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OPEX : pour une redéfinition de leur nature

Les engagements de la France sur les théâtres extérieurs d'opérations (TEO) se traduisent par des surcoûts OPEX (opérations extérieures) supportés par le ministère de la Défense (MINDEF) de plus en plus importants comme l'atteste le tableau présenté ci-dessous qui met en évidence un dépassement récurrent entre les prévisions inscrites dans les différentes lois de finances et les exécutions budgétaires annuelles :

Source : ministère de la Défense.

Ces dépassements tiennent compte des remboursements de pays tiers qui ont bénéficié de prestations du MINDEF (ex : service de santé des armées) et des organisations internationales, notamment l'ONU pour la mise à disposition d'unités et de personnels dans de la cadre d'opérations de maintien de la paix dont elle assure le commandement.

Alors que les surcoûts OPEX 2014 devraient dépasser les 1,1 milliard d'euros, leur prise en compte financière est assurée en partie  dans le cadre d'un abondement interministériel (conformément à l'article 4 de la loi de programmation militaire 2014-2019) et le reliquat étant à la charge du MINDEF dans le cadre de la loi de finances rectificative (LFR). Ces imputations font l'objet, chaque année, de négociations parfois difficiles entre les ministères de la Défense et du Budget nécessitant bien souvent des arbitrages au niveau du Premier ministre.

Surcoûts OPEX par opération de 2008 à 2014 (en millions d'euros).

Zone

Théâtre

Opération

2008

2009

2010

2011 (6)

2012

2013

2014 (7)

Europe

Kosovo

TRIDENT

103,4

81,8

64,7

47,3

39,9

33,5

19,3

Bosnie

ASTREE

5,2

2,4

0,1

/

/

2,2

2,4

Afrique

Libye

HARMATTAN

/

/

/

368,5

/

/

/

RCI

LICORNE (1)

107,6

72,7

65,9

64,0

63,1

60,7

62,3

Tchad

EUFOR TCHAD

109,8

68,0

0,3

/

/

/

/

EPERVIER (2)

93,2

111,9

84,6

97,4

115,5

105,6

189,7

Sahel

SERVAL (2) (3)

/

/

/

/

/

641,7

293,6

EUTM MALI

/

/

/

/

/

8,2

6,4

République
Centrafricaine

BOALI

13,3

11,1

11,5

12,6

14,3

27,5

/

SANGARIS (4)

/

/

/

/

/

/

233,7

EUFOR RCA

/

/

/

/

/

/

15,1

Océan Indien

ATALANTE (5)

/

21,0

41,5

29,4

30,1

19,3

13,9

Asie

Liban

DAMAN

81,4

90,3

83,3

78,6

76,3

56,5

57,4

Afghanistan

PAMIR HERACLES EPIDOTE

292,4

387,2

482,7

518,3

485,3

249,6

132,7

Autres

HAITI

/

/

5,6

0,7

/

/

/

autres opérations

24,0

24,1

20,0

29,7

48,9

45,4

92,5

Total

 

830,3

870,5

860,1

1 246,5

873,4

1 250,2

1 119,0

Source : ministère de la Défense

  1. LICORNE + CALAO/ONUCI + CORYMBE
  2. Les opération EPERVIER et SERVAL, regroupées sur le plan opérationnel (opération BARKHANE) depuis le 1er août 2014 restent suivies séparément sur le plan financier durant toute l'année 2014.
  3. SERVAL + MISMA/MINUSMA
  4. SANGARIS + MISCA/MINUSCA
  5. ATALANTA (opération de l'UE) y compris le volet français de l'opération consistant à fournir des équipes de protection embarquées (EPE) à certains navires.
  6. Il s'agit des surcoûts en AE ; l'écart de 76 millions d'euros avec les CP (1 171 millions d'euros) résulte du paiement prévu en 2012 du reste des livraisons de munitions destinées à reconstituer le stock tiré en Lybie.
  7. A cette prévision de surcoût s'ajoute la perte de recettes hospitalières du service de santé des armées en raison du niveau important de projection en OPEX des équipes chirurgicales. Cette perte est évaluée à 8,5 millions d'euros pour 2014.

Une étude sur les surcoûts OPEX, notamment leur périmètre financier et budgétaire, suppose de faire un inventaire des interventions opérationnelles extérieures de la France depuis 1945. Le but est de mettre en évidence la nécessité de définir, dans un cadre interministériel, un régime juridique et réglementaire des OPEX qui est un préalable pour obtenir la sincérité budgétaire de leurs dépenses.

