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A quand la transparence sur les rémunérations à l'Assemblée nationale ?

L'Assemblée nationale dispose d'un statut légal et budgétaire d'exception au sein des organismes de l'État, qui se décline en une autonomie réglementaire, administrative et juridictionnelle qui débouche sur une autonomie financière et budgétaire. Les règlements intérieurs de l'Assemblée ne sont pas rendus publics, pas plus que les arrêtés pris par le bureau de chaque Assemblée ou les questeurs. Ce fonctionnement manque de transparence.

[( Ce texte a été publié sur Le Monde.fr mercredi 20 juin 2012. Il est signé par Agnès Verdier-Molinié.)]

Échappent ainsi à la lumière du jour les statuts et rémunérations des agents de la fonction publique parlementaire, de l'organisation du travail au sein de l'Assemblée nationale, de ses bilans sociaux, de l'activité des parlementaires, du travail en commission, etc. Il importe donc que l'Assemblée nationale ne se retranche pas derrière l'ordonnance du 17 novembre 1958 et les exceptions de la loi du 17 juillet 1978 sur le libre accès aux documents administratifs et aux données publiques pour refuser la communication de sa réglementation intérieure.

L'étude comparative que nous avons menée sur la question montre clairement que les Assemblées britannique et allemande ont des budgets sensiblement similaires (451 millions d'euros pour le Bundestag et 422 millions d'euros pour la Chambre des communes), mais que la France est au-dessus d'environ 110 millions d'euros par an.

Les charges de personnel jouent un rôle important dans cet écart. L'Assemblée nationale offre en effet une rémunération moyenne, toutes catégories de personnel confondues, de plus de 7.700 euros brut par mois et par agent. C'est près de 77% de plus que pour un agent du Bundestag et près de deux fois plus qu'en Grande-Bretagne.

Ces rémunérations exorbitantes, qui peuvent aller jusqu'à une moyenne d'environ 17 000 euros brut par mois pour les personnels les plus gradés, s'expliquent par le mode de rémunération des travaux supplémentaires des agents de l'Assemblée nationale. Curieusement, même s'ils sont seulement 300 ou 400 présents sur 1 350 pendant les séances de nuit, tous les agents de l'Assemblée bénéficient des heures supplémentaires. Ce sont ces heures, calculées en fonction du salaire de base, qui permettent de doubler, voire de tripler, les rémunérations des agents.

Au total, ce sont environ 48,4 millions d'euros qui sont versés chaque année en heures supplémentaires. Ces 48,4 millions correspondent à peu près au surcroît de dépenses de personnels que l'on constate à l'Assemblée par rapport au Bundestag ou à la Chambre des Communes.

Cette étude montre aussi que, comparativement avec leurs collègues allemands et britanniques, les députés français perçoivent des indemnités plus confortables : 162 146 euros contre 139 644 euros pour un député allemand et un maximum de 105 188 euros pour son homologue britannique. L'indemnité du député comprend trois éléments : l'indemnité parlementaire de base (5 514,68 euros), l'indemnité de résidence (165,44 euros) et l'indemnité de fonction (1 420,03 euros), soit un brut mensuel de 7 100,15 euros. Sur le plan fiscal, c'est un net mensuel de 5 189,27 euros.

En outre, les députés reçoivent une indemnité de frais de mandat (IRFM) de 6 412 euros brut. Le problème qui se pose avec cette IRFM est la transparence de son utilisation. La Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (iFRAP) propose que cette indemnité soit désormais imposable et que les frais professionnels soient justifiés auprès des services fiscaux.

Par ailleurs, les retraites des parlementaires sont toujours 2,5 à 3 fois plus coûteuses que celles du régime général. En 2009, les retraites des députés ont été financées à hauteur de 22,6 millions d'euros par les cotisations salariés et employeur légales, auxquelles il a fallu ajouter 42,06 millions de subventions.

Pour leur part, les agents de l'Assemblée ont eu aussi un niveau de retraite supérieur à celui de la fonction publique d'État. Le maximum serait d'environ 6 000 euros par mois, soit plus que dans la fonction publique d'État, où la retraite maximum est autour de 5 000 à 5 500 euros par mois...

Quant à la réserve parlementaire, cette enveloppe d'environ 90 millions d'euros en 2012, elle sert à financer des projets locaux à la demande des députés. Il est impossible de connaître précisément quel montant est attribué à quel député et quels députés en bénéficient. La fondation iFRAP demande qu'un rapport soit préparé tous les ans sur cette réserve, les montants accordés et la ventilation de ces montants jusqu'au destinataire final.

Chaque année, deux magistrats de la Cour des comptes assistent à la confection du budget de l'Assemblée nationale, mais cette Cour n'audite pas les finances de l'Assemblée. Il est temps de revoir ce fonctionnement.

[( Consultez l'étude complète de la Fondation iFRAP sur les dépenses de l'Assemblée nationale )]