Immobilier : -12,5% de biens à louer, +10% de demande, +3,4% de loyers

Après le retournement spectaculaire de la période 2022-2024, le marché de l’immobilier reste toujours dans l’expectative : l’offre locative reste toujours insuffisante, entraînant une pression à la hausse sur les loyers : selon le baromètre Bien Ici, sur un an, on observe une baisse de l'offre locative de -12,5% tandis que la demande progresse de +10%, entrainant une hausse de+3,4% des loyers. Les signes de reprise de l'acquisition dans l'ancien sont encore timides et soumis à l’environnement financier international. Quant à la construction neuve, elle reste encore près de 30% en dessous de son niveau pré-Covid. Si le gouvernement a fait passer des mesures en faveur de l’accession, elles sont contrariées par la hausse de DMTO que promettent de mettre en œuvre de près de 4 départements sur 5. Seul un signal fort peut encourager les investisseurs privés à revenir vers le marché locatif : c’est le sens du rapport que la ministre a commandé à deux parlementaires pour préparer un statut de bailleur privé. C’est aussi le sens de la proposition de loi déposée par Charles de Courson en faveur d’une taxation au PFU des revenus locatifs. Ces textes doivent être l’occasion de convaincre que le logement est une nécessité et que les bailleurs ne sont pas des rentiers.
Les derniers chiffres de l’observatoire Bien Ici indique que l’offre locative a reculé au 1er trimestre 2025 de 12,5% de biens à louer, affichant un stock au plus bas sur les 5 dernières années. Dans le même temps, la demande progresse :+10% de contacts sur les annonces avec deux fois plus de contacts qu’il y a 4 ans. Sans surprise avec une demande à la hausse et une offre à la baisse, les loyers augmentent au niveau national de +3,4% sur les 12 derniers mois[1].
Ces phénomènes sont amplifiés dans les grandes métropoles où la pression locative reste forte même si les prix ont reculé et malgré le repli des taux des crédits immobiliers. C’est particulièrement vrai dans la capitale où comme on le voit sur ce graphique exprimé en base 100, l’offre locative a reculé de 25%[2].
Toutefois, le marché de l’acquisition se redresse un peu depuis fin 2024. La tension sur la demande de biens à l’acquisition repart ce qui est une bonne nouvelle pour le marché locatif puisque par ricochet cela relâche un peu la pression qu’il subit.
Cette reprise peut s’expliquer par une baisse des taux des crédits immobiliers entre mi-2024 et début 2025 et une baisse des prix plus ou moins prononcée selon les zones. Mais il faut rester prudent :
- Cette baisse des taux des crédits immobiliers reste sensible à l’environnement financier international et aux décisions des banques centrales. L’observatoire des crédits souligne que les taux de prêts ont légèrement remonté entre mars et avril 2025.[3]
- Les crédits se caractérisent par des durées longues : près de 70% des prêts ont des durées supérieures à 20 annuités. S’ils parviennent à solvabiliser en partie la demande, il s’agit davantage de ménages aux revenus aisés. Cela ne résout pas entièrement les difficultés du marché locatif.
Il faudra aussi compter sur l’effet de la remontée des DMTO : en effet avec la loi de finances pour 2025, il est permis aux départements de remonter de 0,5 pt le taux des DMTO. Ce relèvement est autorisé dans la limite d’un taux de DMTO part départementale de 5%. Selon la Gazette des communes, ils sont au moins à avoir adopté une hausse à 5% du taux de DMTO[4]. Cette hausse représente selon SeLoger 500€ par tranche de 100 000 € de valeur du bien[5].
Méthodologie : calcul pour un bien (appartement) de 100 m²
Cependant il faut bien rappeler que cette hausse ne s’appliquera pas aux primo-accédants pour l’achat de leur résidence principale[6].
Quelles seraient les solutions ?
La ministre du Logement V. Létard a annoncé dès sa prise de fonction une salve de propositions : elle a annoncé une série de mesures de simplification normative et un fonds de soutien aux maires bâtisseurs. Elle souhaite favoriser le changement d’usage des bureaux vacants ou des bâtiments industriels pour permettre de produire plus de logements. Dans un contexte de réduction du déficit public, la ministre n’a pas souhaité reconduire le dispositif Pinel, mais le PTZ a été élargi à tout le territoire et tous types de logement dans le PLF, accompagné de mesures d’exonération de frais de succession.