Bien avant la fin des combats en Afrique du Nord[1], la France a été et est engagée dans de nombreuses interventions opérationnelles dont les TEO (théâtres extérieurs d'opérations) se situent sur tous les continents :

  • de façon récurrente : des pays africains francophones (ex : Tchad depuis 1969, Centrafrique depuis 1978...) et autres (ex : Libéria, Sierra Léone, Somalie, Érythrée-Éthiopie, Angola, Ouganda...) ou du Moyen-Orient (ex : Liban depuis 1978...) ;
  • sur des longues durées (plus de 10 ans) : Balkans (ex-Yougoslavie et Albanie 1992 - 2014), Afghanistan (2001-2014),
  • de façon ponctuelle : sur les continents asiatique (ex : Cambodge dans le cadre de l'APRONUC en 1992-1993, au Timor oriental en 1999, en Asie du sud-est suite aux catastrophes naturelles en Indonésie en 2004) et américain (Haïti dans les années 2000), mais aussi dans le Caucase (Géorgie - 1993).

Les interventions opérationnelles de la France dont les formes sont diverses, peuvent être classées de la façon suivante :

  • opérations de combats contre des forces armées de pays (Irak en 1990-1991, Serbie en 1999), des factions rebelles (notamment en Afrique), des bandes de mercenaires (Comores en 1989 et 1995), des groupes terroristes (Afrique, Irak, Mer Rouge...) et des cartels mafieux (ex : Mer des Caraïbes),
  • missions d'interposition entre belligérants multinationales (ex : Beyrouth en 1982-1984 au sein de la FMSB[2]) et internationales (ex : Liban depuis 1978 au sein de la FINUL),
  • missions de surveillance des espaces aériens et maritimes nationaux et de pays amis (ex : Pays Baltes), ainsi que de zones de combat (ex : Crimée en 2012),
  • mise à disposition de personnels détachés au sein d'états-majors multinationaux et internationaux (OTAN, Union européenne, ONU, OSCE...) chargés de la planification et la conduite des opérations,
  • participation à des missions d'observation du respect d'accords de cessez le feu entre belligérants, soit multinationales (ex : Sinaï : force multinationale d'observateurs (FMO) depuis 1982, Liban : casques blancs entre 1984 et 1986, mission d'inspection des accords de Taëf en 1999...), soit internationales (ex : sous l'égide de l'ONU comme au Sahara occidental, de l'OSCE au Kosovo en 1998...),
  • missions de police internationale[3] (ex : Balkans, Haïti...)
  • assistance militaire technique (formation et équipement des unités et des personnels, planification et conduite des opérations...) au profit d'armées de pays qui, bien souvent, est supportée par le MINDEF alors que cette mission relève du ministère des Affaires Etrangères,
  • soutien humanitaire à des populations sinistrées lors de catastrophes naturelles et dans des zones de combat (dans le cadre des actions civilo-militaires),
  • évacuation de ressortissants nationaux, binationaux et étrangers résidents dans des pays en proie à des crises intérieures (Côte d'Ivoire en 2004).

Les personnels militaires et civils engagés qui effectuent leurs missions de durée variable[4] sous commandement national, multinational ou international, sont intégrés au sein d'états-majors, de détachements d'assistance opérationnelle et technique, d'équipes d'observateurs, d'unités opérationnelles.

Ces interventions opérationnelles sont effectuées dans le cadre :

  • bilatéral en application d'accords de défense et d'assistance avec des pays (notamment africains),
  • multilatéral associant plusieurs pays (ex : FMSB, FMO...),
  • d'alliances multinationales (ex : OTAN pour les Balkans et l'Afghanistan, Union européenne pour la République démocratique du Congo et le Tchad-Darfour...),
  • de mandats d'organisations internationales (ONU suite à ses résolutions).

