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Flotte de porte-avions : comparaison internationale

La loi du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 prévoit le lancement des études relatives à la réalisation d'un porte-avions (PA) devant succéder au « Charles de Gaulle » qui devrait être retiré du service actif dans les années 2040.  Une occasion de présenter la situation actuelle des flottes de PA de différents pays visant à mettre en évidence la nécessité pour la marine nationale française d'avoir en service actif non pas 1 PA mais 2 (comme dans les années 1960-1990 avec le « Foch » et le « Clemenceau ») compte tenu de son rang de puissance maritime et militaire (en particulier nucléaire).

Quels sont les différents types de PA ?

D'un point de vue opérationnel et technique, il existe 3 types de PA :

  • le CATOBAR (Catapult Assisted Take Off But Arrested Recovery : assistance au décollage par catapulte et à l'appontage) qui dispose : à la proue du PA d'une piste permettant le décollage horizontal d'avions avec un système de catapultes actuellement à vapeur qui devrait être remplacé par un dispositif électromagnétique (américain : EMALS), de brins d'arrêt pour l'appontage horizontal des avions ;
  • le STOBAR (Short Take-Off But Arrested Recovery) qui dispose : à la proue du PA d'une piste disposant d'un tremplin avec un angle de sortie d'une dizaine de degrés qui permet le décollage court horizontal des avions sans catapultage, de brins d'arrêt pour l'appontage horizontal des avions ;
  • le STOVL (Short Take Off Vertical Landing) qui dispose : à la proue du porte-avions d'une piste disposant d'un tremplin avec un angle de sortie d'une dizaine de degrés permettant le décollage court horizontal des avions sans catapultage, d'une piste permettant le décollage et l'appontage vertical des avions (Vertical Take-off and Landing aircraft - VTOL).

Quels sont les avantages et les inconvénients de ces 3 systèmes ?

Le système CATOBAR qui apparaît plus coûteux en raison de son système de catapultage présente les avantages suivants :

  • Possibilité d'embarquer des avions de l'aéronavale et de l'armée de l'air disposant de l'arme nucléaire et des avions de guet et d'observation (exemple : Atlantique 2, E-2 Hawkeye, Grumman C-2 Greyhound) de poids plus élevé que les chasseurs ;
  • Faculté pour ces avions de conserver un rayon d'action important grâce aux catapultes ;
  • Diminution des contraintes du décollage horizontal liées à la force et à la direction du vent grâce aux catapultes.

Le système STOBAR embarque des avions plus légers dotés d'une importante force de poussée qui diminue leur rayon d'action et leur quantité d'emport d'armes létales conventionnelles, mais avec des contraintes de décollage relatives à la force et la direction des vents.

Le système STOVL qui peut être assimilé plutôt à des porte-aéronefs car ils embarquent un mix d'avions à décollage horizontal court et/ou vertical et d’hélicoptères (transport de personnels, attaque au sol...) dont le ratio varie en fonction des missions, embarque des avions spécifiques (VTOL) avec des caractéristiques moindres en termes de rayon d'action et d'emport d'armes conventionnelles.

Quels sont les pays qui mettent en œuvre le PA armé du système CATOBAR ?

Ce sont les États-Unis d'Amérique et la France – confer le tableau ci-dessous :

Nomtonnage à pleine chargepropulsionvitesse en nœudspuissance en chéquipagegroupe aérien embarquéaéronefs embarqués – capacité maximalelancemententrée en service actifancienneté de service en 2018
Etats-Unis d'Amérique
Classe Nimitz
Nimitz72 900nucléaire30260 0003 2002 480901972197543
Dwigt D. Eiseonhower72 900nucléaire30260 0003 2002 480901975197741
Carl Vinson72 900nucléaire30260 0003 2002 480901980198236
Classe Roosevelt
Theodore Roosevelt88 000nucléaire30260 0003 2002 480901984198632
Abraham Lincoln88 000nucléaire30260 0003 2002 480901988198929
George Washington88 000nucléaire30260 0003 2002 480901990199226
John C. Stennis88 000nucléaire30260 0003 2002 480901993199523
Harry S. Truman88 000nucléaire30260 0003 2002 480901996199820
Ronal Reagan88 000nucléaire30260 0003 2002 480902001200315
George H.W.Bush88 000nucléaire30260 0003 2002 48090200620171
En étude et construction : classe Gerald R. Ford
Gerald R. Ford112 000nucléaire30300 0004 2901002013essais en mer
John F. Kennedyen construction depuis 2011
Enterprisedébut de construction prévue en 2019
France
En service
Charles de Gaulle42 500nucléaire2783 0001 210700401994200117

Quels sont les pays qui mettent en œuvre le PA armé du système STOBAR ?

