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Déploiement opérationnel des forces armées en 2017 : premier bilan

La sécurité et la défense nationale de la France et de ses intérêts de toute nature sur le territoire national et à l'étranger, concernent non seulement les forces armées françaises du ministère des armées (MdA) mais aussi les administrations civiles et militaires appartenant à d'autres départements ministériels et des collectivités territoriales. 

En ce qui concerne le MdA, il participe aux missions suivantes effectuées bien souvent dans un cadre interministériel régalien (Intérieur, Affaires étrangères, Justice, Transition écologique, Finances) qui sont les suivantes :

  • opérations extérieures (OPEX) engagées sur différents statuts : national, accord bilatéral de défense, européen (UE, OSCE...), multinational (OTAN), international (ONU),

  • protection du territoire national : opérations « Sentinelle »1, « Égide »2, « Trident»3, « Jupiter »4, « Harpie »5, « Titan»6 , « Cuirasse »7,

  • opérations de lutte contre les catastrophes naturelles sur le territoire national et à l'étranger : « Héphaïstos »8, inondations, averses neigeuses, séismes, tsunamis, épidémies (Chikungunya, Ebola...) et épizooties (grippe aviaire)...

  • forces de présence à l'étranger au titre des accords bilatéraux : Afrique (Sénégal, Côte d'Ivoire, Gabon, Djibouti) et Moyen-Orient (Emirats-Unis),

  • forces de souveraineté dans les DOM-COM : Antilles, Guyane, La Réunion, Mayotte, Nouvelle-Calédonie, Polynésie,

  • posture de présence avancée : dissuasion nucléaire nationale assurée par des forces sous-marines et aériennes stratégiques, protection des espaces nationaux des Pays Baltes,

  • action de l’État en mer : lutte contre le narco-trafic, secours et sauvetage en mer, « Polpêche »9

La carte ci-dessous met en évidence les principales missions opérationnelles  :

 

Les OPEX sont les suivantes :

Pays et territoires et zones concernées.

Cadre de l'OPEX

Nom de l'OPEX.

Nature de l'OPEX

Date de début de l'OPEX

Durée de l'OPEX en 2017

Effectif déployé en 2017

Afrique.

Mali, Niger, Tchad, Sénégal, Burkina-Faso, Côte d'Ivoire

Accord bilatéral

Barkhane (succédant à Serval) et Sabre10

Contre-insurrection et soutien opérationnel de la MINUSMA

2013

4 ans

Environ : 4.000

Mali

ONU

MINUSMA

Assistance militaire dans le cadre de l'opération de maintien de la paix (OMP)

2014

3 ans

20

UE

EUTM11

Formation des forces armées du pays

2014

3 ans

30

Centrafrique

Accord bilatéral

Sangaris

Soutien opérationnel de la MINUSCA

2013

4 ans

240

ONU

MINUSCA

Assistance militaire dans le cadre de l'OMP

2014

3 ans

20

UE

EUTM

Formation des forces armées du pays

2014

3 ans

20

Côte d'Ivoire

ONU

ONUCI

Assistance militaire dans le cadre de l'OMP.

2004

13 ans

40 (moyenne)

Golfe de Guinée

National

Corymbe

Force maritime d'intervention prépositionnée chargée de la lutte contre la piraterie maritime et l'assistance opérationnelle aux pays riverains

1990

27 ans

250

Sahara occidental

ONU

MINURSO

Observation des accords de cessez le feu

1990

27 ans

10 (moyenne)

République démocratique du Congo

ONU

MONUSCO

Assistance opérationnelle militaire dans le cadre de l'OMP.

2013

4 ans

5

Liberia

ONU

MINUL

Assistance opérationnelle militaire dans le cadre de l'OMP.

2003

14 ans

3

Corne orientale de l'Afrique

UE

Atalante

Lutte contre la piraterie maritime et protection de l'acheminement alimentaire en Somalie

2008

9 ans

200

OTAN

Combined task force 150

2009

8 ans

National

Équipages de protection embarquée

Protection des navires de pèche battant pavillon français.

2008

9 ans

Total des effectifs déployés en Afrique

Environ 4.800

Moyen-orient

Irak, Jordanie, Arabie saoudite, Émirats-Unis, Koweït, Qatar, et Bahreïn, zones aéromaritimes de la Méditerranée orientale, du Golfe arabo-persique et de la mer Rouge

Multinational

Chammal.

Contre-insurrection et assistance opérationnelle militaire.

2014

3 ans

Environ : 1.200

Liban

ONU

FINUL-Daman

OMP

1978

39 ans

740

Sinaï

Multinational

Force d'observation.

Observation des accords de cessez le feu

1982

35 ans

2

Total des effectifs déployés au Moyen-Orient

Environ 1.940

Méditerranée

UE

EUNAVFOR (Sophia)

Maîtrise de la crise migratoire.

