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JO de Paris 2024 : vers 1 milliard d’euros de dérapage pour les finances publiques ?

Du 26 juillet au 11 août 2024 se tiendra la 33ème édition des Jeux Olympiques modernes à Paris, deuxième ville à accueillir trois fois les JO d’été. Comme à chaque édition, des dépassements de budget sont attendus et Paris vise aujourd’hui un budget d’au moins 8,8 milliards d’euros contre 7,3 milliards à l’été 2021 (et même 6,2 prévus initialement).

Depuis le début de l’année, la polémique sur le prix des billets élevés a révélé la complexité du financement de ces Jeux d’été. L’occasion de faire un point sur la part de financement public versus privé pour l’organisation des Jeux. À l’heure actuelle, il est attendu que le contribuable français finance à hauteur de 2 milliards d’euros les JO de Paris 2024, soit plus d’un cinquième de la facture actuelle. Par rapport au budget prévisionnel, le dérapage du financement public se porte à 400 millions au moins… pour l’instant car Pierre Moscovici, président de la Cour des comptes, alerte déjà sur un dérapage potentiel et final de 1 milliard d’euros. En effet, la Cour souligne que le coût réel des Jeux devra inclure les coûts, aujourd’hui non consolidés, « des collectivités territoriales, notamment la ville de Paris (dont le budget pour les Jeux devrait avoisiner 500M€), ainsi que les dépenses que l’État consacrera notamment à la sécurité des Jeux et celles des opérateurs de transport ».

Billets : un niveau de prix dans la norme « olympique »

Sur la question du prix des billets, le comité d’organisation des Jeux explique que les prix sont élevés pour éviter de faire payer le contribuable et que seulement 10% des billets affichent un prix supérieur à 200 euros. Au final, Tony Estanguet, le président du Comité d’organisation, expliquait chez RTL, le 22 février 2023, que la billetterie des JO devrait générer 1,24 milliard d’euros de revenus, soit le tiers du budget du comité d’organisation (COJO). En 2012, la billetterie avait permis de générer 600 millions de livres de revenus, soit 30% du budget du comité.

Notons que l’édition parisienne doit se distinguer par une cérémonie d’ouverture en plein air pour laquelle 100 000 places sont vendues (pour des prix variant de 90 à 2 700 euros, voire 25 000 euros pour les places sur des bateaux) plus 300 000 spectateurs qui pourront bénéficier d’une billetterie gratuite, selon l’annonce du ministre de l’Intérieur de mai 2023. À titre indicatif, la cérémonie d’ouverture d’Athènes en 2004 avait réuni 72 000 spectateurs pour des prix allant de 50 à 950 euros, la cérémonie d’ouverture de Pékin en 2008 avait réuni 91 000 spectateurs pour des prix variant de 20 à 600 euros. Mais si l’on se penche sur la dernière édition, on se rapproche de la gamme de prix parisienne puisque les billets pour la cérémonie d’ouverture des Jeux de Tokyo en 2020 allaient de 92 à 2 296 euros et ce, pour un pays où le revenu moyen est très proche de la France.

Concernant les places pour assister aux épreuves, Ouest France déterminait que le premier proposé à Paris était de 24 euros, contre 23 euros pour l’édition de Londres, 19 euros pour l’édition de Tokyo et 13 euros pour Rio. Le journal a calculé que la moitié des billets de l’édition parisienne était à moins de 50 euros, contre 62 euros pour Londres et 61 euros pour Tokyo et 23 euros pour Rio.

Il apparait donc que les tarifs définis par le comité olympique sont cohérents avec les prix pratiqués lors des précédentes éditions.

Néanmoins, la ministre des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques, Amélie Oudéa-Castéra, avait déclaré que l’État et les collectivités “prendraient le relais pour ceux qui n’ont pas les moyens”, selon Le Monde. Ainsi, les finances publiques pourraient être mobilisées à hauteur de 11 millions pour l’État et 1 million pour le département de Seine-Saint-Denis, pour ouvrir une “billetterie sociale” qui distribuerait 300 300 billets pour les Jeux paralympiques et 100 600 pour les Jeux olympiques. Vraisemblablement, cette mesure rejoint l’annonce d’Emmanuel Macron qui, dès juillet 2020, avait affirmé que l’État allait acheter 400 000 billets à distribuer aux moins de 16 ans ce qui correspond à 26% des places en ventes.

Des JO traditionnellement coûteux

La Fondation IFRAP s’inquiétait dès 2015 des probables surcoûts des JO à Paris. À raison, le budget de Paris 2024 ayant largement été revu à la hausse depuis le lancement de la candidature. Le coût prévisionnel était en effet de 6,2 milliards d’euros et s’élève dorénavant à 8,8 milliards, alors même que c’est grâce à l’argument économique que la France avait obtenu l’attribution. Ce total reste néanmoins inférieur aux éditions précédentes : les JO 2012 de Londres ont coûté 11 milliards d’euros au lieu de 4,8 milliards, plus de 13 milliards au lieu de 9 pour ceux de Rio en 2016 et enfin Tokyo en 2020, édition la plus chère de l’histoire et dont l’édition à dû se tenir sans public, qui a coûté plus de 15 milliards d’euros. Si Paris dispose de plusieurs avantages pour contenir les coûts d’organisation, il n’est pas dit que l’enveloppe ne grimpe pas jusqu’à 10 milliards d’euros.

Source : La malédiction du vainqueur de l'enchère, par Wladimir Andreff; BBC; Korea Joongang Daily

Un financement public qui se porte à environ 21,5% du total

Deux structures distinctes ont été créées afin de gérer de manière optimale le budget prévisionnel : le comité d’organisation des Jeux (COJO) et la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo). Les deux structures paieront chacune 4,4 milliards d’euros. Mais dans les 8,8 milliards, on ne compte pas les coûts liés à la sécurité, par exemple.