Elle s’est surtout prononcée en faveur d’un statut du bailleur privé. Elle a confié une mission à l’ancien ministre du Logement et député MP Daubresse et à M Cosson député afin de moduler les règles fiscales et simplifier les relations bailleur-locataire. "Le statut du bailleur privé doit reconnaître l'engagement des propriétaires particuliers qui investissent dans le marché locatif et leur donner envie d'investir davantage, à hauteur de nos besoins", a déclaré Valérie Létard dans le Monde. Ce statut ouvrirait droit à un abattement fiscal pour les investisseurs privés, pour les inciter à mettre en location leurs biens vacants[7].
De son côté, le rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale, Charles de Courson a déposé une proposition de loi pour soumettre les revenus fonciers au prélèvement forfaitaire unique, à 30 %[8]. L’objectif est double : aligner la fiscalité de l’immobilier sur celle de l’épargne et relancer le logement.
« Nous sommes en pleine crise du logement, qui s’aggrave par une défaillance grandissante de l’offre, constate Charles de Courson auprès de l’Opinion. « Tout est fait pour dissuader les investisseurs, alors même que l’épargne s’accroît : les relations parfois compliquées entre propriétaires et locataires, les prix élevés, la fiscalité confiscatoire, souligne-t-il. Et ce alors que le parc locatif privé est plus important, en nombre de logements, que le parc social ! »
La mesure ne concernerait toutefois que les achats de logements neufs (ou ceux achevés depuis moins de cinq ans), une manière de pallier aussi à la disparition du dispositif Pinel. Les biens ainsi mis en location seraient exonérés de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI).
Cette solution s’écarte de la proposition de la ministre « J’ai privilégié le PFU, car il s’agit d’un dispositif clair, qui crée un équilibre fiscal entre les différents placements. De plus, l’amortissement n’exonère pas l’immobilier de l’IFI et entraîne un autre problème : comment calcule-t-on alors la plus-value ? », explique Charles de Courson.
Ces initiatives doivent toutefois convaincre dans un contexte de menaces d’augmentations d’impôts : ainsi, l’U2P déclarait récemment vouloir réinjecter plus de 100 milliards d’euros dans le soutien au travail et prévoit pour cela de demander un effort aux retraités, aux rentiers, aux plus aisés ou encore aux héritiers[9]. Considérant qu'il est « plus difficile de gagner de l'argent en travaillant qu'en louant un appartement », les artisans et commerçants veulent aussi augmenter les prélèvements sur les revenus locatifs (avec une hausse de CSG). L'Union suggère encore « deux réformes majeures des droits de succession », avec l'instauration d'un plancher de droits minimums de 10 à 20 % pour « les 10 % d'héritiers les plus chanceux, à partir de 500.000 euros par héritier environ ». Dans le même temps, le régime fiscal pour la transmission d'entreprise (Dutreil) serait rendu plus avantageux.
Il est erroné d’opposer soutien au marché du travail et politique en faveur du logement. Outre le fait que le marché du logement est porteur de milliers d’emplois et qu’il génère d’importantes rentrées fiscales qui finance le modèle social, le logement fait partie des éléments indispensables à un soutien à l’économie : par exemple dans des départements en tension économique (ex. Vendée), l’accès au logement devient un frein au recrutement. De même en matière de soutien aux familles, alors que la France déplore une natalité en berne, le désir d’enfants est souvent bridé par la difficulté d’accéder à des logements plus grands et restant accessibles.
[1] https://corporate.bienici.com/actualites/press-details/statici-le-barometre-trimestriel-bienici
[2] https://aviv-brand.seloger.com/document/4#/avril-2025/marche-locatif-parisien-la-pression-reste-forte
[3] https://www.lobservatoirecreditlogement.fr/derniere-publication
[4] https://www.lagazettedescommunes.com/981746/82-departements-ont-porte-le-taux-des-dmto-a-5/
[5] https://aviv-brand.seloger.com/document/4#/avril-2025/hausse-des-dmto-quel-impact-a-venir-sur-les-transactions
[6] https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A18183
[7] https://www.nantesimmo9.com/actualites/politique/gouvernement-bayrou-vers-un-retour-du-statut-du-bailleur-prive
[8] https://www.lopinion.fr/economie/fiscalite-le-rapporteur-general-du-budget-veut-alleger-limpot-pour-les-proprietaires-bailleurs
[9] https://www.lesechos.fr/economie-france/social/le-big-bang-fiscal-des-artisans-et-commercants-pour-que-le-travail-paie-mieux-2163799