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Lutte contre les abus des notes de frais des ministres

La politique de transparence canadienne que la France devrait adopter

Les récentes affaires mettant en cause des frais ministériels importants, ont donné lieu à la publication successive de circulaires censées cadrer au mieux les dépenses de l'Exécutif et de ses cabinets. Pêle-mêle, on citera la circulaire sur « l'utilisation des moyens aériens pour le déplacement des membres du gouvernement », qui précise à cette occasion que « le recours aux services d'une compagnie commerciale d'avions d'affaires doit désormais faire l'objet d'une autorisation du cabinet du Premier ministre » (mars 2010).

Plus récemment, trois circulaires ont été publiées en juillet 2010 relatives :

- aux dépenses des membres du gouvernement, impliquant que les déplacements des ministres « obéisse(nt) à un souci d'économie et de simplicité » avec recours préférentiel au ferroviaire par rapport à l'aérien et aux locaux publics plutôt qu'aux résidences hôtelières privées,

- aux instructions (d'exemplarité) concernant les cabinets ministériels et les personnalités en mission, enfin de limiter le nombre des collaborateurs de cabinets ministériels à 20 et 4 pour les secrétariats d'Etat, ainsi qu'une réduction de 10% des dotations de ces mêmes cabinets dès 2011,

- enfin à la rationalisation de la gestion du parc automobile de l'Etat et de ses opérateurs, que nous avons récemment évoquée.

Ce qui est en définitive frappant, c'est la complexité de l'application et du suivi de ces nouvelles dispositions. Une complexité qui provient en partie du fait qu'aucune politique de transparence ni de communication permanente en direction du public n'a été envisagée comme le prolongement logique de la réforme.

L'exemple canadien

Le gouvernement français serait pourtant bien inspiré de regarder outre-Atlantique, l'exemple canadien. En effet, à la suite de scandales récurrents concernant les notes de frais et le coût des déplacements de certains responsables politiques, mais aussi de membres de la haute administration fédérale, le Premier ministre de l'époque, Paul Martin, a lancé le 12 décembre 2003 une nouvelle politique de divulgation proactive des frais de voyage et d'accueil des ministres en exercice et des cadres supérieurs de la haute fonction publique. Dans la foulée ont été révisées les lignes directrices régissant les voyages gouvernementaux ainsi que la directive sur les voyages et les autorisations spéciales de voyager délivrées par les agences gouvernementales.

Désormais ne seront remboursés que les « frais raisonnables » qui auront été avancés lors de ces déplacements (frais de déplacement et d'accueil (hébergement)) et dûment documentés. En effet, depuis 2004, une nouvelle carte de crédit « voyage » du gouvernement a été émise permettant de se connecter à un outil de réservation en ligne (ORL). L'ensemble des frais engagés étant comptabilisés puis contrôlés (de façon interne et externe) au sein du Système ministériel de gestion financière de chaque ministère. Afin de contrôler l'évolution et le suivi de ces frais, le Conseil national mixte, organisme de négociations collectives entre le gouvernement et les syndicats de la fonction publique, se charge du budget et du suivi des frais de déplacement des fonctionnaires. A la clé, une stabilisation en volume qui se situe entre 1,3 et 1,25 milliard d'€/an entre 2007 et 2009.

Désormais, les frais de déplacement des ministres et des différents hauts fonctionnaires désignés sont accessibles à tout internaute, directement dès la première page web des ministères concernés et en version semi-agrégée sur le site du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada qui recense l'ensemble des organismes soumis à la politique de « Proactive Disclosure » (soit 110 organismes recensés).

Mais le souci de transparence de la vie publique des ministères ne s'arrête pas là et des mesures complémentaires ont été prises qui prolongent cette première initiative en suivant elles aussi le principe de la divulgation proactive :
- Depuis le 23 mars 2004, le gouvernement canadien a annoncé une politique similaire de publication des contrats de plus de 10 000 $
- Par ailleurs, depuis le 25 février 2004, la publicité est rendue obligatoire pour les ministères des « reclassifications de postes » (démissions, nominations, changements d'affectation) mais aussi plus largement : réorganisation d'un service, suites données à un recours contre une mutation/nomination etc.
- Depuis le 25 octobre 2005 a été entreprise une politique de divulgation proactive autour des octrois de subventions et contributions supérieures à 25 000 $
- Enfin, une politique de « whistleblowing », c'est-à-dire de divulgation d'informations concernant les constatations d'actes répréhensibles en vertu de l'article 11 de la LPFDAR (loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles, en date du 15 avril 2007).

Sans surprise, en rendant aisément accessibles ces informations par les internautes, sans pour autant violer les obligations relatives à la protection des données relevant de la sécurité intérieure ou de la défense nationale, le Canada applique une politique de transparence qui aide à l'amélioration de la gestion publique et à la compréhension par tout un chacun de la politique de maîtrise des dépenses de train de vie engagée… une voie sur laquelle il serait bon que la France s'engage, surtout si des économies plus importantes sont à prévoir sur les dépenses de l'Etat.