Ce sont la Fédération de Russie, l'Inde et la République populaire de Chine (RPC) qui pour ces 2 derniers pays ont en acquis chacun 1 PA auprès des anciens pays de l'URSS (Ukraine et Russie) : à noter que l'Inde la RPC ont lancé le chantier de fabrication nationale d'un 2d PA – confer le tableau ci-dessous :

Nomtonnage à pleine chargepropulsionvitesse en nœudspuissance en chéquipagegroupe aérien embarquéaéronefs embarqués – capacité maximalelancemententrée en service actifancienneté de service en 2018
Fédération de Russie
Amiral Kouznetsov59 100thermique32200 0001 30060026 dont 14 avions et 12 hélicoptéres1985199127
République populaire de Chine
Porte-avions de la Classe Amiral Kouznetsov acheté en 2000 en état de non achévement par la Chine à l'Ukraine
Liaoning67 000thermique3250 0002 00050040199820118
En construction
Type 001A70 000thermique 200 000   2017prévue en 2020 
Inde
Porte-avions de la Classe Kiev acheté en 2004 par l'Inde à la Fédération de Russie – classe Kiev
Vikramadyta45 000thermique32180 000  30 dont 12 avions 20135
En construction
Vikrant40 000thermique28100 000  30 dont 12 avions2013en construction 

Quels sont les pays qui mettent en œuvre le PA armé du système STVOL ?

Ce sont plusieurs pays qui mettent en œuvre ce type de PA, notamment :

  • Européens (hors l'Allemagne qui n'a jamais disposé de PA opérationnel) : le Royaume-Uni de Grande Bretagne et d'Irlande du Nord, l'Italie et l'Espagne ;
  • Autres comme l'Australie et la Turquie qui ont fait construire leur PA avec l'aide de l'Espagne.
Nomtonnage à pleine chargepropulsionvitesse en nœudspuissance en chéquipagegroupe aérien embarquéaéronefs embarqués – capacité maximalelancemententrée en service actifancienneté de service en 2018
Royaume-Uni de Grande Bretagne et d'Irlande du Nord
HMS Queen Elizabeth65 000électrique intégrée27108 0001 45040201420171
HMS Prince of WalesEn construction depuis 2017 sur le même modèle que celui du HMS Queen Elizabeth
Italie
C'est plutot un porte-aéronefs dans la mesure où ce navirs accueille un mix d'avions et d'hélicoptéres avec un ratio plus ou moins variable selon les missions ainsi qu'une force blindée-mécanisée d'environ 500 personnels
Giuseppe Garibaldi13 850électrique intégrée3020 000730100121983198632
Cavour devant remplacer le Gaibaldi27 910électrique intégrée2820 0004502009200420098
Espagne 
C'est plutot un porte-aéronefs dans la mesure où ce navirs accueille un mix d'avions et d'hélicoptéres avec un ratio plus ou moins variable selon les missions ainsi qu'une force blindée-mécanisée d'environ 900 personnels
Juan Carlos28 000thermique2128 00026017024 dont 12 hélicoptéres200920162
Australie
HMS Adelaïdecaractéristiques identiques au PA Juan Carlos car construit par l'Espagne201220162
HMS Canberracaractéristiques identiques au PA Juan Carlos car construit par l'Espagne201120162
Turquie
Anadolucaractéristiques identiques au PA Juan Carlos car construit par l'Espagneen construction – livraison prévue en 2021

Pourquoi doter en permanence avec 2 PA pour la marine nationale française ?

Navire de dimension stratégique disposant des moyens d'intervention et de dissuasion nucléaire et conventionnelle, le PA permet de se passer de bases aéroterrestres qui suppose de passer des accords binationaux avec des pays limitrophes des théâtres d'OPEX – ce qui permet de diminuer les coûts relatifs au déploiement au sol. Cependant, un seul PA ne suffit pas car il est soumis à plusieurs périodes de maintenance technique - exemple pour le PA « Charles de Gaulle » :

  • Périodique (IPER) : 18 mois tous les 8 ans (2008 et 2018),
  • Intermédiaire (IEI) : 7 mois entre chaque IPER,
  • D’entretien courant : 2 à 3 mois.

Donc, mettre en œuvre un seul PA se traduit par une capacité aéronavale d'environ 60%.