Cependant, il n'existe pas de règles précises concernant la qualification de ces interventions opérationnelles comme OPEX. Elles sont d'autant plus nécessaires qu'elles génèrent des droits individuels pour les personnels et la possibilité de présenter des surcoûts dans le cadre des lois de finances (LFI et LFR). Ainsi, dans les années 1990, certaines interventions opérationnelles n'étaient pas classées comme OPEX comme par exemple les missions suivantes :

  • ARAMIS au Cameroun (1996-2008) qui avait pour but d'assurer un appui opérationnel (conduite des opérations, renseignement militaire, formation, entraînement et remise en condition des unités et personnels) aux forces armées camerounaises dans le cadre de son conflit frontalier avec le Nigéria relatif à la souveraineté de la presqu'île riche en hydrocarbures de Bakassi,
  • KKOR AGAR à Djibouti en 1999 qui avait pour but de protéger ce pays d'éventuels débordements de la guerre entre l'Érythrée et l'Éthiopie,
  • ISKOUTIR à Djibouti (1992 – 1999) qui avait pour but de faire respecter le cesser-le-feu entre les troupes du gouvernement et le Front pour la restauration de l’unité et la démocratie (FRUD).

En revanche, des missions sont ou ont été classées comme OPEX telles que :

  • l'opération CORYMBE mission maritime permanente croisant au large des côtes de l'Afrique de l'Ouest créée en 1990 et classée jusqu'à ce jour OPEX suite aux actions de RESEVAC[5] au Libéria en 2003 et en Côte d'Ivoire en 2004, alors que la situation opérationnelle ne le justifie plus, notamment dans ces 2 pays,
  • l'opération ALTHEA s'inscrivant dans le cadre de l'EUFOR qui s'apparente désormais plus à un dispositif de présence visible, d'observation, de conseil au profit des autorités bosniennes qu'une OPEX en tant que telle,
  • l'opération BERYX qui consistait à apporter une aide humanitaire en Indonésie suite au Tsunami de décembre 2004 alors que d'autres missions d'assistance de même nature (certes avec un degré moindre) n'étaient pas qualifiées comme OPEX comme à Madagascar, au Vanuatu, au Nicaragua (cyclone Mitch), aux États-Unis d'Amérique (cyclone Katarina) dans les années 1990 et 2000.

Sur le territoire de la Côte d'Ivoire, le cas est plus paradoxal : alors que la force LICORNE a laissé la place à un dispositif de force de présence (Forces françaises en Côte d'Ivoire - EFCI) depuis le 1er janvier 2015, donc non éligible au statut OPEX, ("alors que" doit être supprimé) les personnels servant au sein de la force de l'ONU (ONUCI) bénéficient de ce statut.

En outre, l'arrêté du 5 juin 2013 portant ouverture de l'agrafe « Sahel » sur la médaille outre-mer précise que les militaires servant au Sénégal et en Côte d'Ivoire (par conséquent dans les forces de présence) sont éligibles à cette décoration et donc au statut d'OPEX qui est applicable, de facto, à leurs formations de rattachement (Éléments français au Sénégal – EFS et FFCI). Cette extension des dispositifs prépositionnels dans les limites géographiques des OPEX n'était pas, en règle générale, appliquée dans les années 1990 comme par exemple le Gabon, Djibouti, La Réunion, qui furent des points d'appui logistique d'OPEX respectivement au Congo et la République démocratique du Congo, en Somalie, et aux Comores.

De plus, il est à noter que l'opération ASTREE qui s'insère dans l'opération militaire et diplomatique européenne ATALANTA de lutte contre la piraterie dans les zones maritimes de la corne orientale africaine ouvre droit au statut d'OPEX alors que la lutte contre le narcotrafic dans les Antilles (en liaison avec les États-Unis et les pays riverains) - mission CARIB ROYALE - tout aussi opérationnelle n'y ouvre pas droit.

La participation de la France à ces interventions opérationnelles concerne en majeurs partie des personnels du MINDEF, mais aussi appartenant à d'autres département ministériels : intérieur (gendarmerie, unités d'instruction et d'instruction de la sécurité civile, service militaire adapté), affaires étrangères (direction de la coopération de sécurité et de défense) et à des collectivités locales (Brigade de sapeurs pompiers de Paris, Bataillon de marins-pompiers de Marseille). Cependant, peuvent être aussi projetés des personnels civils[6] (sécurité civile et santé[7], police[8], diplomatie, justice, douanes...) auxquels peut être accordée, en cas d'OPEX, la médaille commémorative française en 1995[9] destinée à les récompenser comme les militaires pour leur participation effective à des missions décidées par le Gouvernement et menées hors du territoire national à compter du 1er mars 1991.