2015

2 ans

100

Total des effectifs déployés en Méditerranée

100

Total des effectifs déployés en OPEX

Environ 6.840

Les éléments cités supra mettent en évidence les observations concernant les missions suivantes :

1/ les OPEX : une durée importante d'intervention allant jusqu'à plus de 30 années tout en précisant que la France est intervenue de façon continue et discontinue avec des volumes d'effectifs de plus de 12.000 personnels dans les années 1990 et bien souvent dans le cadre d'accords bilatéraux :

  • sur le continent africain : Tchad depuis 1969, Centrafrique depuis 1978, Zaïre puis République démocratique du Congo depuis la fin des années 1970, Côte d'Ivoire depuis la fin des années 1990, Sahara occidental depuis 1990,

  • sur continent européen : Balkans entre les années 1990 et 2000,

  • sur le continent asiatique : Liban (depuis 1978), Syrie (depuis 1978), Sinaï (depuis 1980), Irak (1990-2003 et depuis 2013), Afghanistan entre 2001 et 2014.

Ces OPEX ont inévitablement un coût financier de plus en plus important dans lequel la part des dépenses de rémunérations, d’alimentation et de fonctionnement a diminué en raison de la réduction des effectifs projetés alors que celles des armements et munitions, des équipements, du carburant, du transport, de l'entretien programmé des matériels a augmenté compte tenu que la nature des interventions est passée du statut en grande partie d'OMP (dans les années 1990) à celui de contre-insurrection dans les années 2000 – confer les tableaux et graphiques suivants :

En outre, conformément à la décision prise lors du Sommet de Varsovie en juillet 2016 de l'OTAN relative à l'établissement d'une « présence avancée renforcée » (eFP)12 dans les pays baltes et en Pologne afin de démontrer « la solidarité des pays de l’Alliance, ainsi que leur détermination et leur aptitude à réagir en déclenchant une réponse alliée immédiate face à toute agression. », il convient de noter la participation de la France dans 1 des 4 bataillons multinationaux blindés-mécanisés (environ 500 personnels chacun) déployés dans cette zone orientale de l'Europe sous la direction d'une nation-cadre13 - confer la carte ci-dessous :

2/ forces de souveraineté dans les DOM/COM (volume total d'environ 7.000 personnels) : un volume de forces terrestres (environ 4.500 personnels14) qui ne semble pas justifié compte tenu de l'absence de menaces sauf en Guyane (confer supra), voire à La Réunion et en Nouvelle Calédonie15 et de la possibilité d'engager les unités du Service militaire adapté (SMA)16 dans la lutte contre les catastrophes naturelles,

3/ opération « Sentinelle » : la nécessité de désengager les forces armées de cette mission de sécurité dont le périmètre relève plutôt du domaine de la police judiciaire et administrative assurée en liaison avec les institutions judiciaires par les forces de sécurité (police et gendarmerie nationales avec la participation de la police municipale) dont les effectifs doivent être renforcés.

Conclusion

C'est ainsi qu'il y a lieu de définir dans le cadre de la revue stratégique que s'est engagée à conduire le chef de l’État :

  • les zones actuelles et à venir qui représentent pour la France associée à l'UE et l'OTAN des menaces sur ses intérêts économiques nationaux et de ses partenaires notamment européens,

  • les conditions de la sécurité de l'ensemble des ressortissants occidentaux et des pays avec lesquels il existe des clauses de réciprocité,

  • une sélectivité dans un cadre interministériel, européen, multinational (OTAN) et international (ONU) des engagements diplomatiques (médiation et coopération et développement économique dans les pays en proie à des conflits internes) et en dernier recours militaires dans une logique budgétaire et capacitaire devant être soclée (2% du PIB),

  • une évaluation des ressources que la France peut engager notamment dans la durée et des possibilités de mutualisation des moyens (diplomatiques, financiers, opérationnels et logistiques) avec ses partenaires notamment européens.


1Protection des populations et des sites contre les attentats terroristes.

2Protection des emprises militaires, des bâtiments publics de l’État, des organisations internationales et des représentations diplomatiques.

3Surveillance et protection militaires des espaces aériens, maritimes et terrestres.

4Sûreté et sécurité menées au profit des forces stratégiques militaires nucléaires.

5Lutte contre l'orpaillage et l'immigration illicites en Guyane.

6Surveillance des abords terrestres et aériens du centre spatial Guyanais (Kourou).

7Protection des sites militaires : états-majors comme le site parisien ministériel de Ballard, dépôts d'armes et de munitions...

8Participation à la lutte contre les feux de forêt.

9Observation des activités de pêche en Guyane : vérification des journaux de bord et des engins de pêche, contrôle des maillages, appréhension des navires, matériels et produits de la pêche...

10Concernant les forces spéciales.

11European Union Monitoring Team

12Ce dispositif s'ajoute à la mission de surveillance aérienne « Air Baltic Policing » à laquelle ont participé et participent plusieurs pays : Allemagne, Belgique, Canada, Danemark, Espagne, États-Unis, France, Hongrie, Italie, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République Tchèque, Royaume-Uni et Turquie.

13Estonie : Royaume-Uni, Lettonie : Canada, Lituanie : Allemagne, Pologne : États-Unis

14dont 50% en séjour permanent (2 à 3ans) et 50 % en missions de courte durée (4 à 6 mois)

15Missions de souveraineté dans des territoires isolés : Îles Éparses dans le canal du Mozambique et îlots au sud de la Nouvelle-Calédonie (Hunter, Matthew et Whalpole) assurées par des détachements réduits (entre 10 et 20 personnels) pour des durées de 2 à 3 semaines.

16SMA dépendant du ministère de l'outre-mer qui comptent environ 7.000 personnels (cadres et volontaires) sous statut militaire.