach/Plascoa Arcachon
Patrouilleur côtierJasminNouvelle Calédonie
Patrouilleur de surveillance appartenant auparavant à la DGA qui étaient affectés à la protection du centre d'essais des LandesAthos1081200 à 15 nœuds10198037CherbourgChantier naval de l’Estérel
Aramis
vedettes côtières de surveillance maritime du même typeau nombre de 24422592003 – 20041319 en métropole et 5 outre-merRAIDCO Marine
vedettes de surveillance maritime et portuaire du même typeau nombre de 810358201168 en métropole

Conclusion partielle : le tableau présenté supra met en évidence certes une harmonisation de sa flotte de vedettes mais aussi l'obsolescence des patrouilleurs.

Flotte du service des Douanes.

type de navire des douanesMétropoleMartiniqueGuadeloupeSaint-MartinGuyaneMayotteTotal
vedettes garde-côtes121111016
vedettes de surveillance rapprochée de 14 mètres8000008
vedettes de surveillance rapprochée de 10 mètres2220017

Conclusion partielle : il est à noter  l'absence de moyens navals dans le Pacifique (Nouvelle-Calédonie et Polynésie10) et une harmonisation de sa flotte de ses 8 vedettes de surveillance rapprochée de 14 mètres (ORC120) effectuée par les chantiers naval Bernard.

Flotte de l'administration des Affaires maritimes11.

type de navire des Affaires maritimesnomdéplacement à pleine charge en tonnesvitesse en nœudséquipagemis en servicedurée de service actif en 2017port d'attacheAtelier de construction ou de modification
Patrouilleur – ancien navire de défense aérienne de la marine construit en 1988 et refondu en 1996Iris2102315199621LorientConstructions mécaniques de Normandie
PatrouilleurThémis4092113200413CherbourgConstructions mécaniques de Normandie
Patrouilleur austral – ancien palangrier congélateur espagnol construit en 1968, saisi pour pêche illicite en 2003 dans les TAAFOsiris729912200349 – projet de remplacement en cours d'étudeLa réunionMis en œuvre par SAPMER et appartenant au GIE « Protection Légine et ressources halieutiques »
vedettes régionales de surveillanceMauve71269198431MarseilleChantier naval L’Estérel
Gabian71269198629La RochelleChantier naval L’Estérel
Armoise93229199522Boulogne sur MerDCN Lorient
vedettes côtières, de surveillance rapprochée et littorale24 dont 19 en métropole et 4 en outre-mer de différents types et d'une durée de service actif entre 16 et 35 années

Conclusion partielle : ce tableau met en évidence une flotte de navires en majorité obsolète et hétérogène.

Conclusion générale

Ce bilan présenté supra qui ne prend pas en compte les bâtiments de la gendarmerie et de la police nationales et de la sécurité civile qui sont par nature et volume moins importants et les navires spécifiques de la marine nationale (remorqueurs en propre ou affrétés12...) et des Affaires maritimes (baliseurs, travaux, vedettes de balisage...), met en évidence l'hétérogénéité des flottes voire leur obsolescence même si la gendarmerie maritime dispose d'une flotte harmonisée récente de vedettes.

Dans une logique budgétaire contrainte et suite au rapport de la Cour des comptes de février 2017 mettant en exergue les problèmes de financement de la réalisation des navires du service des douanes et en vue d'harmoniser les différentes flottes il apparaît nécessaire de :

  • regrouper au sein d'un département ministériel unique13 chargé de la sécurité intérieure (avec la police et la gendarmerie nationales) le service des douanes, l’administration des Affaires maritimes et la gendarmerie maritime14 effectuant cette mission identique « gardes-côtes » ;

  • confier la réalisation et le MCO de leurs moyens navals à un organisme unique tel que la direction générale de l'armement (DGA) du ministère de la défense qui avec son expertise de qualité œuvre au profit des ministères de la défense, de l'intérieur et de la mer ;

  • faire appel à la participation financière de l'UE15 dans le cadre de l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex).