Les zones géographiques territoriales, aériennes et maritimes des OPEX sont non seulement une des bases de l'ouverture de droits aux militaires (protection médico-sociale en cas de décès et de blessures, décorations et récompenses, statut d'ancien combattant, bonifications pour services en campagne (simple et double) et pour survol de zones hostile[10], gratuité de l'alimentation), mais aussi de la détermination des surcoûts OPEX. Elles ne sont énoncées que dans des textes relatifs aux droits des militaires qui sont les suivants :

  • interministériels (Défense et Budget) accordant le bénéfice des dispositions de l'article L.4123-4 du code de la défense pour les militaires et leurs ayants cause en cas de décès ouvrant droit notamment à des délégations de solde[11], et en cas de blessure de guerre et de maladies contractées, à des pensions militaires d'invalidité (PMI),
  • ministériels relatifs aux médailles[12] outre-mer et commémorative française avec agrafe[13] portant différentes inscriptions et accordées pour des durées d'intervention déterminées.

En outre, les critères de délimitation géographique des TEO sont assez divers : pour certaines OPEX, les zones ne concernent que les pays sur lesquels ont lieu les interventions incluant éventuellement leurs eaux avoisinantes comme pour la Somalie, le Tchad, le Libéria, l'Ex-Yougoslavie, le Kosovo, le Libéria... En revanche, pour d'autres OPEX, la délimitation est plus large comme pour celle de l'Afghanistan qui inclut ce pays, les pays limitrophes mais aussi les eaux avoisinantes[14] permettant ainsi d'inclure le groupe aéronaval évoluant dans l'océan indien

Alors que depuis 1958 le pouvoir exécutif est assez prédominant en la matière[15], la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 dite de « Modernisation des institutions de la Vème République » modifiant l'article 35 (alinéa 3) précise un rôle plus important du Parlement sur l’information et le contrôle sur les OPEX. Auparavant, il était cantonné à la seule autorisation de la déclaration de guerre dont il n’a jamais été fait usage depuis le début de la Vème République. A ce titre, les modifications sont les suivantes :

  • information du gouvernement pouvant donner lieu à un débat suivi d’aucun vote sur sa décision de faire intervenir les forces armées à l’étranger au plus tard 3 jours après le début de l’intervention et sur les objectifs poursuivis,
  • autorisation parlementaire relative à la prolongation des OPEX lorsque la durée de l’intervention excède 4 mois[16] (cependant, il n'y aucune précision si les OPEX dure plusieurs années).

Les interventions opérationnelles qualifiées ou non comme OPEX étant souvent liées à des accords de défense, la loi de programmation militaire 2009‑2014 prévoit que sera désormais informé de leurs conclusion et orientations le Parlement qui, en 2012 et 2013, a approuvé et ratifié la révision 5 traités en matière de défense (Algérie, Serbie, Sénégal, Côte d’Ivoire et Djibouti).

Conclusion

Les éléments présentés supra mettent en évidence l'absence de règles précises permettant de qualifier une intervention opérationnelle comme OPEX ou pas. Par conséquent l'instruction n°29478 du 25 mai 1984 du MINDEF relative au suivi des dépenses supplémentaires entraînées par les OPEX apparaît obsolète. En effet, elle répondait à un besoin suite à une accélération du nombre d'OPEX et une augmentation du volume des moyens (humains et matériels) projetés depuis le début des années 1980 dont les coûts obéraient les budgets de fonctionnement et d'entraînement des armées formées de conscrits, notamment l'armée de terre.

Certes, il existe divers textes réglementaires relatifs aux droits des personnels engagés en OPEX mais qui résultent du déclenchement et de la conduite des OPEX et qui sont les suivants :

  • des décrets interministériels (Premier ministre, ministres de la défense et du budget) portant attribution du bénéfice de campagne[17] (simple ou double – cette dernière n'étant attribuée en principe qu'en cas de guerre déclarée) aux militaires engagés en OPEX ; à ce titre, on a pu mesurer les difficultés du MINDEF à obtenir finalement (2011) le bénéfice de la campagne double pour l'Afghanistan (TEO ouvert en 2001[18]) alors qu'elle n'a été attribuée sur décision du conseil d'État que le 17 mars 2004 pour la guerre du Golfe de 1990-1991 suite à une requête d'une association d'anciens combattants,
  • décrets interministériels (Défense et budget) accordant le bénéfice des dispositions de l'article L.4123-4 du code de la défense pour les militaires et leurs ayants cause en cas de décès et de blessure de guerre et maladies contractées ouvrant droit à des PMI (confer supra),
  • des arrêtés du MINDEF portant ouverture des croix de guerre des TOE et de la valeur militaire et des médailles outre-mer et  commémorative française,
  • des décisions ministérielles[19] classant des espaces aériens en zone opérationnelle ou hostile ouvrant droit à des bonifications au titre des pensions de retraite.