En outre, certains pays privilégient la mise en œuvre de navires jumeaux (« sister ships »), qui permettent la diminution du coût unitaire de fabrication de ces navires :

  • US Navy : 13 dont 3 de la classe Nimitz, 7 de la classe Roosevelt, et 3 de la classe Ford ;
  • Royal Navy : 2 PA ;
  • Royal Australian Navy : 2 PA.

De plus, il semblerait que d'autres pays envisageraient de doter au plus tôt dans les années 2020-2030 leur marine de plusieurs PA de type CATOBAR et/ou STOBAR à propulsion nucléaire et/ou thermique comme :

  • La Fédération de Russie (confer l'article de BFM Business du 29 avril 2017) = 3) ;
  • La République populaire de Chine (confer l'article du media Les Echos du 1er mars 2018) = 6 ;
  • L'Inde (confer l'article de Net-Marine du 10 novembre 2016) = 3.

Pour la France, s'appuyer sur un PA américain en cas d'indisponibilité technique du « Charles de Gaulle » pose la question de l'indépendance nationale en matière stratégique et diplomatique, notamment avec la mise en œuvre de la dissuasion nucléaire.

Quel type du nouveau PA pour la marine nationale française ?

La mise en œuvre par la France d'un PA CATOBAR permet des échanges avec la marine américaine – confer les exemples suivants (liste non exhaustive) :

  • 1998 : entraînement des pilotes français sur le PA USS « Théodore Roosevelt » ;
  • 2005 : appontages d'avions américains F/A-18 Hornet, E2-C Hawkeye et C-2 A Greyhound sur le PA « Charles de Gaulle » ;
  • 2007 : appontage d'avions français (avions Rafale et E2-C Hawkeye) sur le PA USS « Enterprise » ;
  • 2010 : changement pour la 1ére fois de moteur d’un Rafale M F3 à bord du PA USS « Harry S. Truman » tandis que des F/A-18 effectuaient une série de « touch and go » sur le PA « Charles-de-Gaulle » ;
  • 2016 : commandement par le groupe aéronval français lors de la mission Arromanches2 déployée contre l'État islamique (EI ou Daesh) de la « task force 50 » compte tenu de l'impossibilité pour l'US Navy de disposer d’un PA dans la zone des opérations ;
  • 2018 : entraînements d'équipages français sur le PA USS « Georges H W. Bush » en raison de l'arrêt technique majeur du PA « Charles de Gaulle ».

La configuration des 2 PA de type CATOBAR que doit réaliser la France devra avoir les caractéristiques suivantes :

  • Possibilité d'accueillir différents aéronefs français et mis en œuvre par les pays de l'OTAN à voilure fixe, tournante et convertible en particulier les nouveaux avions et des drones du Système de combat aérien du futur européen (SCAF) ;
  • Disposer de la propulsion nucléaire qui permet notamment des ravitaillements moins fréquents qu'une propulsion classique (gazole).

Quel pourrait être le coût de 2 PA ?

A titre de référence, le coût du porte-avions « Charles de Gaulle » a été d'environ 4 milliards d'euros mais la construction d'un second PA nucléaire implique la commande de nouveaux matériels pour l’équiper. Au total, on peut estimer que ce sont entre 6 et 8 milliards d’euros qu’il faut prévoir pour la construction et l’armement d’un second porte-avions. Si ces investissements sont très lourds, ils ont forcément vocation a être répartis sur toute la durée de la construction, soit 15 ans. Dès lors, cela représente environ 466 millions d’euros par an. 

Conclusion

Lors de la campagne des élections présidentielles de 2017, l'ensemble des candidats s'est prononcé pour la réalisation d'un seul PA avec une phase préalable d'études de développement du programme.

Alors que la France dispose du 2d espace maritime sur la planète, il convient de porter dans les meilleurs délais un effort significatif au profit de sa marine nationale en ce qui concerne la réalisation notamment de 2 PA CATOBAR devant être mis en service à partir des années 2030-2040. Pour tenir ce calendrier, la décision de réalisation sur le 2d PA CATOBAR doit être prise rapidement.

Pour aider le financement de la réalisation de ces 2 PA « sister ships » permettant ainsi d'amortir les coûts fixes de ce programme, il convient de rechercher des économies budgétaires et financières en renforçant dans un cadre européen la mutualisation des forces terrestres dont le volume total est supérieur à celui de l'US Army alors que l'US Navy a une force de projection supérieure à celle des marines européennes.