Cette restructuration qui peut s'appuyer sur le retour d'expérience du Centre maritime commun en Polynésie française, est d'autant plus urgente que la ZEE de la France a été récemment étendue16 et que la CLPC (Commission des limites du plateau continental) doit se prononcer sur les demandes de la France relatives à son extension concernant d'autres territoires ultra-marins riches en ressources halieutiques et en hydrocarbures sous-marins : archipel des Crozet, La Réunion, Saint-Paul et Amsterdam, Wallis et Futuna, Saint-Pierre-et-Miquelon. Sous réserve d'un accord, la France possédera alors le plus grand domaine maritime mondial.

De plus, la France doit doter, pour assurer la sécurisation de sa ZEE actuelle et ultérieurement élargie, sa marine nationale qui peut apporter son concours à la fonction « garde-côtes », avec des moyens navals de haute technologie et harmonisés, associés à des systèmes d'observation et d'intervention de la 3éme dimension embarqués ou non : drones, satellites, et aéronefs.


1A laquelle se rajoute la société nationale de sauvetage en mer (SNSM - association reconnue d'utilité publique) qui bénéficie d'un financement de l’État (ministère de la mer) et des collectivités à hauteur de 35% de son budget annuel.

2Composante de la Gendarmerie nationale mise pour emploi auprès de la Marine nationale qui la finance (environ 1.100 militaires).

3Confer le décret n° 2010-834 du 22 juillet 2010 relatif à la fonction garde-côtes. 

4Dépendant du Premier ministre.

5Confer le décret n° 2011-919 du 1er août 2011 relatif au centre opérationnel de la fonction garde-côtes.

6Cette mission « garde-côtes » est aussi assurée par des moyens aériens (avions et hélicoptères) et terrestres (sémaphores).

7Créés dans les années 1980 dans le cadre de la protection de la Zone Économique Exclusive (Z.E.E.) de 200 nautiques dans les DOM-COM : sur les 10 navires réalisés, 2 ont été vendus au Kenya et au Gabon, 4 ont été désarmés, et 4 devraient être désarmés selon le calendrier suivant : La Capricieuse et La Gracieuse en 2017, La Glorieuse et La Moqueuse en 2020.

8A titre d'exemple, la marine nationale prépositionnée en Nouvelle-Calédonie n'a pas pu empêcher en raison d'indisponibilité technique de ses navires la fuite de navires vietnamiens arrêtés pour pêches illicites dans la ZEE en janvier 2017.

9Confer l'audition du chef d'état-major de la marine à la commission de la défense et des forces armées de l'Assemblée nationale le 16 octobre 2016.

10Notamment suite à l'échouement du navire DF 48 Arafenua le 1er juin 2014 sur l'atoll de Tikei dans l’archipel des Tuamotu

11Cette flotte opérationnelle ne prend pas en compte les navires spécifiques tels que les bâtiments de travaux.

12Une flotte d'environ 38 navires dont 5 affrétés.

13Qui pourra aussi financer en partie la SNSM disposant d'une flotte d'environ 150 vedettes et canots tous temps de différents types.

14Ce rattachement ne doit pas exclure la mission protection de certaines bases navales sensibles par la gendarmerie maritime.

15Confer le Rapport d'information n° 418 (2004-2005) de MM. André BOYER et Jean-Guy BRANGER, fait au nom de la commission des affaires étrangères du Sénat, déposé le 22 juin 2005 précisant que l'UE a financé à hauteur de 35% le programme de renouvellement des 22 vedettes de la gendarmerie maritime d'un montant de 27 millions d'euros à la condition de consacrer une part de son activité à la police des pêches et a participé à la réalisation du patrouilleur des Affaires maritimes Thémis.

16Conformément aux 4 décrets n° 1180 à 1183 du 25 septembre 2015 fixent les limites extérieures du plateau continental de la France, en application de l’article 76 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 (dite « Convention de Montego Bay »), au large du territoire de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane, des îles Kerguelen et de la Nouvelle-Calédonie.