Cependant, alors que l'article 21 de la Constitution prévoit que le Premier ministre est responsable de la Défense nationale, il n'existe aucun texte juridique et réglementaire qui définit dans un cadre interministériel le régime juridique et réglementaire des OPEX, notamment les conditions de qualification des interventions opérationnelles comme tel alors que le code de la défense inclut les régimes spécifiques suivants :

  1. l'état de siège (art L2121) qui confère les pouvoirs de police et de maintien de l'ordre à l'autorité militaire,
  2. l'état d'urgence (art L111)  qui a été mis en application :
  • en Algérie avec la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 modifiée par l'ordonnance du 15 avril 1960 relatif à l'état d'urgence,
  • en Nouvelle Calédonie avec la loi n° 98-96 du 25 janvier 1985,
  • dans l'Hexagone avec les décrets n° 1386 et 1387 du 8 novembre 2005, déclarant l’état d’urgence et définissant les zones où il s’applique et qui ont été confirmés par l’Assemblée nationale.

Ce besoin d'un régime juridique des OPEX justifié par la mise en application régulière de l'article 35 modifié, est d'autant plus patent que leur nombre a beaucoup augmenté[20], leur nature a considérablement évolué, notamment depuis les années 1990 allant à des actions de type humanitaire, à des missions de rétablissement et de maintien de la paix ainsi que d'interposition et à des actions de combats contre des menaces multiformes et que leur coût financier et humain[21] est de plus en plus important.

Les dispositions de la réforme de la loi constitutionnelle, de la LPM 2014-2019 et du code de la Défense justifient de définir, dans un cadre interministériel, le régime juridique et réglementaire des OPEX. Notamment, l'article L1111-1 inséré en 2009 dans le code de la Défense stipule que « la stratégie de sécurité nationale qui a pour objet d'identifier l'ensemble des menaces et des risques susceptibles d'affecter la vie de la Nation, notamment en ce qui concerne la protection de la population, l'intégrité du territoire et la permanence des institutions de la République, et de déterminer les réponses que les pouvoirs publics doivent y apporter. L'ensemble des politiques publiques concourt à la sécurité nationale. La politique de défense a pour objet d'assurer l'intégrité du territoire et la protection de la population contre les agressions armées. Elle contribue à la lutte contre les autres menaces susceptibles de mettre en cause la sécurité nationale. Elle pourvoit au respect des alliances, des traités et des accords internationaux et participe, dans le cadre des traités européens en vigueur, à la politique européenne de sécurité et de défense commune ».

Ainsi, ce régime devrait permettre de définir notamment les conditions d'éligibilité des interventions opérationnelles au « statut » OPEX, de leur financement[22] par les différents ministères amenés à y participer (notamment Défense, Intérieur, Affaires étrangères mais aussi d'autres[23]) et de leur contrôle par le parlement. Ce dernier point est d'autant plus nécessaire que le poids des surcoûts OPEX (mais aussi des OPINT) peut obérer le programme 146 « équipements des forces » du MINDEF.

Ce régime ainsi défini serait ainsi la base du contrôle parlementaire sur la gestion des OPEX, en particulier les critères à respecter pour :

  • la définition des zones géographiques des TEO,
  • l'attribution des droits des militaires et civils participant aux OPEX,
  • le périmètre financier des dépenses relatives à la participation des ministères aux OPEX,
  • les conditions de la mise en œuvre des opérations de remboursement des prestations des ministères[24] aux pays tiers, aux organisations internationales (appui logistique), des personnes privées (en cas de RESEVAC) et des sociétés privées (protection des bateaux, de sites des entreprises).

[1]Outre les guerres en Extrême-Orient (Indochine et Corée entre 1946 et 1954), la France a été engagée à Madagascar en 1947, en Mauritanie en 1957, au Cameroun 1956-1957, en Méditerranée orientale (Suez) en 1956, en Tunisie (Bizerte) en 1961...

[2]La Force multinationale de sécurité à Beyrouth (septembre 1982 - mars 1984) composée de contingents américains, français, italiens et britanniques visait à aider l'armée libanaise à restaurer l'autorité du pays dans cette région.

[3]Les militaires engagés de ce type de mission sont des gendarmes.

[4]De quelques jours à plusieurs années.

[5]Opérations d'évacuation de ressortissants.

