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La gestion de Paris épinglée en 5 chiffres clefs

La Chambre régionale des comptes d’Ile-de-France vient de rendre public son rapport sur la gestion de la ville de Paris sur la mandature 2014-2019. Voici les 5 chiffres à retenir :

  • 11,2 milliards d’euros de budget

La ville de Paris présente un budget principal de 8,9 milliards de dépenses de fonctionnement, en 2020, et 2,1 milliards de dépenses d’investissement. Cela inclut le budget spécial de la préfecture de police qui était de 585 millions d’euros en 2020 et 93 millions de dépenses d’investissement.

A cela, il faut ajouter 4 budgets annexes pour la gestion de :

  • L’eau : 5 millions de dépenses en 2020 (contre 2 millions en 2013) ;
  • L’assainissement : 87 millions de dépenses de fonctionnement en 2020 et 47 millions de dépenses d’investissement (contre, respectivement, 83 millions et 40 millions en 2013) ;
  • L’aide sociale à l’enfance : 62 millions de dépenses de fonctionnement en 2020 et 4 millions de dépenses d’investissements. Un niveau de dépense quasiment inchangé par rapport à 2013 ;
  • Le parc automobile (transports automobiles municipaux) : 34 millions de dépenses de fonctionnement en 2020 et 10 millions de dépenses d’investissements. Un niveau de dépense inchangé par rapport à 2013.

Au final, le budget de la ville de Paris s’élevait, en 2020, à 9 milliards de dépenses de fonctionnement et 2,2 milliards de dépenses d’investissement, ce qui en fait le budget local le plus important de France avec une dépense par habitant de 2 929 euros à Paris, contre 2 540 euros à Marseille et 2 469 euros à Lyon.

Au final, le budget de la ville de Paris est relativement stable, il était de 11,3 milliards d’euros en 2013 et de 11,2 milliards en 2020. La chambre régionale, elle, enregistre néanmoins une hausse des charges de gestion (dépenses de fonctionnement) de +3,2% depuis 2014 : en cause, la hausse des dépenses de personnel. Notons d’ailleurs que pour son budget 2022, la ville de Paris a planifié une augmentation de 2,2 % de ses dépenses de fonctionnement dont +2 % de la masse salariale.

  • 58 000 d’agents physiques et 4,7 milliards de charges de personnel (dont les retraites)

La ville emploie 58 000 agents physiques, soit 51 575 ETPT en 2019 : un chiffre en augmentation de 3 605 ETPT depuis 2014, soit +7,5% des effectifs. De ce total, ce sont les emplois permanents (+8,3%) et les collaborateurs d’élus (+6,7%) qui ont le plus augmenté pendant que le nombre d’assistants maternels et familiaux baissait, lui, de -17,3%. 

Au final, la ville de Paris affiche un taux d’administration particulièrement élevé : 23,3 ETPT pour 1 000 habitants contre 18,6 à Marseille et 18,4 à Lyon. De facto, Paris « présente un ratio de dépenses de personnel par habitant nettement plus élevé. Au cours de la période 2015-2019, l’écart est en moyenne de 13 % par rapport à Lyon et de 10 % par rapport à Marseille ». Ainsi, le niveau des charges de personnel par habitant est de 1 103 euros en 2020 à Paris, contre 1 011 euros à Marseille et 908 euros à Lyon.

Au niveau des charges de personnel de la ville, elles sont passées de 2,2 milliards en 2014 à 2,4 milliards en 2019, soit une augmentation de 211 millions d’euros (+9,5%). Des charges auxquelles, il convient d'ajouter les charges des personnels retraités qui sont passées de 2,2 milliards en 2014 à 2,3 milliards en 2019, soit une augmentation de 142 millions d’euros (+6,5%).  

  • 7 milliards d’euros de dette et une capacité de désendettement à 35 ans en 2021

Entre 2014 et 2019, la dette parisienne avait déjà augmenté de 40%, passant de 4,1 à 5,8 milliards d’euros. Il est néanmoins attendu que la dette ait doublé en 10 ans puisqu’après avoir atteint 6,6 milliards d’euros en 2020, 7,1 milliards en 2021, c’est 7,6 milliards qui sont attendus en 2022, 8 milliards en 2023 et 8,3 milliards en 2024. La capacité de désendettement était, elle, de 11,3 ans en 2019, mais elle a dépassé le seuil d’alerte (12 ans) en 2021 en atteignant 35 ans : les prévisions ne planifient un retour au seuil d’alerte qu’en 2026 et ce, pour une dette attendue cette année-là à 8,8 milliards d’euros.

