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Opérations de secours de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy : quelle logistique ?

Afin de porter secours à la population de ces îles, ont été projetées ou sont en cours de projection en provenance de la métropole, des Antilles et de Guyane, des unités appartenant à différents ministères :

  • armées : environ 800 personnels (infanterie : 3ème RPIMa de Carcassonne, 3ème REI de Guyane, 33ème RIMa de la Martinique, et génie : 19ème RG de Besançon, 17ème RGP de Montauban)

  • intérieur : environ 800 personnels de la gendarmerie (notamment des escadrons de gendarmerie mobile), police nationale, unités d'instruction et d'intervention de la sécurité civile, brigade de sapeurs pompiers de Paris,

  • outre-mer : une très petite contribution du service militaire adapté (SMA) des Antilles : environ une vingtaine de personnels.

Ces projections s'appuient sur des moyens soit prépositionnés aux Antilles et en Guyane soit venant de métropole qui sont les suivants :

Armée de l'air 

  • 4 avions CASA CN 235 (datant du début des années 1990) basés en Guyane avec des capacités de transport assez limitées : 40 passagers, ou 18 civières et 4 assistants médicaux ou 5 tonnes de matériel et qui ont donc nécessité plusieurs rotations ;

  • 4 hélicoptères de transport PUMA (datant des années 1970) basés en Guyane, aux capacités de transport assez limitées : jusqu'à 2 tonnes de matériels sous élingue ou 15 passagers ;

  • 2 avions A400 M (de conception récente) venant de métropole avec des capacités de transport stratégique significatives : de 20 à 30 tonnes de fret pour un rayon d'action entre 6.400 et 4.500 km : à ce titre, un A400 M a transporté vers les Antilles 1 hélicoptère de transport NH90 (de conception récente) qui a des possibilité logistiques supérieures au PUMA : 2,5 tonnes de matériels ou 4 tonnes à l’élingue, ou 14 à 20 passagers, ou 12 civières ou 1 petit véhicule tactique ;

  • 1 avion A310 venant de métropole avec les capacités suivantes : 23,5 tonnes de matériel ou 209 passagers à 7.000 km.

Marine nationale 

  • 2 frégates de surveillance « Germinal » et « Ventôse » basées aux Antilles qui sont chargées de l'action de l’État en mer et plus particulièrement de la lutte contre le narco-traffic : en tant que tel, ce ne sont pas des bâtiments logistiques amphibies et ils ne disposent que d'un hélicoptère léger chacun : une Alouette III de la flottille 22S et un Panther de la flottille 36F ne permettant pas d'effectuer des opérations d'hélitreuillage important ;

  • 1 bâtiment de projection et de commandement (BPC - conception dans les années 2000) basé à Toulon devant rejoindre les Antilles après une traversée maritime de 6 jours : il présente des capacités de transport stratégique très importantes : 500 passagers, 6.000 tonnes de matériels, un hôpital pour 70 personnes et 2 blocs opératoires, 16 hélicoptères de transport lourd et de débarquement sur plage (beaching) en s'affranchissant de moyens portuaires.

La conduite des opérations de secours suppose de pouvoir transporter un volume important d'effectifs et de matériels lourds (ex : véhicules, engins du génie...). Cependant, force est de constater que la capacité de transport stratégique des forces armées est relativement réduite et n'est pas à la hauteur des enjeux en ce qui concerne, non seulement le soutien des OPEX, mais aussi l'assistance et la défense des DOM/COM.

En effet, l'armée de l'air dispose de :

  • 11 avions A400M dont 6 sont opérationnels à ce jour : elle devrait recevoir 8 avions avant 2019 tout en précisant que la livraison de 35 autres doit être décidée dans le cadre de la prochaine loi de programmation militaire ;

  • 3 avions A310-300 et 2 avions A340 (ces 2 avions en location longue durée peuvent transporter 44 tonnes de matériel ou 279 passagers à 5.500 km).

Si les forces armées de Nouvelle-Calédonie, de La Réunion et de la Polynésie disposent chacune d'un bâtiment multi-missions (B2M), la livraison du 4ème commandée en avril 2017 aux Antilles ne devrait être réalisé qu'en 2018. Cependant, il est à noter que ces navires n'ont pas les capacités amphibies et de transport comme leurs prédécesseurs les BATRAL (bâtiments de transport léger) et les bâtiments d'intervention et de souveraineté (BIS) dont le programme n'a pas été retenu pour des raisons en grande partie budgétaires (confer l'article du 20 février 2017).

Concernant les BPC, la situation actuelle est la suivante :

  • 1 BPC est en mission opérationnelle (Corymbe) dans le golfe de Guinée, mais il ne dispose pas de moyens techniques permettant d'assurer une mission d'assistance humanitaire dans le cadre de cette catastrophe naturelle ;

  • 1 BPC basé en métropole doit suivre une période de qualification opérationnelle dans le cadre d'une prochaine mission de type OTAN ;

  • le 3ème est en cours de projection sur les Antilles transportant notamment des hélicoptères de transport lourd et des engins du génie.

En outre, il est à noter les éléments suivants :

  • l'absence d'aéronefs de l'armée de l'air au sein des forces armées aux Antilles (FAA), compte tenu de la décision prise en 2011 de transférer ses moyens en Guyane – ceci s'est traduit par des vols depuis la Guyane avec de nécessaires escales dans différentes îles des Caraïbes ;

  • la faiblesse des moyens du service militaire adapté (SMA) des FAA projetés sur l'île Saint-Martin alors qu'il existe 2 régiments (environ 1.800 personnels) basés en Martinique et à la Guadeloupe.

Concernant l'assistance de la partie néerlandaise de l'île Saint-Martin, le Royaume-Uni et les Pays-Bas ont engagé une mutualisation d'une partie de leurs moyens aériens (avion gros porteurs C-17 Galaxy, A400M, C130, KDC10) et maritimes (navire logistique amphibie britannique de 16.000 tonnes « Mount Bay ») tout en précisant que le Royaume-Uni a engagé d'autres moyens notamment maritimes (HMS Ocean environ 35.000 tonnes) pour porter secours aux territoires britanniques d'outre-mer, mais avec des délais de projection à partir de l'Europe tout aussi importants que ceux de la France.

Conclusion

L'historique des ouragans dans les Caraïbes et en Amérique centrale, notamment en ce qui concerne les Antilles françaises, est important :

  • 1970, le passage de Dorothy a dévasté une partie de la Martinique, notamment la région de Fort-de-France (43 morts, 5.000 sinistrés) ;

  • 1989 : le cyclone Hugo l'un des plus dévastateurs, a tué 26 personnes dans toutes les Antilles, dont 15 à la Guadeloupe qui a compté 20.000 sinistrés ;

  • 1995, Luis frappa durement l'île franco-néerlandaise de Saint-Martin (ravagée à 70%) et Saint-Barthélemy et tua au moins 11 personnes.

Par conséquent, nonobstant la nécessité d'engager une politique de développement (notamment des infrastructures) adaptée à ces catastrophes naturelles, il est nécessaire de prendre en compte leur nature et leurs conséquences.

Il s'agit de déterminer dans le cadre de la revue stratégique à effectuer en interministériel, les moyens logistiques (notamment aériens et maritimes) à mettre en œuvre, qu'ils soient prépositionnés ou basés en métropole – l'objectif étant de porter secours aux populations dans les plus brefs délais.