[6]Mais qui ne sont pas éligibles aux droits des militaires au titre du Code des pensions militaires et d'invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG), notamment en ce qui concerne les bonifications des campagnes.

[7]Exemple : participation dans le cadre de l'aide humanitaire de l'État, de l'Élément de Sécurité Civile Rapide d’Intervention Médicale (ESCRIM) du ministère de l'intérieur lors des guerres civiles au SRI LANKA en 2009, au Kosovo en 1999, au Congo en 1997, voire des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS).

[8]Exemples : la mission « Etat de droit » au Kosovo (Eulex), la mission civile internationale d'appui en Haïti (MICAH), la mission de police de l'Union européenne en Bosnie-et-Herzégovine, la mission EUPOL Aghanistan, la mission EUCAP Sahel Niger...

[9]Confer le décret n° 95-1098 du 9 octobre 1995. Les personnels civils sont ceux miss à la disposition de l'autorité militaire ou prenant part, en raison de leur fonction ou de leur emploi, aux missions concernées. Les décisions d'attribution sont faites par le ministre de la défense sur proposition des ministres dont ces personnes relèvent.

[10]Cela concerne non seulement le personnel navigant et largueur, ainsi que les combattants sur les TEO mais aussi les personnels montants et descendants dans le cadre de relevé entre les dispositifs hors théâtre et les TEO.

[11]Confer le décret n°2008-280 du 21 mars 2008 qui précise que l'ayant cause du militaire décédé en OPEX a droit à 3 mois de solde en OPEX suivis de maximum 36 mois de solde en OPEX réduits de ½ qui ne se cumulent pas avec les prestations accordées au titre de la réversion de la pension militaire de retraite et de la PMI.

[12]Confer les décrets n°62-600 du 6 juin 1962 et n° 95-1098 du 9 octobre 1995.

[13]Pour la médaille outre-mer : Tchad, Liban, Zaïre, Mauritanie, Ormuz, Moyen-Orient, Somalie, Cambodge, Rwanda, République centrafricaine, République du Congo, République de Cöte d'Ivoire, République démocratique du Congo, Sahel et pour la médaille comméorative française : Ex-Yougoslavie, Abanie, Haïti, Timor oriental, Asie du Sud-Est, Géorgie, Libye, Jordanie.

[14]Confer les différents décrets interministériels portant attribution du bénéfice de la campagne simple et double aux militaires servant sur le territoire de l'Afghanistan, des pays limitrophes et des eaux avoisinantes.

[15]Confer les articles 5, 15 et 16 sur les pouvoirs et prérogatives du président de la république.

[16]Mesure mis en application le 22 septembre 2008 pour l'Afghanistan, le 28 janvier 2009, pour le Tchad, la République centrafricaine, la Côte d’Ivoire, le Liban et le Kosovo, le 12 juillet 2011, pour la Libye, le 22 avril 2013, pour le Mali, le 26 février 2014 pour le Centrafrique.

[17]Prévus par l'article R 17 bis du CPMIVG ; ainsi en cas de campagne double comme en Afghanistan, 6 mois passés sur la zone d'intervention génère 12 mois supplémentaires de service.

[18]Confer le décret du 8 novembre 2011.

[19]Confer le CPMIVG (articles L12 et R20) et les arrêtés interministériels du 10 février 1967 et du 30 juin 1971 modifié.

[20]On peut recenser plus de 220 OPEX depuis 1962.

[21]Depuis 1963, on peut recenser plus de 600 militaires morts et 8 fois plus de blessés (en grande partie au Tchad et au Liban (158 morts chacun), suivi de celles en ex-Yougoslavie (116 morts) et en Afghanistan (89 morts).

[22]Par exemple avec la mise en place d'une réserve au sein du Trésor public dont le montant devrait être précisé dans chaque LFI.

[23]Suite aux bombardements de Tsahal au Liban en  2006 (au lieu de 1986), le ministére de l'équipement et des transports a livré des ponts de type « Bailey » mis en œuvre par le 2éme régiment étranger de génie.

[24]Confer l'instruction n° 1661/MA/DSF/CG/4 sur le rôle des autorités chargées de la gestion et de la réglementation de la comptabilité des matériels s'appuyant sur l'article 4 de l'arrêté du 15 février 1967 qui stipule que le ministre de la défense peut décider de cessions gratuites (ou au-dessous du prix normal) à des États étrangers, à d'autres ministères, et à des sociétés ou personnes privées et de prêts (gratuits) autres que ceux prévus par la réglementation en vigueur.