Au final, la dette par habitant de Paris est de 3 003 euros en 2020, contre 2 104 euros à Lyon. Cette fois, néanmoins, Marseille affiche un taux supérieur avec une dette par habitant de 3 498 euros. Notons cependant que la capacité de désendettement de Marseille est meilleure que celle de Paris, en 2019 : 7 ans pour Marseille contre 11,2 ans pour Paris. Lyon est à 3,5 années.

  • 6,9 milliards d’euros d’investissement et 1,7 milliard à venir

Entre 2015 et 2019, les dépenses d’investissement cumulées de la ville se montent à 6,9 milliards d’euros avec une forte augmentation en 2015 et 2016. Une tendance qui se poursuit désormais puisqu’en 2021, la ville « a prévu à son budget de contracter 842 millions d’euros d’emprunts supplémentaires en vue de financer une section d’investissement dite « de relance [de l’économie parisienne] » à hauteur de 1,7 milliard d’euros d’investissements ».

Sur les dépenses liées à la tenue des Jeux Olympiques de 2024, elles se sont montées, pour l’instant, à 125 millions d’euros et la ville s’attend à dépenser d’ici 2024, 82,6 millions de dépenses de fonctionnement et 308 millions de dépenses d’investissement.

Au final, c'est de loin le secteur de l’habitat qui bénéficie le plus de ces investissements, suivi de la culture et des transports.

Malgré cela, notons tout de même, que le taux d’équipement de la ville s’est dégradé depuis 2015 par rapport à Lyon et Marseille.

Une dégradation qui affecte également le taux d’épargne brute de la ville qui garantit la part d’autofinancement des investissements. Malgré une amélioration entre 2017 et 2019, le taux d’épargne brut de Paris est anormalement faible par rapport à Lyon et Marseille et, comme les magistrats de la chambre mettent en garde, est artificiellement gonflé par le recours aux loyers capitalisés.

  • 1,1 milliard d’euros de loyers capitalisés pour gonfler la performance de la ville

Le rapport souligne que l’équilibre du budget parisien en 2016 et 2017 a été obtenu uniquement grâce à « la reprise en recettes de fonctionnement des loyers capitalisés versés par les bailleurs sociaux, mesure dérogatoire prévue par les textes et autorisée par les ministres compétents ». Ce système, considéré comme une « manœuvre comptable » par la chambre régionale des comptes, date de 2015 et permet à la ville de dégager des marges de manœuvres budgétaires malgré son endettement.

Pour faire simple, Paris rachète, via son droit de préemption et sous couvert de son objectif d’atteindre les 30% de logements sociaux d’ici 2030, des logements pour les transformer en logements sociaux et perçoit, tout de suite, l’intégralité des loyers que le bailleur va toucher pendant la période d’exploitation. Depuis, la ville a récupéré 20 000 logements pour lesquels elle a déjà touché plus de 1 milliard d’euros d’avance sur loyer : 354 millions en 2016, 287 millions en 2017, 221 millions en 2018, 152 millions en 2019 et 142 millions en 2020. Des sommes qui décroissent du fait de la rareté de ce type de bien et mettent les finances publiques de la ville en danger.

La chambre régionale des comptes souligne également que ce recours aux loyers capitalisés fausse les indicateurs financiers de la ville puisqu’elle « intègre les recettes de loyers capitalisés dans le calcul de son épargne brute. Du fait des montants en jeu, un tel choix a une incidence forte sur cet agrégat ainsi que sur les indicateurs qui en découlent comme le taux d’épargne brute et surtout la capacité de désendettement qui rapporte l’encours de dette à l’épargne brute ». Une méthode de calcul « contestable et non probante » qui revient à doubler l’épargne brute affichée par la ville en 2016 et 2017 et à maintenir une épargne surestimée sur les trois dernières années.

Le ministre du Budget et la ministre de la Cohésion territoriale ont, d'ailleurs, signifié à la ville de Paris que cette opération comptable ne pourrait être renouvelée au-delà de 2022.