  • Le comité d’organisation des Jeux

Le COJO est chargé d’assurer le financement de l’ensemble des dépenses relatives à l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques. Le budget du COJO de Paris 2024 est financé à 96% par des recettes privées, les 4% du public correspondant à ce que coûtent les Jeux paralympiques (soit 352 millions). Son budget, chiffré en 2021 à 3,9 milliards d’euros, a déjà été augmenté pour atteindre 4,4 milliards en 2023. A noter qu’au départ, le financement public des Jeux ne représentait que 2,5% (100 millions), pour 4% aujourd’hui (171 millions, réservés aux paralympiques). Le surcoût pour le COJO est de 71 millions d’euros.

Voici la répartition des recettes prévisionnelles (le budget chiffré à 3,9 milliards).

Point à souligner : si le COJO est une association loi 1901 exclusivement financée par des investissements privés, l'État se porte garant en cas de déficit. L’organisation des JO pourrait donc peser sur les finances publiques en cas de dépassement budgétaire excessif.

  • La Société de livraison des ouvrages olympiques

La Solideo est la structure chargée de la livraison des infrastructures olympiques. Son budget, d’environ 4,4 milliards, est financé en partie par le public : en 2021, le soutien public devait atteindre les 1,38 milliard d’euros. La facture pour le contribuable est désormais de 1,711 milliard. La Solideo affiche donc une augmentation de 331 millions d’argent public. La raison de ce surcoût est double : inflation et “désorganisation des chaînes logistiques”.

Néanmoins, les JO 2024 reposent sur près de 95% d’infrastructures déjà existantes, entre autres le Stade de France, Roland-Garros et le vélodrome de Saint-Quentin en Yvelines, ainsi que des nombreuses infrastructures hors de l’Île-de-France. Les principales réalisations seront ainsi la construction du village olympique, un centre aquatique, une salle omnisports de 7 500 places et du village médias, pour la plupart en Seine-Saint-Denis. Surtout, et contrairement aux précédents sites olympiques souvent délaissés, Paris anticipe la reconversion de ces nouvelles infrastructures : le village olympique situé entre Saint-Denis et Saint-Ouen sera ainsi transformé en un ensemble de logements, commerces et bureaux dès la fin des Jeux. Prévoir une seconde vie à ces installations permet de relativiser ces coûts de construction, comme en atteste Mickael Aloisio, directeur de cabinet du Comité d’organisation des JO 2024 : « C’est important de comprendre que le coût de cet investissement-là n’est pas réalisé pour les Jeux, il est vraiment réalisé pour accompagner le développement de ce territoire ».

En somme, les Jeux sont quand même financés à 21,5 % par le public. La formule “les Jeux financent les Jeux” concerne surtout les sommes gérées par le Comité d’organisation.

Financeur

Budget 2021

Après augmentation (début 2023)

Cojo

3,9 milliards

4,4 milliards

Dont public

100 millions

171 millions

Etat

80 millions

124,5 millions

Autres (Grand Paris, Paris, Île-de-France)

20 millions

46,5 millions

Solideo

3,4 milliards

4,4 milliards

Dont public

1,4 milliard

1,7 milliard

Etat

933 millions

1 milliard

Paris

135 millions

149 millions

(500 millions : budget final attendu par la Cour des comptes)

Île-de-France

135 millions

148 millions

Seine-Saint-Denis

67 millions

75 millions

Total Cojo+Solideo

7,3 milliards

8,8 milliards

Dont public

1,5 milliard

1,9 milliard

(2,4 milliards en incluant les dépenses finales de la ville de Paris attendues par la Cour des comptes)

Des Jeux qui soulèvent quelques craintes au niveau de l’argent public

Fin 2022, l’État et les collectivités avaient injecté près de 111 millions d’euros en plus pour les JO 2024. Mais la dépense publique sera sans doute bien supérieure. La Cour des comptes a voulu mettre en lumière certains coûts annexes des JO, donc en dehors de l’enveloppe des 8,8 à 10 milliards. La sécurité assurée par le public par exemple, coûterait 419 millions d’euros selon elle. L’État devra aussi mettre la main à la poche pour les primes des policiers mobilisés pour l’événement en plein été. L’État estime que les Jeux lui coûteront, en cumulé, 1,157 milliard d’euros, et 2,166 milliards pour l’ensemble des pouvoirs publics. Pierre Moscovici était même allé plus loin en parlant de 3 milliards de dépenses publiques au total. À cause notamment des frais liés à la construction de nouveaux moyens de transport, il est pour l’instant impossible de chiffrer l’ensemble de la facture pour cette XXXIIIe olympiade.

De plus, avec les Jeux olympiques, l’État a décidé de procéder à quelques exonérations fiscales pour certains partenaires, comme l’horloger suisse Omega, dispensé de payer 4 millions d’euros selon le budget 2023.

Cependant, il est important de relativiser ce surcoût. Les JO de Paris 2024 sont souvent comparés aux JO d’été de Londres en 2012. Ces derniers avaient coûté beaucoup plus cher en valeur absolue (entre 11 et 14 milliards), le surcoût était bien plus important, et surtout, ils étaient en grande partie financés par le contribuable : 9 milliards de livres sterling, soit 11,8 milliards d’euros. Mais la stratégie était assez différente, puisque Londres 2012 a nécessité davantage de nouvelles infrastructures, et selon le gouvernement britannique, ce coût a été amorti depuis.