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Quel rôle de l’Etat dans les programmes d’Emmanuel Macron et Marine Le Pen ?

Tandis que la dépense sociale gonfle, l’État régalien est sacrifié. De 2018 à 2021, la dépense sociale passait de 25 à 28% de PIB et la dépense de sécurité intérieure (dont justice) stagnait à 1,63 % du PIB. Pour répondre à ce déséquilibre, les deux finalistes proposent un effort régalien similaire : Marine Le Pen, 18,5 milliards d’euros et Emmanuel Macron, 17 milliards d’euros… mais ils manquent tous les deux d’inspiration sur la question d’une réorganisation des compétences non régaliennes entre l’Etat, les collectivités et la Sécurité sociale.  

Défense - La France y consacre 2% de son PIB comme cela est demandé aux membres de l’OTAN. Emmanuel Macron souhaite poursuivre cet objectif et y ajouter 3 milliards d’investissements pour avoir une armée aux matériels modernisés d’ici 2030. Il prévoit aussi de financer les études des réservistes à hauteur de 2 500 euros sur 5 ans. Marine Le Pen, elle, souhaite sortir de l’OTAN, engager un plan de recrutement dans les armées et augmenter le budget de la Défense de 14 milliards d’euros d’ici 2027.

Immigration - Marine Le Pen se distingue par sa volonté de soumettre son projet de loi à un référendum en octobre 2022. Elle souhaite réserver le versement des aides sociales aux étrangers justifiant de 5 ans de travail en France, systématiser l’interdiction du territoire pour les étrangers condamnés à des actes graves (et à leurs parents dans le cas de mineurs) et suspendre tout mécanisme d’acquisition automatique de la nationalité française. La candidate attend 20 milliards d’économies de cette politique de « préférence nationale ». Emmanuel Macron souhaite créer une « force de frontières » nationale, accélérer les procédures d’asile et de droit de séjour tout en expulsant plus efficacement les déboutés. Il propose aussi de n’accorder les titres de séjour longs qu’aux étrangers ayant réussi un examen de français et d’expulser les étrangers qui troublent l’ordre public tout en facilitant l’accueil des « combattantes et combattants de la liberté ».

Justice - Emmanuel Macron veut recruter 8 500 magistrats et personnels de justice et simplifier la justice pour les délits du quotidien via des amendes forfaitaires qui seront prélevées sur les revenus. Coût : 2 milliards par an. Marine Le Pen, elle, vise le recrutement de 1 000 magistrats, 1 000 greffiers et assistants juridiques et 7 000 agents pénitentiaires. En plus, elle compte geler toute fermeture de tribunal, lancer un plan de modernisation des bâtiments judiciaires et construire 20 000 places de prisons en 6 ans. Coût : 3 milliards d’euros par an. En parallèle, elle compte aussi rétablir la perpétuité, les peines planchers, durcir le sursis et s’engage à voter tous les 5 ans une loi de programmation pour la Justice… et une loi de programmation pour la Sécurité.

Sécurité intérieure - Marine Le Pen souhaite flécher 5% des investissements d’avenir vers le secteur de la sécurité et créer 7 000 postes de policiers et gendarmes, 1 000 postes pour l’Office central antistupéfiants et 3 000 postes d’agents administratifs pour les contrôles aux frontières. Elle propose aussi de créer une école de formation des policiers municipaux et rendre obligatoire la mise en place d’une police municipale armée pour les villes de plus de 10 000 habitants. Coût : 1,5 milliard par an. Emmanuel Macron, lui, vise un investissement supplémentaire de 15 milliards en 5 ans et veut notamment doubler la présence des forces de l’ordre sur la voie publique et recruter 1 500 cyberpatrouilleurs.

Reste la question du partage des missions publiques non régaliennes entre l’Etat, les collectivités et la Sécurité sociale - La France a une répartition des compétences complexe et coûteuse (84 milliards d’euros de surcoût par an selon l’OCDE). Après l’échec de la loi 4D, Emmanuel Macron veut proposer aux communes une « organisation à la carte », leur donner la responsabilité en matière de logements et sanctuariser les dotations… tout en prévoyant 10 milliards d’économies sur les collectivités. Il propose aussi de recentraliser la gestion du RSA « à la source » et de fusionner l’élu départemental et l’élu régional en un seul conseiller territorial tout en renforçant la présence de l’Etat via les sous-préfectures. Marine Le Pen, elle, veut revenir sur le découpage des régions de la loi NOTRe et s’interroge sur la « pertinence du cadre départemental actuel ». Si son programme ne fixe pas une nouvelle répartition des compétences, la candidate a avancé des pistes comme une recentralisation des compétences transport ou aide sociale à l’enfance. On est là encore très loin de la décentralisation qui s’applique dans les autres pays de la zone euro.