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Comment optimiser la vente de l'immobilier de l'Etat ?

Clarifier les chiffres et développer une vraie relation client

Comment optimiser la vente de l'immobilier de l'Etat ? A cette question, la réponse pour le moment de l'administration consiste à recalibrer à la baisse le montant de ses prévisions de cessions et à développer un plan pluriannuel de cessions de façon à mettre un peu plus en perspective les futurs biens immobiliers mis en vente… histoire d'appâter d'éventuels acheteurs. Sauf que pour réaliser ce « tournant » dans la politique immobilière de l'Etat, France Domaine part comme toujours d'une démarche descendante, l'Etat choisissant librement les biens à mettre en vente, sans véritablement s'intéresser aux besoins éventuels de ses acheteurs potentiels. En outre, tout le processus d'appel d'offres est actuellement court-circuité par le principe de « priorité » délivré au bénéfice des collectivités locales, et qui rallonge en réalité les délais de réalisation des opérations de cessions au détriment des investisseurs privés éventuels… Il est donc plus que temps que l'administration des Domaines change de point de vue et s'investisse dans le développement d'une vraie relation client en écoutant les besoins de ses acheteurs.

A la vue de l'évolution du montant des produits de cessions en trois ans (cf. tableau), France Domaine ne peut enregistrer qu'une baisse constante des montants récoltés depuis 2008 (non pas nominaux mais en taux de réalisation par rapport aux prévisions budgétaires initiales). Pourtant, bien qu'alarmants ces chiffres sont techniquement « faux » dans la mesure où ils retracent les sommes effectivement encaissées au cours de chaque exercice budgétaire, mais ne représentent pas le produit réel des ventes programmées et réalisées chaque année. Cela est particulièrement perceptible au vu des produits comptabilisés entre 2005 et 2008 dont les montants sont supérieurs aux prévisions. Tout porte à croire que les prétentions depuis 2009 sont régulièrement revues à la baisse afin de « coller » budgétairement à la réalité. Avec un chiffre réel de produits encaissés en 2009 sur les ventes de 2009 de 65 millions d'€ et non plus de 475 millions comme affiché officiellement, il est possible de s'interroger sur la stratégie adoptée par France Domaine en la matière.

Les produits de cessions et leur réalisation sur la période 2005-2001
Montants en millions d'€2005200620072008200920102011
Prévisions 600 439 500 600 1400 900 400
Réalisations 634 798 820 395 475 450 ?
Rapport Prév/Réal 6% 82% 64% -34% -66% -50% ?
Parts affectées au désendettement 15,70% 15,10% 16,00% 15,60% 4,80% 2,70% 15% garanti légalement
Source : Rapport Sénat PLF 2011 et hypothèses iFRAP

Or que constate-t-on ? Depuis le 9 janvier 2010 a été lancé un plan pluriannuel de cessions visant à communiquer bien en amont des appels d'offres officiels, la nature des biens que l'État s'apprête à mettre en vente. Une idée qui irait dans le bon sens, si le législateur n'avait pas mis en place un droit de priorité au profit des collectivités locales qui leur permet de passer « systématiquement » avant les opérateurs du secteur privé. Ce phénomène a deux effets pervers immédiats :

- Tout d'abord de très importants délais de réalisation des ventes : il faut compter au minimum pour un opérateur privé 12 mois à compter pour l'État de la prise de décision de mise en vente et 6 mois après publicité dans la presse de l'appel d'offres au privé (les 4 premiers mois étant réservés aux collectivités locales dans le cadre de leurs droits de priorité).

- Ensuite, il n'y a pas de contact client véritable. En conséquence il n'existe aucune procédure permettant à un particulier de saisir les Domaines afin de leur faire savoir qu'il désirerait acquérir, échanger (au besoin contre soulte) un bien du domaine public. On ne lui répondra pas. Tout au plus doit-il se reporter au plan pluriannuel de cession pour voir si le bien qu'il envisage d'acheter se trouve dans la liste des immeubles « déclassifiés ». Et même dans ce cas, il lui sera impossible de concourir avant que la commune de résidence du bien ne se soit officiellement désistée… ensuite, il faudra qu'il soumissionne au premier tour de l'appel d'offres, que sa proposition soit la meilleure d'emblée ou peu s'en faut, afin de concourir au second tour et ensuite peut-être pouvoir disposer du bien.

On l'aura compris, l'Etat et France Domaine en particulier, auraient tout à gagner d'une relation plus directe avec les acteurs privés. Il faudrait pour cela abolir purement et simplement le droit de priorité accordé aux collectivités locales, ne leur réservant que l'actuel droit de préemption (désactivé d'ailleurs par le droit de priorité) à faire valoir au moment de l'appel d'offres. Il serait bon par ailleurs que France Domaine puisse être saisie directement par les particuliers de leurs projets d'achats, afin de conduire à une modulation des biens que l'administration des Domaines dispose à la vente de façon a être sûr de disposer d'acheteurs et d'une première évaluation du prix de vente remontant du terrain.

En un mot développer une vraie relation client, permettant d'optimiser les ventes immobilières de l'Etat. Il faudrait pour cela que la tutelle théorique de France Domaine sur les directions immobilières des différents ministères soit réellement effective et que le marché puisse orienter pleinement la prise de décision... donc que la réforme de la politique immobilière de l'Etat soit pleinement opérationnelle. Pour cela le CIE (conseil de l'immobilier de l'Etat) devrait y pourvoir et le surveiller... malheureusement là encore la transparence n'est toujours pas au rendez-vous sur le site du Conseil de l'immobilier de l'Etat. Le dernier rapport d'activité disponible est celui des années 2008-2009 [1]. Souhaitons que ce manque de transparence soit au plus vite comblé !

[1] Conseil de l'immobilier de l'État.